Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps
Israël a officiellement accepté de délivrer des permis de travail à 2.600 «commerçants», une façon d’offrir aux nombreux chômeurs de Gaza un moyen de subsistance. Les demandes sont nombreuses tandis qu’Israël manque dramatiquement de main d’œuvre. Des milliers de jeunes prennent d’assaut les bureaux de la Chambre de commerce de Gaza pour obtenir un permis de séjour en Israël au point que la police a dû intervenir pour mettre de l’ordre en raison de l’afflux de candidats. Le Hamas justifie cet engouement en déclarant que cela fait «partie de la mise en œuvre des accords de trêve».
La Chambre de commerce a commencé à recevoir les demandes de nouveaux permis de travail en Israël, selon des conditions et des critères spécifiques. Parmi les conditions figure l’âge du requérant compris entre 26 et 58 ans, à condition qu’il soit chef de famille mais non fonctionnaire ni femme et qu’il soit vacciné contre le virus Corona. Cela a d’ailleurs poussé les citoyens à se rendre en masse dans les centres de vaccination de Jabalia. Selon les syndicats, les travailleurs sont envoyés dans les champs agricoles du Golan, du Néguev et de Beersheba et dans les chantiers de construction de tout le pays.
Devant l’afflux des demandes, Israël a décidé d’augmenter les permis de travail de la bande de Gaza à 7.000 par rapport aux 5.000 en août dernier mais cela est nettement insuffisant pour endiguer le chômage. Nombreux sont les pères de nombreux enfants qui espèrent pouvoir travailler. L’augmentation du nombre de Gazaouis travaillant en Israël a pour but de résoudre partiellement la crise du chômage et la pauvreté dont souffre Gaza, sachant que les revenus du secteur augmenteront de trois millions dollars par jour si l’on atteint le chiffre de vingt mille travailleurs. L’augmentation des permis dépend fortement du succès des négociations au Caire et du maintien du calme sécuritaire aux frontières. Il est courant de voir des Gazaouis sans emploi, dormant sur les trottoirs la nuit, pour être parmi les premiers candidats.
Ce chiffre reste très en dessous des 120.000 travailleurs qui, avant les troubles sécuritaires, entraient librement en Israël. Il est évident que, tant que ce chiffre ne sera pas à nouveau atteint, les conditions de vie et les souffrances économiques imposées par la prise du pouvoir du Hamas en 2006, persisteront. Les chiffres officiels montrent que les chômeurs atteignent à Gaza 211.000 personnes avec un taux de 46%. Seul un petit nombre aura la chance d’obtenir un permis de travail en Israël contraint de son côté d’importer des travailleurs d’Asie. Les 2.600 permis qu’Israël a attribués ont été répartis entre les gouvernorats en fonction de la densité de population ; la part du gouvernorat de Gaza est de 800 personnes, le gouvernorat du nord de Gaza 500 personnes, le gouvernorat de Khan Younes 500 personnes, le gouvernorat de Deir el-Balah 400 personnes et le gouvernorat de Rafah 400 personnes.
Mais l’entrée en Israël implique l’inscription à un registre de commerce ce qui est encore une source de corruption car les demandeurs doivent investir 530 shekels pour l’obtenir ce qui pour les chômeurs est une somme exorbitante. Certains sont contraints de vendre leurs meubles pour payer la démarche pour obtenir les papiers nécessaires. Les dirigeants de Gaza sont choqués par les scènes déconcertantes de milliers de jeunes chômeurs rassemblés devant les bureaux de la Chambre de commerce, parce que cela reflète l’échec de leur politique de réduction du taux de chômage à Gaza.
Cependant, les chefs de famille prennent un grand risque en faisant leur demande car ils sont alors privés des aides alimentaires et en espèces fournies par des organisations internationales et locales. Bien que les ouvriers de Gaza soient très recherchés par les employeurs car certains ouvriers sont très expérimentés, leur statut de «commerçant» ne les couvre pas médicalement en cas d’accident de travail et ne leur permet pas de bénéficier des couvertures sociales et médicales en Israël.
Le gouvernement israélien justifie cette situation. Certes les travailleurs palestiniens ne bénéficient depuis des années d’aucune sécurité sociale mais l’État d’Israël prélève des cotisations sur leurs salaires. Ces cotisations incluent ce qui est connu comme «l’impôt d’égalisation». Selon le protocole économique de Paris, signé entre l’Autorité palestinienne et Israël en 1994, au moment des négociations d’Oslo, l’État hébreu est censé transférer les cotisations de sécurité sociale au gouvernement palestinien. Mais la création d’un système de sécurité sociale palestinien se heurte à d’innombrables obstacles. Faute de caisse pour gérer les fonds, Israël n’a jamais transféré ces prélèvements. Il a fallu attendre 2019 pour que le gouvernement palestinien approuve la création d’un fond de sécurité sociale palestinien. Mais cette loi a soulevé de très larges protestations, qui ont poussé le gouvernement palestinien à suspendre son application. Les mouvements sociaux ont rejeté la loi, car ils n’ont pas confiance dans les gens à qui l’on veut confier le fonds. La loi stipule que le fonds soit géré par une entreprise privée. Le résultat final est qu’il n’y a pas de sécurité sociale, et que les travailleurs palestiniens sont toujours sans protection sociale.