Par Michèle Mazel
C’est à un grand oral d’un genre nouveau que s’est appliqué le président de la République française. Pendant près d’une heure Emmanuel Macron s’est efforcé de convaincre le monde musulman de son profond respect pour l’Islam.
C’est à l’intention des téléspectateurs de la chaine Al Jazeera qu’il s’est livré à cet exercice. A en juger au sourire narquois du journaliste qui l’interrogeait, il n’a guère réussi dans cette entreprise. Alors il a demandé à son fidèle ministre des Affaires étrangères de prendre son bâton de pèlerin et de s’en aller porter la bonne parole d’abord en Egypte puis au Maroc :
« La France possède un profond respect de l’Islam ».
Si le président Abdel Fattah al Sisi l’a écouté poliment, Ahmed el Tayeb, le grand Imam d’Al Azhar et la plus haute autorité religieuse du monde sunnite s’est montré intransigeant. Il a même proféré une curieuse menace : « Nous poursuivrons devant les tribunaux internationaux quiconque aura manqué de respect à notre prophète. »
Il est permis de se demander à quels tribunaux il fait allusion. Fin diplomate, Le Drian s’en est bien gardé. Au Maroc, où aucune visite auprès d’une personnalité religieuse n’était au programme, les choses se sont mieux passées.
Reste tout de même une autre question : pourquoi la France, laïque et démocratique a-t-elle jugé nécessaire de déployer de tels efforts pour assurer le monde musulman de son «profond respect de l’Islam » ? Après tout, a-t-on jamais entendu un président ou un ministre de la métropole évoquer le profond respect de son pays pour le christianisme ?
Inutile, sans doute, puisque pendant des siècles la France s’est enorgueillie du titre de « Fille aînée de l’église. » Soit. Mais le judaïsme alors ? Il y avait des communautés juives en France bien avant l’arrivée des premiers musulmans.
La vérité oblige à admettre que la France n’a guère fait preuve de respect envers la religion mosaïque et que pendant des siècles les Juifs ont subi une politique discriminatoire s’accompagnant d’exactions et de persécutions épisodiques.
Le statut que leur a accordé Napoléon n’a pas hélas mis fin aux outrages dont ils étaient victimes. Le déchainement de haine contre la communauté juive lors du procès Dreyfus n’a été que le prologue aux mesures anti-juives du gouvernement de Vichy et au lâche abandon des citoyens français de confession juive. La France, qui s’est excusée de son passé colonial, ne l’a toujours pas fait regardant son attitude envers les Juifs. On n’a jamais entendu une personnalité française faire état de son profond respect pour la religion juive.
Il faut dire que les Juifs français se sont toujours montrés respectueux des valeurs de la République pour laquelle beaucoup d’entre eux ont donné leur vie. Ils n’ont jamais attaqué, torturé ou massacré leurs concitoyens au nom de leur religion.
Ils n’ont pas fait des barricades, brûlé des monuments quand la France n’a pas hésité à voter la honteuse résolution de l’UNESCO niant tout lien entre le peuple juif et l’esplanade du Temple, haut lieu de cette religion juive qui a donné naissance au christianisme et à l’Islam.
Là est sans doute la différence. Un peu partout de par le monde les musulmans manifestent contre la France, accusée à tort d’avoir insulté leur prophète. Le drapeau français est piétiné, le portrait du président Macron brûlé, les produits français boycottés. Il était donc urgent d’apaiser leur courroux.
