Il est difficile, de loin, sans avoir des connaissances profondes des nuances et des différences entre les diverses personnalités qui composent l’échiquier politique français, de se prononcer sur ce qui se passe dans ce pays.
Apportons ici juste quelques notes, prises du journal Le Monde.
Les passations des pouvoirs
- Au lendemain de l’annonce par le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, de la composition du gouvernement de François Bayrou, la journée a été marquée par les passations des pouvoirs entre les ministres entrants et sortants.
- Au ministère de la justice, où Gérald Darmanin prend la place de Didier Migaud, le nouveau garde des sceaux a notamment affirmé qu’il « travaillera[it] main dans la main avec le ministère de l’intérieur pour [la]
sécurité ». « Je serai celui qui réconciliera notre justice avec nos concitoyens », a-t-il également promis, se plaçant « du côté des victimes et de ceux qui les aident ». - Du côté de l’éducation, l’ancienne première ministre, Elisabeth Borne, qui remplace Anne Genetet, a notamment appelé à « trouver la voie de la stabilité institutionnelle » et a insisté sur la « nécessité de faire émerger des alliances entre les forces politiques républicaines », afin d’échapper à une censure à l’Assemblée nationale.
- Autre entrée marquante de ce nouveau gouvernement : Manuel Valls au ministère des outre-mer. L’ancien chef de gouvernement sous François Hollande a assuré que la reconstruction de Mayotte, après le passage du cyclone Chido, serait sa « priorité ». Lors de son discours, M. Valls a dit ne pas « ignorer la colère, la peur, le sentiment d’abandon et l’angoisse [des] compatriotes mahorais » et promis de « reconstruire en mieux et différemment », sans donner toutefois d’échéance.
- Dans une vidéo diffusée sur X mardi matin, la présidente du groupe du Rassemblement national à l’Assemblée, Marine Le Pen, a dit voir dans ce nouveau gouvernement « un moment de fluctuation politique » qui s’achèvera « dans quelques mois ». « Ceux qui ont mis le pays dans cet état ne sont pas à plaindre mais à blâmer, pas à soutenir mais à congédier, pas à regretter mais réellement à oublier », a jugé la députée d’extrême droite, laissant planer la menace du vote d’une motion de censure.
- De son côté, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a moqué mardi matin sur BFM-TV et RMC « une panoplie de revenants », en évoquant notamment Elisabeth Borne et Manuel Valls. « Les Français attendaient de la nouveauté » et avaient voté « pour le changement », a souligné M. Faure, rappelant que les électeurs aux dernières législatives n’avaient pas voté pour retrouver « tout ce qui n’avait pas marché auparavant ».
Ce qu’il faut retenir de l’interview de François Bayrou lundi soir sur BFM-TV
- François Bayrou a vanté un gouvernement « d’expérience », avec le retour d’Elisabeth Borne, de Manuel Valls et de Gérald Darmanin, pour former une équipe sans grande ouverture à gauche et attendue de pied ferme dans une Assemblée nationale sans majorité. Le premier ministre s’est dit « persuadé » que ce gouvernement et « l’action » qu’il entend mener « feront que nous ne serons pas censurés ». Il a ajouté qu’il ne solliciterait pas la confiance à l’Assemblée sur sa déclaration de politique générale, le 14 janvier 2025.
- M. Bayrou a réfuté toute « influence » du Rassemblement national (RN) sur la composition de son gouvernement, et a expliqué que Xavier Bertrand avait une « démarche » jugée « violente » qui n’était pas la sienne pour ce poste. Le président des Hauts-de-France avait fait savoir, peu avant l’annonce du gouvernement, qu’il refusait d’intégrer une équipe composée « avec l’aval de Marine Le Pen ».
- Le nouveau locataire de Matignon a refusé de qualifier le RN de parti d’extrême droite. Pour lui, le parti « ne respecte pas un certain nombre de valeurs et de principes, il est protestataire ».
- Sur le sujet épineux du budget, il a dit vouloir parvenir à un « équilibre » autour de 5 % ou « un peu plus de 5 % » de déficit public en 2025.
- Il a par ailleurs refusé de suspendre la réforme des retraites comme le réclame la gauche, après avoir proposé jeudi de rouvrir une discussion sur cette réforme pendant neuf, voire « six mois ».
- Sur l’immigration, il a expliqué ne pas vouloir « de grande loi » qu’il juge « destinée à faire, en fait, de la communication ». « Prenons les problèmes un par un, y compris par des propositions de loi des assemblées », a-t-il ajouté. Il a déclaré par ailleurs vouloir procéder à « une mise en tension avec les pays qui refusent » de réadmettre leurs ressortissants frappés d’obligation de quitter le territoire français (OQTF).
- Interrogé sur les victimes du cyclone Chido à Mayotte, il a estimé que le nombre de morts se chiffrait en « dizaines » et non en « milliers » et serait très inférieur aux « chiffres alarmistes » avancés.
Les premiers noms du gouvernement Bayrou
Le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, annonce la composition du gouvernement de François Bayrou. Voici les premiers noms de celles et ceux qui le composent :
– Ceux qui restent au gouvernement
Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur
Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Sébastien Lecornu, ministre des armées
Rachida Dati, ministre de la culture
Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
– Ceux qui entrent au gouvernement
Gérald Darmanin, ministre de la justice
Manuel Valls, ministre des outre-mer
François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation
Eric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Elisabeth Borne, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification
Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative
L’absence de ministre chargé spécifiquement de l’enfance critiquée par les associations
La ministre déléguée sortante chargée de la famille et de la petite enfance, Agnès Canayer, n’a pas été reconduite et la question de l’enfance ne figure pas dans l’intitulé du « super ministère » du travail, de la santé, des solidarités et des familles dirigé par Catherine Vautrin. Cette absence de nomination d’un ministre chargé spécifiquement de l’enfance au sein du nouveau gouvernement de François Bayrou a fait mardi l’objet de vives critiques des associations et de l’Unicef, qui ont mis en avant l’urgence à agir pour protéger les plus jeunes.
« Au milieu de tout ce fatras politique il y a une chose qui ne change pas, une absence immuable et dramatique : l’enfance », a réagi de son côté le président de l’association Les Papillons, Laurent Boyet. « Les enfants sont sûrement moins importants que l’intelligence artificielle, qui a encore une fois droit à sa ministre », a-t-il ironisé.
L’Unicef France avait réagi dès lundi soir pour déplorer « l’absence d’un ministère de l’enfance, [ou] d’un ministre délégué spécifiquement chargé de ces questions ». « Cette décision intervient alors que des sujets cruciaux liés aux droits de l’enfant restent bloqués depuis des mois », a souligné la présidente de l’agence onusienne, Adeline Hazan, dans un communiqué, citant le « pacte des solidarités » et l’« observatoire de la non-scolarisation ».
Lors de la cérémonie de passation des pouvoirs mardi à Paris, Catherine Vautrin a évoqué dans son discours le sujet de la « petite enfance » et de la « protection sociale de l’enfance », sans donner plus de détails sur les mesures qu’elle compte mettre en œuvre.