Illustration : Oum el-Fa’hem, dans le Mechoulach
Par Michèle Mazel
La face cachée du plan de paix
Michèle Mazel
Si l’affaire du siècle ne fait plus la Une des quotidiens de l’hexagone elle est toujours abondamment commentée. Il y a d’abord la déception, pour ne pas dire le chagrin, des commentateurs constatant qu’une fois de plus la France, et l’Europe en général, n’étaient que des simples figurants dont l’opinion n’était pas même sollicitée ; des commentateurs atterrés, qui plus est, de constater que les pays arabes modérés, loin de condamner fermement le plan, saluaient ses aspects positifs et encourageaient les Palestiniens à saisir cette occasion d’avoir enfin leur état et à entamer des négociations comme le prévoit ledit plan.
Un point qui fait l’unanimité – ou presque, les médias soulignant à l’envie qu’il avait été élaboré sans consultations avec les Palestiniens, pourtant intéressés au premier chef. De fait, pour Piotr Smolar dans Le Monde du 29 janvier, « L’administration Trump prétend, depuis ses débuts, dynamiter toutes les bases du consensus international sur une résolution négociée du conflit israélo-palestinien. » Seulement cet admirable consensus international, ces consultations que tous réclament avec véhémence, butent sur la pierre d’achoppement du refus obstiné des Palestiniens de négocier non seulement avec les Etats-Unis, mais encore avec Israël.
Autre problème que le quotidien, et avec lui tous les médias français se gardent bien d’aborder, l’épineuse question des échanges de territoires. C’est pourtant elle qui agite les Arabes israéliens. En effet le plan a l’audace inouïe de suggérer que la région dite « le petit triangle » – hamechoulach en hébreu – située à l’est de la plaine du Sharon le long de la frontière avec l’Autorité palestinienne, fasse partie de l’Etat palestinien lorsque ce dernier verra le jour. Ce « petit triangle » compte environ 300 000 citoyens arabes israéliens vivant dans une douzaine d’agglomérations dont la plus grande est Umm al-Fahm avec ses cinquante mille habitants, tous arabes.
C’est aussi le bastion de la branche nord du mouvement islamique en Israël, champion de l’opposition à Israël et du soutien au nationalisme palestinien. Sous la direction de leur leader Raed Salah, les militants du mouvement – tous citoyens israéliens – défilent sous le drapeau palestinien et scandent des slogans contre l’état d’Israël. On aurait pu s’attendre à ce que les populations du petit triangle acceptent avec enthousiasme l’idée de rejoindre leurs frères de l’autre côté de la frontière et d’intégrer cet Etat palestinien qu’ils appellent pourtant de leurs vœux. Or il n’en est rien. Il faut entendre certains de leurs dirigeants, expliquer la main sur le cœur qu’ils ne sont pas contre l’établissement d’un Etat palestinien, mais qu’ils ne veulent en aucun cas perdre leur citoyenneté israélienne. Des dirigeants qui n’ont pas peur d’ajouter qu’ils ne voudraient à aucun prix vivre sous l’Autorité palestinienne. Ce ne sont évidemment pas des arguments que la communauté internationale veut entendre.
Alors à son intention, d’autres dirigeants parlent de « transfert » de populations dû au racisme israélien cherchant à se débarrasser d’une partie de la population arabe, sans s’arrêter au fait qu’il ne peut être question de transfert de populations puisque les habitants du « triangle » resteraient chez eux.
Quant aux tenants du BDS, ils ne se demandent pas pourquoi les arabes israéliens ne sautent pas sur l’occasion d’échapper à l’autorité d’un Etat accusé de pratiquer l’apartheid pour vivre en toute égalité avec leurs frères dans un état qui serait le leur…
Par ©Michèle Mazel