Les élections européennes du 6-9 juin approchent à grands pas, mais il semble que les dirigeants politiques et les futurs députés européens ne parviennent guère à mobiliser autour de thèmes centraux. Hormis deux sujets génériques comme la compétitivité et la réglementation excessive pour certains, les questions primordiales de l’immigration et de l’élargissement sont balayées.
Compte tenu des décisions cruciales sur l’élargissement qui seront prises lors de la prochaine législature du Parlement européen, de nouveaux changements dans les institutions européennes et dans la prise de décision seront nécessaires. Or il ne semble pas, à l’heure actuelle, y avoir de réelle volonté de faire avancer ce débat — et encore moins en incluant les citoyens.
Selon les derniers sondages, les deux partis eurosceptiques ID et ECR détiendraient plus d’un quart des sièges au Parlement, paralysant le processus législatif.
Les Européens accordent une plus grande importance aux élections nationales
Total des réponses « très important » à la question : « Dans quelle mesure est-il important ou pas pour vous de voter aux élections européennes / nationales ? »
Les derniers sondages indiquent un changement important à prévoir au sein du Parlement européen. Le groupe eurosceptique Identité et Démocratie (ID) devenant finalement le troisième groupe le plus important, après le Parti Populaire européen (PPE) et l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D), devant Renew (libéraux), suivi de l’autre groupe eurosceptique Conservateurs et réformistes (ECR). Les Verts n’occuperont plus que la sixième position. Cela signifie qu’à composition inchangée, les deux partis eurosceptiques ID et ECR détiendraient plus d’un quart des sièges au Parlement — contre 18 % actuellement —, ce qui paralyserait le processus législatif.
Les résultats du rapport de la Conférence démontrent que, pour beaucoup, la réforme des institutions européennes est une question de changements des Traités — c’est-à-dire un effort de longue haleine. Il est pourtant possible d’agir plus rapidement.
POUR BEAUCOUP, LA RÉFORME DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES EST UNE QUESTION DE CHANGEMENTS DES TRAITÉS — C’EST-À-DIRE UN EFFORT DE LONGUE HALEINE.
KAREL LANNOO
Pour les citoyens, le changement le plus important se situe ailleurs. Il réside notamment dans la promotion de la responsabilité et de la transparence, et dans la lutte contre la corruption au sein des institutions européennes. Cela faisait également partie des recommandations du récent rapport franco-allemand, qui se concentrait sur les questions à traiter avanto les élections de juin. Il incluait, par exemple, un renforcement et une utilisation plus stricte du mécanisme de conditionnalité lié à l’État de droit, la création d’un office dédié à la transparence et à la probité et une utilisation plus systématique et coordonnée des outils de démocratie participative.
La Commission européenne a indiqué qu’elle présenterait un rapport sur les réformes possibles, mais le renforcement de la légitimité et de la transparence n’est pas nécessairement dans son intérêt, étant donné que cela réduirait ses pouvoirs.
LE RENFORCEMENT DE LA LÉGITIMITÉ ET DE LA TRANSPARENCE N’EST PAS DANS L’INTÉRÊT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE, CAR CELA RÉDUIRAIT SES POUVOIRS.
KAREL LANNOO
En ce qui concerne la responsabilité, deux autres initiatives pourraient être menées pour renforcer la participation des citoyens, là encore sans modification des traités. Il s’agit du renforcement des liens entre les parlements nationaux et le Parlement européen par le biais d’initiatives législatives conjointes ou par l’introduction du système de la « carte verte ». Cela renforcerait la légitimité des initiatives de l’Union.
Un an après le Qatargate, peu a été fait pour mieux protéger notre démocratie, à l’exception de quelques grandes déclarations. Les règles d’intégrité restent lacunaires et leur application laisse à désirer. Au minimum, les déclarations d’intérêts des députés européens devraient être rigoureusement appliquées. Malheureusement, l’organe d’éthique proposé a été réduit à un simple organe consultatif sans aucun pouvoir d’investigation.
UN AN APRÈS LE QATARGATE, PEU A ÉTÉ FAIT POUR MIEUX PROTÉGER NOTRE DÉMOCRATIE, À L’EXCEPTION DE QUELQUES GRANDES DÉCLARATIONS.
KAREL LANNOO
Certes, la Commission européenne peut être fière de certaines de ses réalisations au cours des quatre dernières années. Prenons par exemple les ambitions renouvelées en matière d’élargissement, l’unité européenne dans la prise de sanctions sévères contre la Russie, la réaction à la pandémie de Covid-19, le plan de relance, les services numériques, le Pacte vert et le nouveau pacte sur l’asile et la migration.
Toutefois, dans l’état actuel des choses, ces dossiers cruciaux d’un point de vue stratégique ou législatifs risquent de tomber dans les méandres de l’examen public s’ils ne sont pas accompagnés de mesures rapides et concrètes qui répondent à des préoccupations plus immédiates, telles que l’intégrité au sein des institutions de l’Union, la transparence et l’importance d’une véritable démocratie au niveau européen.
L’Union doit démontrer qu’elle se soucie de ses électeurs et qu’elle les respecte. À l’heure actuelle, elle apparaît aux Européens aussi distante et byzantine qu’elle l’a toujours été. Ce fossé doit être comblé, faute de quoi nous pourrions bien nous réveiller dans un scénario cauchemardesque le lundi 10 juin.
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