La dictature de Twitter

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Illustration : Le directeur général de Twitter, Jack Dorsey

La chronique de Michèle MAZEL – Temps et Contretemps

La cause est entendue, le couperet est tombé. Donald Trump, encore président des Etats-Unis fusse pour quelques jours, n’a plus accès à ses comptes Twitter et Facebook – les plateformes sociales les plus répandues en Occident – qui étaient suivis pas des centaines de milliers de ses partisans. Une décision immédiatement saluée par les Démocrates en Amérique et les cercles libéraux un peu partout dans le monde. Ce qui n’est pas étonnant parce qu’ils n’avaient pas fait mystère de leur opposition à ce politicien pas comme les autres dont ils contestaient plus ou moins ouvertement la légitimité depuis le début de son mandat.

Il est vrai que le spectacle de centaines d’hommes prenant d’assaut le Capitole, temple de la démocratie, avait choqué le monde entier. Des hommes que leur président avait appelé à manifester devant le Capitole. Certes, il avait parlé de «peaceful protest» manifestation pacifique, mais il porte une lourde responsabilité dans ce qui a suivi. Légitime alors la décision de Twitter, qui prive le président de la possibilité de s’adresser aux 74 millions de citoyens américains qui ont voté pour sa réélection ?

Mais au fait, d’où Twitter tire-t-il sa légitimité ? Il s’agit en fait d’une entreprise commerciale cotée en bourse ; son capital est évalué à près de dix milliards de dollars et ses revenus bruts pour 2019 dépassaient 3 milliards. Une goutte dans l’océan à côté de Facebook, autre entreprise commerciale dont le revenu brut en 2019 dépassait soixante-dix milliards de dollars. Est-il permis de se demander à quel titre des personnalités non élues du monde des affaires, dont le grand public ne sait rien, se permettent de décider que la voix d’un président ne doit plus être entendue ? S’agit-il de le sanctionner et dans ce cas, de quel droit ?  De prévenir d’éventuelles incitations à la violence ?

Saluons ce grand quotidien qu’est Le Monde pour avoir, dans un éditorial vendeur du 11 janvier qui fera date, adopté tout à tour le pour et le contre. IL approuve d’abord la décision de Twitter et de Facebook regrettant qu’elle ait été si tardive : «Il est regrettable qu’il ait fallu attendre ce contexte explosif pour que ces plates-formes tranchent un débat lancinant depuis déjà plusieurs années. Prise sous le coup de l’émotion, la décision cristallise les divisions. Longtemps accusés de laxisme, ils l’ont été tout au long du mandat de Donald Trump, qui n’a pas attendu le 6 janvier pour manipuler l’opinion». 

Avant d’ajouter avec une parfaite mauvaise foi «Censeurs, ils le sont de fait aujourd’hui. Quelle est la légitimité de leurs PDG pour s’ériger en arbitres du débat sur la liberté d’expression, alors que leur préoccupation principale consiste à préserver la rentabilité de leur modèle économique ?… Ne rien faire était impossible au regard de la gravité de la situation. Mais, en agissant trop tard et de façon radicale, les réseaux sociaux alimentent l’idée qu’un complot est à l’œuvre pour faire taire Donald Trump».

On ne saurait mieux dire.

 

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