L’umanus corsus (le Corse) est une espèce endémique qui se joue en permanence des paradoxes.
Il a toujours un combat à mener et une paix à négocier. Le Corse a l’écorce amère, l’humour acide et la bienveillance douce. Ce n’est donc pas lui faire insulte que de le comparer à l’éthrog, ce fruit qui a fait sa richesse avec la bénédiction des Juifs.
L’histoire débute au premier siècle de l’ère commune, avec l’importation des cédrats d’Asie par des navigateurs grecs et romains. Il prend le nom scientifique de Citrus medica L. Corsicam.
En 1892, les cédratiers sont des exploitants heureux car la Corse est le premier producteur et exportateur mondial de cédrats. Grâce à qui ? Aux Juifs, bien entendu. Depuis 1825 les cédrats de Corfou (agréés Beth Efraïm) faisaient la course en tête en Europe. En 1875 les rabbanim, le rav Kovna, rav Yits’haq El’hanan Spector, rav Israël Salanter et rav Chlomo Kluger décident de couper l’herbe sous les pieds de Corfou et de soutenir le cédrat corse.
Il faut dire que ça ne rigolait pas, à Souccot au XIXe. Il fallait que les éthrogs soient propres et sans défauts, qu’ils conservent leur pittom (protubérance séparée de la tige) et que la plante ne soit pas issue d’un hybride. Oui, oui, même à l’époque, il y avait des malins pour greffer des citronniers plus résistants.
D’ailleurs, ces règles n’étaient pas le fruit du hasard, elles correspondaient aux commentaires rabbiniques. La Tora décrit le fruit rituel sous le nom de «pri ‘ètz hadar» que l’on interprète comme «fruit du bel arbre» ou «beau fruit de n’importe quel arbre» ou «fruit de choix d’un arbre».
L’essentiel de la récolte se faisait dans le Cap Corse (en dessous de 300 mètres). Le reste ne fait pas mystère. Du 15 Tichri au 21 Tichri, dans la soucca, l’éthrog dans la main gauche, on récite : «Baroukh ata Ado-naï Elo-hénou melekh haolam chéhé’héyanou vékiyémanou véhiguiyanou lizmane hazéh (Béni sois-Tu, Éternel notre D-ieu, Roi du monde, qui nous a fait vivre, nous a fait exister et nous a fait parvenir à ce moment)» (NDLR : On dit, auparavant, la bénédiction sur la mitsva de prendre le loulav…). On rassemble le «loulav» et l’éthrog, on agite les «Arba’ Minim» dans les six directions, et c’est OK pour la Mitsva.
Si l’aspect comestible et cosmétique vous intéresse davantage, les bonnes adresses ne manquent pas dans l’île. L’exploitation qui a notre faveur est «Les Cédrats du Cap» à Barrettali. Xavier Calizi, passionné et passionnant, raconte l’histoire du cédrat comme personne, le cultive avec ferveur, et le transforme avec brio. Il en résulte des liqueurs, des fruits confits, des confitures, mais aussi des soins hydratants, des sérums fermeté du visage, des gels douche, des parfums et le souvenir d’une amitié indéfectible entre les Corses et les Juifs.
© Eden Levi-Campana pour Dreuz.info
NDLR : ce texte, sympathique en soi, ne correspond pas tout à fait à la réalité de nos jours : personne n’utilise plus, dans le monde juif, d’éthroguim en provenance de Corse ! La communauté se sert des fruits poussant en Erets Israël, et certains donnent la préférence à ceux en provenance du Yémen, poussant en Terre sainte, et ceux d’origine marocaine, dont on commence à trouver également des arbres dans le pays.