EN DIRECT D’ISRAEL: POSITION DE LA COMMUNAUTE JUIVE ORTHODOXE VIS A VIS DU CONFINEMENT
De nombreuses images circulent ces derniers jours de mariages ou de funérailles organisés en Israel dépassant largement le nombre de personnes autorisées par les règles de confinement.
Il s’avère que la ville orthodoxe où je vis, Bnei Brak, est la ville la plus touchée par le virus au cours des derniers jours.
Beaucoup pensent que le leadership juif orthodoxe et ses Rabbanim n’appellent pas à respecter les règles, d’où les problèmes actuels. J’ai donc voulu via ce post préciser ce qu’il se passe réellement.
Déjà, pour bien comprendre le sujet, il faut savoir que le monde orthodoxe n’est pas un seul bloc.
Celui-ci est divisé en de très nombreuses factions. Même si celles-ci sont pour la quasi totalité unie, il existe quelques factions qui ne respectent absolument pas les règles émises par les leaders religieux et suivent quelques soi disant leaders isolés. Ce sont ceux qui manifestent par exemple sur le sujet du service militaire alors que les Grands de la génération ont interdit formellement de manifester à ce sujet. (Notez que les manifestations contre la profanation du Chabbath sont toutefois parfois conseillées en fonction des circonstances)
Ce sont les mêmes qui ont participé par centaines aux funérailles samedi soir 28 mars…en ne respectant pas les règles.
Il faut savoir que dès le premier jour de la mise en place des premières décisions par Binyamin Netanyahu et notamment le fait de mettre en quarantaine les personnes arrivant de l’étranger pendant 15 jours, les Rabbanim répondaient unanimement que si l’on connaissait une ou plusieurs personnes qui ne respectaient pas ces règles, qu’il fallait les dénoncer à la police immédiatement. J’ai, à titre personnel, menacé plusieurs de mes amis de cela suite à cette décision.
De la même manière quand les prières ont été limités à 10 personnes, ces mêmes Rabbanim répondaient qu’il était interdit d’organiser de plus grands offices et que les 2 mètres de distance entre personnes devaient être respectés.
Pour simplifier, il faut selon les leaders religieux, écouter à 100% les règles du Ministère de la Santé.
Lors du premier appel de fermeture des écoles, les écoles orthodoxes pour filles ont fermées mais celles pour garçons ont continué quelques jours en espaçant les élèves de 2m et en interdisant plus de 10 personnes par classe. Tout cela était permis par la loi car ces écoles ne font pas partie du circuit éducatif israélien classique. Celles ci ont, sous les ordres de Rav Haim Kaniewski, leader du monde orthodoxe, voulu continuer l’étude de la Torah qui, selon notre tradition, est d’une importance cruciale mais évidemment sans prendre le moindre risque.
Pareil pour les Yeshivots, les personnes étudiaient à 2m de distance et souvent en extérieur comme vous pouvez le voir dans la photo ci dessous prise à la Yeshiva de Hevron il y a 10 jours (la Yechiva a fermé depuis).
Après quelques jours, nous nous sommes tous rendus compte que garder les distances était compliqué et qu’il y avait toujours quelques “rigolos” qui s’amusaient à passer entre les rangs. Cela arrive partout, il y aura toujours des ploucs qui veulent faire les beaux et qui pleurent ensuite de la catastrophe.
Depuis plus de 10 jours, les écoles sont fermées, les Yeshivots aussi. Il y a des programmes au téléphone via des serveurs vocaux qui permettent aux élèves d’étudier mais, à part ça , nous vivons à la maison.
En ce qui concerne les synagogues, elles sont restées ouvertes avec 10 personnes maximum comme le veut la loi.
Pareil, avec le temps, on s’est vite rendu compte de la difficulté. Cela est quasiment impossible. La loi a ensuite demandé de prier à 10 seulement en plein air et aujourd’hui, Rav Kaniewski a demandé ce dimanche 29 mars de ne pas DU TOUT prier à plusieurs et de rester chez soi (il en a profité pour répéter qu’il faut dénoncer ceux qui ne respectent pas toutes les règles à la police).
Le fait qu’une partie du public soit déconnecté, n’ait pas de smartphone ou d’accès internet l’empêche de suivre les directives en temps réel et de se rendre compte de la gravité du problème. De plus, nous sommes en période d’avant les fêtes de Pessah et il est clair que c’est la période de l’année la plus active pour faire ses courses. Les gens se sentent donc obligés de sortir en se disant qu’ils “n’ont pas le choix”…ce qui est malheureusement souvent vrai.
D’autres pensent qu’il est “bon” de ne pas sortir mais que ce n’est pas obligatoire…la preuve, la police ne dit rien alors qu’elle les voit dehors.
A titre personnel, je pense que le gouvernement doit être beaucoup plus sévère dès maintenant en utilisant l’armée pour mettre en garde et sanctionner la population.
Il faut aussi que la communication soit beaucoup plus forte avec des annonces dans les rues. Certaines associations privées ont diffusées des messages mais ce n’est clairement pas suffisant.
Il faut, pour finir, rappeler que Bnei Brak est la ville à la plus forte densité de population du pays avec une très forte fraternité entre ses habitants et une majorité de famille nombreuse (il y a quelques années, on parlait de 8 enfants par couple en moyenne). Beaucoup de gens s’invitent les uns les autres, des fêtes sont organisées tout le temps (Bar Mitzva, Mariages, cours de Torah etc…). Les maisons sont souvent petites pour les enfants, qui jouent dans les cages d’escaliers ou en bas de chez eux….
Tous ces éléments permettent de vivre une vie merveilleuse en temps normal mais posent malheureusement de grands risques de contagions en période d’épidémie.
Beaucoup de personnes antireligieuses trouvent désormais le prétexte du virus pour cracher encore le venin sur la population religieuse comme elles le font à chaque occasion pour justifier leur propre vie juive laïque remplie de paradoxes et non sens. Mon message est donc là pour mettre les choses au clair. La population orthodoxe redoute le Virus quand elle est informée et le craint comme tout le monde mais les paramètres ne peuvent pas être comparées à ceux de Tel Aviv ou de toute autre ville.
Je sais évidemment que cela ne fera pas taire les propagandistes mais j’espère juste qu’il permettra de mettre les pendules à l’heure.
En attendant, faisons attention, suivons toutes les instructions à la lettre, soyons encore plus rigoureux que ce qu’on nous demande et n’oublions pas de prier le Ciel de guérir tous nos malades et d’arrêter ce cauchemar.
C’est une épreuve pour l’ensemble du peuple et ce n’est pas le moment de fustiger un groupe de juifs. Les instructions des Rabbanim pour cet enterrement étaient en adéquation avec les instructions sanitaires en vigueur, l’indiscipline des participants n’est pas liée à un courant de pensée. Ce mépris fait abstraction d’un Grand Rav qui n’est plus. Lorsque la Midat Ha Din accuse, nos Sages nous enseignent qu’il faut être humble et prôner l’amour d’autrui et la fraternité.
Ceci n’empêche que certains nous fustigent, et là, notre lecteur a bien raison de déclarer contre cette tendance que la conduite inconsciente de ce groupe n’est pas celle suivie par l’ensemble de la communauté. La déclaration dramatique d’hier de rav Kanievski, interdisant les prières en public à Bené Brak, prouvent bien la position généralement admise et suivie.
L’image d’ensemble de ce qui se passe dans les communautés est du reste tellement grave qu’il est bon, à présent, d’insister sur l’importance capitale de se plier à ces instructions sanitaires. Si seulement on l’avait fait à Strasbourg ou à New York auparavant, avant Pourim, combien de fidèles seraient encore parmi nous… C’est affolant !