BENILLOUCHE au micro de Steve NADJAR – Temps et Contretemps
La Chine est très exigeante quand il s’agit de Taiwan et ne supporte pas que ses alliés puissent avoir des relations avec ses ennemis. Les Chinois contrôlent tout ce qui se dit à leur sujet dans le monde et dans la presse étrangère, allant jusqu’à menacer de censure définitive le quotidien israélien Jérusalem Post. Ils ne sont pas habitués à la liberté de presse et pensent que le gouvernement israélien est en mesure de museler une presse critique à l’égard de la Chine. Le ministre taiwanais des affaires étrangères, Joseph Wu (sur notre photo, à droite), a été interviewé par le rédacteur en chef du Jérusalem Post, ce qui a poussé les Chinois à exiger la censure de cet article faute de quoi le journal sera définitivement banni.
Il est vrai que le ministre Wu était dans son rôle en poussant le bouchon un peu loin en prévenant qu’Israël comptait trop sur la Chine qui se préparait à envahir Taiwan. Dans son interview, il a déclaré : «La Chine est un pays autoritaire et ils font des affaires avec une philosophie très différente. Parfois, ils utilisent le commerce comme une arme, et nous les avons vus pratiquer leurs relations commerciales militarisées avec de nombreux autres pays. Ils l’ont fait en Lituanie, ils l’ont fait en République tchèque et ils l’ont aussi fait en Australie. Parfois, ils essaient de faire cela à Taïwan aussi. Donc, quand on fait affaire avec un pays autoritaire, il faut être très prudent. Nous ne devrions pas permettre à ce genre de relations commerciales de mettre en péril notre sécurité nationale. Et je comprends assez bien qu’Israël place également la sécurité nationale très haut dans l’agenda du gouvernement».
Les Chinois ont jugé l’interview trop critique à leur égard : «Nous nous opposons fermement et condamnons fermement que le Post, au mépris du fait que le Xinjiang est une partie inaliénable du territoire chinois, ait servi de plate-forme aux séparatistes de l’indépendance du Xinjiang en publiant leur article anti-Chine». Il s’agit d’une affaire qui concerne uniquement le Jérusalem Post et l’on voit mal le gouvernement israélien intervenir contre un journal car la liberté de la presse n’est pas négociable en Israël. Les Chinois sont peu habitués à la démocratie médiatique.
Mais dans l’intérêt chinois, les diplomates trouveront une porte de sortie acceptable pour les deux parties sachant que Jpost ne transigera pas. Mis à part l’indispensable exigence de relations diplomatiques avec le plus grand pays mondial, membre du Conseil de Sécurité. Les Chinois n’iront certainement pas jusqu’à la rupture des relations parce qu’ils auront beaucoup à perdre parce qu’ils sont trop impliqués dans l’économie israélienne.
Par manque de main d’œuvre, le gouvernement israélien autorise chaque année l’entrée de plus de 40.000 travailleurs chinois employés dans les chantiers de construction, l’agriculture et les infrastructures et qui transfèrent près de 80 millions de dollars tous les mois à leurs familles. Les Chinois sont impliqués aussi dans la construction, l’extension et la gestion des port d’Ashdod et de Haïfa créant d’ailleurs la suspicion des Américains. D’ailleurs de nombreux dirigeants juifs mondiaux s’inquiètent de la mainmise chinoise dans l’économie israélienne et critiquent la vente aux Chinois des «bijoux de famille».
Israël a en effet vendu deux fleurons de son industrie aux Chinois : la première est l’industrie chimique d’Agan à d’Ashdod et la seconde, la grande industrie laitière Tnouva. Depuis longtemps, la stratégie de Pékin est de transformer le pouvoir économique en domination géopolitique. Les Chinois profitent du hightech israélien parce qu’il n’est pas protégé comme le matériel militaire. La balance commerciale est nettement en défaveur d’Israël qui a importé de Chine 10,7 milliards de dollars de marchandises en 2021 alors que les exportations israéliennes vers la Chine, en baisse, s’élèvent à 4,26 milliards de dollars. La Chine est aujourd’hui le troisième partenaire commercial d’Israël. Une proximité que Washington, allié stratégique de Tel-Aviv, ne voit pas nécessairement d’un bon œil.