Amman, qui subit actuellement les critiques des pays du Golfe, se rapproche progressivement de Téhéran. Selon les médias jordaniens, des parlementaires jordaniens seront en visite, cette semaine, en Iran.
Le président du parlement jordanien, Atef Tarawneh, peaufine les derniers préparatifs du voyage de la haute délégation à Téhéran. La question prioritaire qui sera débattue par les Jordaniens en Iran sera celle de la « judaïsation » d’al-Quds. Les deux pays prônent une islamisation de la capitale israélienne, ce qui explique leur soutien aux Palestiniens.
Dans la dernière séance du Parlement jordanien, Atef Tarawneh avait souligné que l’examen du développement des partenariats de la Jordanie devait se faire sans tenir compte des relations stratégiques du pays avec les États arabes sunnites du golfe.
A Amman, l’ambassadeur iranien Mojtaba Ferdowsipour et l’ambassadeur de Syrie Iman Aloush, ont rencontré séparément le président du parlement jordanien Atef Tarawneh.
L’ambassadeur iranien à Amman fait actuellement des pressions pour tenter de séduire la Jordanie pour rejoindre ce qui est communément appelé, dans les médias pro-iraniens, «l’axe de la résistance » contre Israël.
Le ralliement de la Jordanie à l’axe du mal est bien important pour les Iraniens qui veulent rendre l’axe des pays modérés (Égypte, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Bahreïn) de plus en plus fragile dans la région. Les Perses veulent glisser le tapis doucement sous l’axe sunnite.
Le sentiment de «marginalisation» gagne du terrain en Jordanie
Le royaume reçoit en pleine figure les contrecoups des grandes secousses géopolitiques qui ont traversé le Moyen-Orient en 2017. Avec Riyad, les liens s’affaiblissent de plus en plus tandis que rien ne va plus entre Jérusalem et Amman après un incident intervenu avec un agent de sécurité israélien qui a, pour se défendre, causé la mort de deux Jordaniens.
La Jordanie, qui voit une «nouvelle donne géopolitique» émerger dans la région, pourrait être tentée par une normalisation avec l’Iran.
Un article signé Oraib Al-Rantawi, du journal jordanien Ad-Dustour va dans ce sens : «Entre les Jordaniens et les Iraniens, il n’y a aucune guerre. Pourquoi se hisser à la tête du front anti-iranien pour plaire aux autres ? La Jordanie ferait mieux d’envoyer rapidement son ambassadeur à Téhéran et de reprendre ses relations avec les Iraniens» avance le chroniqueur.
Muhammad Abu Roman, l’analyste du quotidien jordanien Al-Ghad, conseille lui aussi au roi Abdallah de se rapprocher de l’Iran.
Selon lui l’Iran «a déjà ouvert son marché à l’Irak et est prêt à vendre du pétrole bon marché à la Jordanie. Certes Amman n’ira pas jusqu’à rompre avec ses alliés, mais il est temps que nous pensions un peu à nos propres intérêts nationaux. Qu’une chose soit claire : la Jordanie se trouve politiquement isolée et ses convictions politiques sont à des années de lumière de celles de ses alliés sunnites».
Cet appel à une reprise des liens avec l’Iran est aussi repris par l’éditorialiste d’Al-Ghad, qui demande à ce que le roi «saisisse l’occasion et réponde positivement aux signaux envoyés depuis Téhéran».
«Il est nécessaire que la Jordanie ouvre la porte aux nouveaux acteurs qui sont prêts à se tenir à ses côtés. Téhéran propose un partenariat économique à Amman. C’est dans notre intérêt d’accepter cette précieuse offre» poursuit le journal.
Détérioration des relations entre Amman et ses alliés traditionnels
L’année dernière, la Jordanie s’est adressée au Qatar pour dire qu’elle n’emboîterait pas le pas aux Saoudiens, Émiratis, Égyptiens et Bahreïnis dans leur position vis-à-vis du Hamas et des Frères musulmans, et qu’elle n’avait pas l’intention d’adopter des positions hostiles à l’égard de ces deux groupes terroristes.
La Jordanie ne porte pas le même regard que l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte et Bahreïn en ce qui concerne la crise qui a éclaté entre ces pays et le Qatar.
Le président du Parlement jordanien, Atef Tarawneh, a annoncé qu’Amman n’accepterait pas le jugement des quatre pays arabes concernant le Hamas et les Frères musulmans, qui ont été placés par ces pays sur la liste des organisations terroristes.
L’Arabie saoudite et le Qatar ont décidé de réduire leurs aides financières à la Jordanie, qui en a été fortement affectée d’autant plus que le pays est en pleine régression économique.
Alors que de très fortes tensions opposent la Jordanie à l’Arabie saoudite, Amman semble ainsi se rapprocher de Damas. La rencontre la semaine dernière entre le président du Parlement jordanien avec les hauts diplomates syriens va dans ce sens.
Le roi Abdallah II de Jordanie a fait le ménage, le mois dernier, sous fond de tensions avec Riyad et Jérusalem. Il a démis de leurs fonctions dans l’armée ses deux frères cadets, les princes Fayçal ben al-Hossein et Ali ben al-Hossein, ainsi que son cousin, le prince Talal ben Mohamed.
Parmi les limogés, figure aussi le nom du prince Hamza ben al-Hossein, colonel de l’armée, commandant de la 3e brigade royale, qui est très proche des Saoudiens. Il y a aussi le prince Hachem, le plus jeune frère du roi, un haut commandant de l’armée jordanienne. Il était général de brigade et chef de la Cour royale.
Mohammad al-Momeni, porte-parole du gouvernement jordanien, n’a pas voulu commenter cette décision.
Certains médias arabes, dont le journal Al-Quds al-Arabi, ont fait part il y a quelques jours d’un vif échange entre la délégation parlementaire jordanienne et celle de l’Arabie saoudite participant au sommet des présidents de l’Assemblée parlementaire arabes et à la session extraordinaire de l’Union interparlementaire arabe, sur la question palestinienne et les répercussions de la décision américaine de transférer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem.
Une confrontation a eu lieu entre les Jordaniens qui voulaient préserver leur tutelle sur les lieux saints musulmans de Jérusalem et les représentants saoudiens qui contestaient pour la première fois la tutelle des Hachémites.
Les relations diplomatiques entre Riyad et Amman avaient été touchées aussi suite à la détention de Masri Sabih, milliardaire jordanien qui possède la nationalité saoudienne et qui est le président de la première banque jordanienne, l’Arab bank dans la foulée d’une purge «anticorruption» en Arabie saoudite. Il avait été arrêté par les autorités saoudiennes alors qu’il venait de présider, à Riyad, une série de réunions de ses sociétés.
De même, le Parlement jordanien a approuvé le 12 décembre dernier à l’unanimité une proposition visant à former un comité chargé de réévaluer tous les liens officiels avec Israël.
La Jordanie a déclaré ne pas autoriser la réouverture de l’ambassade d’Israël à Amman tant que le garde de sécurité de l’ambassade d’Israël, qui a tué deux agresseurs jordaniens, ne sera pas traduit en justice.
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