Je sens que je dois raconter mon histoire personnelle…
J’habite avec les miens dans l’une des agglomérations religieuses du centre d’Israël, tout comme bien des familles nombreuses, et nous y sommes très contents.
En général, nous autres, heureuses mères, sommes toutes fort occupées la journée, avec nos enfants. Du coup, il n’y a jamais un moment de trop. Quand je le puis, je sors au jardin avec les enfants l’après-midi, pour qu’ils se dépensent.
Mon histoire comporte deux parties. La première concerne ma voisine de palier. Elle rencontre de nombreuses difficultés, et j’ai l’impression que, pour une raison quelconque, elle fait passer sa difficulté sur moi. Elle m’accuse de ne pas être assez en contact avec elle, notamment pour la soutenir. Tout le monde comprend que de nos jours, il n’est pas donné d’établir des relations trop fouillées entre voisins, mais elle m’en voulait beaucoup. A l’occasion, j’ai senti que je n’en pouvais plus, et je lui ai expliqué longuement au téléphone être très prise à la maison et au travail, et ne pouvoir me permettre d’ajouter quoi que ce soit à mes préoccupations. Cela n’a servi à rien : elle a choisi une allure vexée, et durant deux mois, à chaque fois qu’elle passait à côté de moi, elle m’ignorait complètement, et ne me disait pas bonjour.
Je lui en voulais beaucoup. Qu’avais-je fait ? Un rav m’a souligné l’importance fondamentale de lui donner l’impression d’être son amie et de ne pas la rejeter.
Là, j’arrive au second pan de mon histoire, qui concerne ma famille proche. Le frère de ma belle-sœur a contracté une pneumonie classique, et a été hospitalisé. De manière inattendue, sa situation s’est détériorée, au point que les médecins ont décidé de l’anesthésier et de le placer sous respiration artificielle. Les meilleurs médecins, appelés à son chevet, ont envisagé diverses solutions, toutes sans succès. Ils ont avoué n’avoir jamais vu un tel cas. Ils ne pouvaient même pas identifier les raisons de cette dégradation, et n’ont pas hésité à recommander à la famille la prière comme seul recours.
Pendant ce temps, son épouse sentait son monde s’écrouler. Elle devait ainsi faire face à une situation très difficile : la solitude, devant un mari à l’hôpital dans un état critique, endormi et soutenu par des machines. Elle avait perdu sa mère un mois auparavant d’une maladie. Elle devait continuer à s’occuper de ses trois enfants, tout en demeurant constamment à l’hôpital. Ses jeunes enfants ne comprenaient pas où leur père avait soudain disparu, et après quelques jours ou quelques semaines, ils lui ont demandé s’il était encore en vie. Les larmes aux yeux, elle a tenté de les rassurer et de les renforcer, tout en soulignant le besoin de prier. Elle-même puisait du courage dans ses propos.
Nous aussi, la famille, nous avons prié et incité notre entourage à en faire de même. Cependant, le malade s’enfonçait de plus en plus. Son corps cessait de réagir, sans aucune raison médicale apparente. Toute la famille s’en trouvait brisée, et la situation restait incompréhensible.
J’ai alors pris la décision de faire quelque chose.
Seule avec moi-même, à la maison, je me suis tournée en pleurs vers le Maître du monde : « Je vais là agir contre ma nature. Je n’ai jamais eu l’intention de faire du mal à ma voisine, mais là, je vais aller vers elle, pour mon beau-frère ».
Je me suis rendue chez elle et, dans une discussion de quatre heures, je me suis abaissée d’une manière qu’il m’est difficile de raconter. J’ai tout présenté à l’envers : j’ai expliqué que tout provenait de problèmes que j’avais, et que toute ma famille souffrait de mon égoïsme et de l’incorrection de ma conduite. J’ai mis toutes ces heures à lui faire comprendre que tout était ma faute, et en rien la sienne. Je me suis placée en réelle infériorité. J’étais problématique et avais besoin de son aide. L’effort a été très grand, et je suis sortie épuisée, les larmes aux yeux. En même temps, je sentais un bonheur parfait : je venais de me sacrifier en faveur du rétablissement de notre proche inerte à l’hôpital, et de ses jeunes enfants qui redoutaient le pire. Pour eux, j’avais combattu mes penchants.
Le lendemain, ma belle-sœur m’a appelée, en extase. Nul ne savait ce qui s’était passé, mais la veille, au courant de la matinée – juste quand j’étais chez ma voisine –, son frère avait commencé à respirer de lui-même. Les médecins n’y comprenaient rien. De manière miraculeuse, il se remettait d’un moment à l’autre. C’était incroyable. On l’a défait des appareils de soutien respiratoire, et il est ainsi parvenu à se lever et à marcher, non sans demander à pouvoir rentrer chez lui. Le médecin, plus que surpris, lui a répondu qu’il n’accepterait que s’il le voyait monter et descendre les escaliers de manière indépendante. A son immense étonnement, mon beau-frère a ignoré le déambulatoire … pour monter trois étages ! Les médecins étaient suffoqués. L’équipe médicale est demeurée totalement incrédule. Peu après, il est effectivement rentré chez lui, en bonne santé. Il a rejoint son épouse qui l’attendait tant, et ses enfants qui recevaient là leur père en cadeau.
Ce grand miracle m’a émue au plus profond. J’ai senti à quel point le Saint, béni soit-Il, est sensible à la douleur de chacun, quelle que soit la situation, et même si nul n’a voulu la causer. La force extraordinaire de la soumission de notre nature peut tout changer.
Par ma simple décision de la réjouir, ma voisine me propose dorénavant de l’aide chaque fois qu’elle me voit, et me suggère divers cercles d’étude pour m’occuper de mes « problèmes ». Et là, systématiquement, je sens que mon attitude a éveillé en Haut lieu des mérites importants, et je suis heureuse de mon rôle dans la guérison de mon beau-frère. •