Depuis plusieurs jours, Jérusalem a pris des airs de petite Amérique. Un peu partout dans les rues de la ville sainte, des affiches aguicheuses en anglais ont remplacé les traditionnelles annonces locales publiées en caractères hébraïques.
Presque impossible de passer à côté de cette campagne publicitaire tape-à-l’œil, initiée par le Friends of Zion Museum (le Musée des Amis de Sion, en français). Sur ses nombreux posters, deux slogans: « Trump is a friend of Zion » (‘Trump est un ami de Sion’) et « Trump make Israel great » (‘Israël, grande grâce à Trump’), clin d’œil au célèbre slogan américain popularisé par l’actuel locataire de la Maison Blanche lors de sa campagne présidentielle de 2016, « Make America Great Again ».
Les drapeaux américains ont eux aussi envahi les rues de Jérusalem. Dans les airs, côte à côte, petits Stars and Stripes et fanions bleus et blancs coiffés de l’étoile de David mènent, tel un fil rouge, jusqu’au 14 David Flusser St – l’adresse de la nouvelle ambassade américaine.
Sous les panneaux de signalisation récemment installés et indiquant en hébreu, en arabe et en anglais la direction de l’ambassade, un groupe de touristes se fait photographier, tout sourire. Depuis la Norvège, ils sont venus en Israël, spécialement pour l’occasion.
« L’implantation d’une ambassade à Jérusalem est quelque chose d’historique ! C’est une première, et c’est le signe que le Messie est en chemin », confie Kari, une joviale sexagénaire aux pétillants yeux clairs. « Les ambassades se trouvent toujours au sein des capitales des pays, quels qu’ils soient. Alors pourquoi pas en Israël ? Jérusalem est la capitale de l’Etat hébreu, Trump a pris la bonne décision », poursuit Tor, lui aussi ravi par ce déménagement.
4.000 fleurs plantées pour l’occasion
Plutôt que la construction d’un nouveau bâtiment, c’est le réaménagement d’une installation consulaire américaine déjà existante qui a été privilégié.
Située dans le quartier d’Arnona, tout près de Talpiot et de Kiriat Moriya, la nouvelle ambassade surplombera les quartiers arabes de Jérusalem-Est, qui se trouvent à quelques dizaines de mètres à vol d’oiseau.
Depuis plusieurs jours, de nombreux ouvriers et employés municipaux s’activent pour offrir un lifting de dernière minute à ce quartier isolé, où règne habituellement un incroyable calme.
« Des places de parking ont été créés, les graffitis effacés, et maintenant il y a même des bancs à l’entrée du quartier ! », indique Lior, une habitante d’Arnona. « On aurait apprécié qu’ils fassent tout ça il y a dix ans. On paie plus de 10.000 shekels par an de taxes municipales (près de 2.500 euros) et la ville ne s’est jamais investie dans quoi que ce soit ! », confie, amère, cette maman de quatre enfants.
En bas de la montée qui mène à la future ambassade, après quatre jours de travail, les jardiniers font leurs dernières retouches. « On nous a demandé de planter des fleurs au pied de chaque arbre du quartier », précise l’un deux, une cigarette aux lèvres. Les couleurs n’ont pas été choisies par hasard: du rouge, du blanc et du violet – ce qui se rapprochait visiblement le plus du bleu foncé du drapeau américain… « Il a fallu plus de 4.000 plantes », confie un employé municipal, pointant du doigt un parterre fleuri.
Quelques mètres plus loin, d’autres ouvriers s’activent autour de ce qui sera très bientôt l’entrée officielle de la nouvelle ambassade américaine.
La sécurité a été largement déployée: plusieurs hommes gardent les lieux, des soldats patrouillent dans la zone, et de nombreux gardes-frontières font eux aussi d’incessants allers et venues.
Lors que l’on s’approche du bâtiment officiel, il faut montrer patte blanche en présentant sa pièce d’identité, annoncer le motif de sa venue, répondre à plusieurs questions et surtout, ne pas prendre de photos…
Jusqu’à mardi, tout doit rester confidentiel. Posée jeudi, l’enseigne officielle de l’ambassade, gravée dans de la pierre blanche, a depuis été recouverte…
Lior Barazani, qui gère les équipes déployées sur place, précise que ces mesures durent depuis près de trois semaines déjà.
Les résidents du Diplomat Hotel – une résidence vieillotte qui porte mal son nom… – peuvent en témoigner.
Depuis ce bâtiment – qui appartenait au ministère israélien de l’Intégration avant d’être racheté par les Etats-Unis en 2014 – situé à deux pas en contrebas de la future ambassade, les pensionnaires sont aux premières loges des préparatifs.
Des personnes âgées arrivées en Israël après la chute de l’URSS et qui considèrent cette résidence comme leur maison. La seule qu’ils aient. Et avec ses loyers modérés, « trois fois moins chers que dans le reste de la ville » selon le gardien posté à l’entrée du bâtiment, c’est aussi la seule à laquelle la plupart d’entre eux puissent prétendre à Jérusalem.
« C’est un lieu de vie. Il y a des appartements mais aussi une bibliothèque, des activités… », indique Yana, qui est arrivée au Diplomat Hotel il y a deux ans. « Ici, tout le monde est ravi que l’ambassade soit installée à Jérusalem, c’est une consécration ! », précise cette femme qui, à 65 ans, fait partie des cadets des lieux !
« L’ambiance est à la fête, il va y avoir une grande cérémonie », se réjouissent plusieurs des pensionnaires de la résidence qui bavardent de choses et d’autres, en russe, assises sur un banc. Les vieilles dames préfèrent ne pas penser à ce qui les attend ensuite… Car avec le déménagement de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, il va falloir faire de la place…
Depuis sa guitoune à l’accueil, le gardien confie: « Ils parlent de vider les lieux, mais pas avant 2020 ».
« Qui vivra, verra », conclut Yana, philosophique.
Deux années qui permettront peut-être au plus vieux résident du Diplomat Hotel d’y célébrer ses 100 ans…
Laura Jeanneau est journaliste pour le site d’i24NEWS en français