Jacques Bendelac : « Une véritable fuite de capitaux est en train de s’opérer sur fond de guerre »

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Au premier trimestre 2024, les Israéliens ont investi outremer davantage que les étrangers n’ont investi en Israël ; une tendance qui n’avait pas été observée depuis une décennie.

Une véritable fuite de capitaux est en train de s’opérer sur fond de guerre : les Israéliens investissent de plus en plus d’argent à l’étranger alors que les investissements étrangers en Israël sont en chute libre.

Autrement dit, la balance des investissements directs dans l’économie (à distinguer des placements spéculatifs) devient négative : il y a davantage d’argent qui sort du pays qu’il n’en rentre. Il faut remonter en 2016 pour trouver une situation semblable.

 

Attrait de l’étranger

Alors que la guerre se prolonge depuis neuf mois, les Israéliens préfèrent investir à l’étranger : au premier trimestre de 2024, les Israéliens ont investi un montant record de 3,6 milliards de dollars dans des entreprises étrangères.

Selon la balance des paiements 2024, les investissements israéliens à l’étranger ont fait un bond de 23% au premier trimestre de cette année en comparaison au trimestre précédent, et de 49% par rapport au premier trimestre 2023.

Il y a donc bien une fuite des capitaux locaux vers l’étranger : désormais, les Israéliens recherchent des horizons plus calmes pour placer leur argent. Outremer, les entreprises leur paraissent plus sûres et plus attractives qu’en Israël.

 

Appels au boycott

En sens inverse, les étrangers ont investi 1,2 milliard de dollars dans l’économie israélienne au premier trimestre 2024 ; il s’agit d’une baisse de 56% par rapport au trimestre précédent et d’une chute de 63% par rapport au premier trimestre 2023.

Le retrait des investissements étrangers touche principalement la haute technologie, comme l’américain Intel qui a annulé ses travaux d’agrandissement en Israël, mais pas seulement. La liste des multinationales qui revoient à la baisse leurs investissements en Israël s’allonge : la chaîne britannique de cafés Prêt À Manger, la chaîne de restauration rapide McDonald’s, etc…

Certes, cette tendance à se détourner d’Israël ne touche pas tous les investisseurs étrangers, loin de là : beaucoup de géants de la technologie misent encore sur Israël, comme Google ou Facebook qui ont récemment agrandi leurs locaux à Tel Aviv.

Il n’empêche que la poursuite de la guerre à Gaza a relancé les appels au boycott des entreprises et produits israéliens ; une menace qui devient réalité, ce qui ralentira et retardera la relance économique de l’après-guerre.

Avec le lancement de la réforme judiciaire l’an passé, la fuite des cerveaux était considérée comme un risque sérieux qui menaçait l’économie israélienne ; en ce début 2024, la fuite des capitaux est une menace beaucoup plus inquiétante…

à propos de l’auteur

Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : « Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël » (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.

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