Un pays divisé, qui verra mardi en huit une faible participation électorale – et une forte adhésion au vote blanc. Les points faibles des partis qui se présentent sont nombreux et rendent le choix difficile, voire impossible.
Mardi prochain, les Israéliens se rendront aux urnes pour que peut-être cette fois un gouvernement stable soit formé. Les chefs des partis affinent leurs messages en fonction de leurs points faibles. Lapid se rendra à Nazareth pour inciter les habitants arabes à voter pour lui et Yesh Atid son parti. Netanyahou renonce à son soutien au sionisme religieux, jugé d’extrême droite ; quant à Gantz, il tente de convaincre qu’il ne formera pas de gouvernement avec le Likoud.
Dans neuf jours, les scrutins s’ouvriront pour la cinquième fois depuis 2019, et les chefs de partis se préparent aux jours les plus critiques pour améliorer leur situation et motiver leur électorat jusqu’au dernier moment. Cependant, beaucoup d’entre eux sont déjà en bout de course avec leur point faible qu’ils devront affronter avant que les citoyens du pays ne décident pour qui voter. Ce sont les points faibles des chefs de parti et les plans de dernière minute qu’ils tentent de mettre en avant les élections.
Yesh Atid (Il y a un avenir…)
Le talon d’Achille du Premier ministre Yair Lapid est dans le bloc qu’il dirige : le camp de centre gauche n’est pas uni, Israël Beitenou et les partis arabes se sont retrouvés sans accords, et la faible participation électorale dans la société arabe est peut-être celle qui finalement donne la clef du bureau du Premier ministre au chef de l’opposition, et son 61e mandat.
Alors que Netanyahou a réussi à unir les partis de droite et orthodoxes, Lapid fait face à une campagne électorale avec un bloc divisé et fait face à des tirs d’obus et à des luttes internes. Le président de Yesh Atid ne pourra plus réparer son camp et repartir avec les accords précédents qui n’ont pas été signés, mais afin de minimiser les dommages, il a l’intention d’encourager le vote dans la société arabe, et pour ce, il prévoit de se rendre à Nazareth, la plus grande ville arabe d’Israël. Ces derniers jours, Lapid a commencé à appeler les citoyens arabes à voter pour lui, mais sa véritable intention est d’amener les électeurs arabes aux urnes même s’ils ne votent pas pour lui. Au demeurant le camp de l’actuel gouvernement n’existe plus, il aura été une illusion d’optique, que les anti-Netanyahou ont pris pour une réalité.
Likoud
L’étreinte donnée par le chef de l’opposition à Itamar Ben Gvir et la réforme introduite par Bezalel Smotrich dans le système judiciaire risquent de nuire aux nombreux efforts du président du Likoud Benjamin Netanyahou pour obtenir au moins un mandat des voix du centre droit, qui lors des dernières élections n’a pas voulu voter pour lui. Le match entre le sionisme religieux et Otzma Yehoudith a également conduit à la migration d’un mandat de Netanyahou à Smotrich.
En même temps que les sondages s’envolaient, Ben Gvir affirmait par ailleurs qu’il serait dans le prochain gouvernement. Mais cet encombrant allié a poussé Netanyahou à faire volte-face pour reprendre les mandats perdus par le Likoud. Il a promis de former un gouvernement uniquement avec le sionisme religieux et non Ben Gvir et a nié les affirmations selon lesquelles il se dirigeait vers un gouvernement d’union avec Gantz.
Au début de la campagne électorale, Netanyahou comptait 37-35 mandats dans les sondages, puis s’est affaibli à 31-30. Le sens : même s’il atteint 61 mandats, Netanyahou aura du mal à former un gouvernement malgré ses tentatives pour convaincre l’opinion que la coalition des 61 restera stable pendant quatre ans. En attendant, il convient de rappeler qu’une grande masse d’électeurs traditionnels du Likoud sont restés chez eux lors des dernières élections et ne sont pas sortis pour voter malgré leur soutien à Netanyahou. Après l’expérience désastreuse du gouvernement Lapid-Bennett, qui a vu Bennett déserter en rase campagne, et un Lapid qui cherche sa propre survie dans l’électorat arabe, lequel l’a de facto abandonné, l’électorat du Likoud a une grave responsabilité dans la stabilité du pays.
Le camp de l’État
Au cours des deux dernières années, Gantz a échoué dans ses tentatives de retirer la « bosse » sur son dos avec son entrée dans un gouvernement d’union avec Netanyahou en 2020. La campagne « Ganz ira avec Netanyahou » est menée par deux camps opposés : Netanyahou et Lapid. Gantz a commencé la campagne en disant que lui seul serait capable de faire la synthèse entre les partis de centre droit et les partis religieux et de briser le lien éternel entre ces derniers et le Likoud pour former un gouvernement avec des éléments qui ne sont pas nécessairement dans le « bloc du changement » (probablement les partis orthodoxes, qui, eux, semblent bien opposés à une telle option), et de combattre les messages de ses adversaires, Gantz a annoncé en fin de semaine l’engagement qu’il ne formerait en aucun cas un gouvernement avec Netanyahou.
« Vous êtes-vous demandé pourquoi la droite et la gauche attaquent le camp de l’État et moi personnellement et font passer le message que je vais m’asseoir avec Bibi ? La réponse est claire », a déclaré Gantz. « D’une part, Netanyahou sait très bien que je suis le seul à pouvoir briser son bloc et le seul à pouvoir déplacer les partis d’un côté à l’autre – et c’est pourquoi il a peur. D’autre part, Lapid comprend que nous sommes le seul parti qui peut former un gouvernement large et stable, et de plus il sait qu’il ne peut tout simplement pas former un gouvernement dans n’importe quel scénario – quelle que soit la taille de son parti. »
Le parti travailliste et Meretz
Après un brassage continu dans les sondages, les deux partis de gauche redoutent surtout les propos de Lapid, qui prend soin de mentionner qu’ils ne risquent pas de ne pas franchir le seuil. L’objectif du Premier ministre est en fait de transférer des voix à son parti afin de se rapprocher du nombre de mandats du Likoud. En réponse, des messages ont été envoyés par Marev Michaeli et Zahava Galon au Premier ministre lui demandant de cesser de nuire aux voix du camp gauche, car ils disent que la taille du bloc est la plus importante, pas la taille de son parti.
Israël Beitenou
Le président du parti, Avigdor Lieberman, n’a pu parvenir à un accord avec les partis de gauche ou du centre qui ne parviennent pas à dépasser le pourcentage minimal. Les voix perdues sont réparties par la suite au prorata des partis qualifiés, ce qui fait courir le risque de perdre des voix au profit du camp Netanyahou à la fin du décompte des voix. Lieberman s’engage à former une coalition sans le Likoud et les partis orthodoxes, et maintenant sa campagne électorale est centrée sur le fait qu’Israël Beitenou travaillera à promouvoir « une économie libre et un État libre », comme écrit sur les panneaux d’affichage continuer à travailler pour empêcher une coalition avec les hommes d’affaires des partis orthodoxes qui ne réussira pas à promouvoir la moindre valeur libérale et l’égalité dans le fardeau. Lieberman dit donc la chose et son contraire, en prétendant s’allier avec et combattre les partis orthodoxes.
Sionisme religieux
Suite à la montée rapide et spectaculaire des sondages, la liaison technique entre Smotrich et Ben Gvir risque de perdre de nombreux mandats qui, à la dernière minute, voteront pour le Likoud suite à un éventuel blitz du chef de l’opposition.
Les partis arabes
La division entre Balad, Hadash-Ta’al et Ra’am pourraient très probablement laisser Sami Abu Shahada et ses hommes sous le pourcentage de blocage. En raison des grandes différences entre les partis, aucune des trois listes arabes n’a signé d’accord excédentaire avec un autre parti arabe et la seule possibilité de les autoriser à la Knesset est une augmentation spectaculaire du taux de vote dans la société arabe.
Les partis orthodoxes
Le Shass et le judaïsme de la Tora ressentiront vivement dans les dix prochains jours l’absence des deux hauts dirigeants spirituels décédés ces derniers mois – le président du Conseil des sages de la Tora des séfarades, ‘Hakham Shalom Cohen, et le « ministre lituanien-ashkénaze » de la Tora, rabbi ‘Haïm Kanievsky. Ils avaient joué un rôle important lors des congrès et des rassemblements organisés par les deux partis dans tout le pays, en particulier dans les derniers jours avant l’ouverture des urnes, lors des dernières élections. Cette fois les militants devront trouver d’autres moyens pour motiver un public indifférent ou indécis.
Leur réponse à cela est simple et peu sophistiquée : l’intégration des figures de rabbins jugés autrefois « rebelles » dans des panneaux d’affichage et des vidéos qui sont diffusés sur les réseaux sociaux – pour susciter l’émotion, et en même temps un recours accru qu’à l’accoutumée aux rabbins des quartiers locaux. Les communautés, qui sont en contact direct et quotidien avec les synagogues et les Yechivoth, afin de faire passer eux-mêmes le message gagnant : « Avez-vous fait ce qu’on vous a demandé ? »
Pourquoi le pays est-il à ce point divisé politiquement alors qu’il y a des majorités par ailleurs sur bien des points. Si le pays est majoritairement à droite ou de centre droit, les médias sont de gauche voire d’extrême gauche. Ces derniers nous ont vendu le tandem Lapid-Bennett en tirant à boulets rouges sur Netanyahou, le pays en paie les frais, mais le premier responsable reste l’électeur, notamment celui qui s’abstient.
JForum.fr – Ynet – Illustration : shutterstock