Navon, Meloul, Abu. Gefen, Hazan, ou encore Korkas: où que vous vous trouviez dans le monde, si vous êtes porteur de l’un de ces noms – mais aussi de centaines d’autres – vos origines peuvent vous rapporter gros…
« En avril 2015, une nouvelle mesure a été mise en place au sein du gouvernement portugais: toute personne descendant d’une famille juive ayant vécu en Espagne ou au Portugal est devenue potentiellement éligible à l’obtention de la nationalité portugaise », explique à i24NEWS Hila Pincu, avocate au sein du cabinet israélien Pincu-Barkan, spécialisé dans le domaine.
« De nombreux Juifs vivaient en Espagne avant leur expulsion en 1492 », explique-t-elle. A l’époque, un grand nombre de familles choisit le Portugal tout proche comme refuge. Cependant, le 5 décembre 1496, ces derniers sont de nouveau chassés. « Les Juifs devaient se convertir ou partir », explique Hila Pincu. Des dizaines de milliers de personnes quittent alors le pays, se dirigeant vers la Turquie, la Syrie, l’Egypte ou encore le Maroc.
« On estime qu’environ 3,5 millions de personnes dans le monde descendent de ces familles juives », explique l’avocate. « 500 ans après ces expulsions, le gouvernement veut demander pardon au peuple juif”, estime Hila Pincu. En guise d’excuses, le Portugal propose aujourd’hui aux personnes concernées la nationalité du pays, et le passeport qui va avec.
Et si cela peut paraître surprenant, pour de nombreux Israéliens, cette mesure est une sorte de cadeau tombé du ciel.
L’Europe, mieux qu’Israël ?
« C’est la porte d’entrée vers 28 pays d’Europe! », explique Hila Pincu. Si son cabinet traite avec le Portugal ou la Roumanie, d’autres sont en contact avec l’Espagne, la Pologne ou encore la République Tchèque, qui proposent eux aussi aux descendants de familles juives d’obtenir la nationalité de ces différents pays d’Europe.
La grand-mère de Tamar, une jeune Israélienne, a fui le Vieux Continent lors de la Seconde Guerre mondiale. Près d’un siècle plus tard, depuis Tel Aviv, sa petite fille a pu obtenir la nationalité polonaise, dont elle dispose depuis maintenant un an. « Ce passeport offre plus d’options pour étudier ou pour travailler en Europe », explique la jeune femme à i24NEWS.
Doron, un Israélien de 27 ans disposant lui aussi d’un passeport européen, confirme: « Cela m’a permis d’effectuer un semestre à Paris, à la Sorbonne. Vu que je dispose de la nationalité finlandaise, on ne m’a quasiment pas posé de questions et je n’ai pas eu besoin de visa », explique le jeune homme. « En Finlande, j’ai pu faire mes études pour 200€ l’année, et je recevais même une bourse mensuelle! Le même cursus m’aurait coûté 3.000 à 4.000€ en Israël », ajoute-t-il.
Arne Dedert / dpa / AFP
« Parmi mes clients, il y a de nombreux jeunes israéliens. Certains se trouvent en Europe et veulent y rester de façon légale, d’autres souhaitent y étudier », explique à i24NEWS Yael Tauger, avocate spécialisée dans l’obtention du passeport polonais. « Je suis également très sollicitée par des parents ou grands-parents, qui pensent au futur de leurs enfants », explique la jeune femme.
« C’est ma famille qui a entrepris les démarches », explique Tamar. « Ils ne pensent pas qu’Israël va disparaître dans un futur proche, mais pour eux, ce passeport c’est une sorte d’assurance », ajoute cette habitante de l’Etat hébreu, alarmiste sur le futur de son pays. « En Israël, les gens s’appauvrissent et le conflit gagne du terrain. Sans changer les dirigeants actuels, comment pourrions-nous modifier le cours des choses ? », se questionne la jeune femme, qui assure qu’elle demandera que ses enfants obtiennent à leur tour la nationalité polonaise, « histoire qu’ils aient plus d’options ».
Un passeport, oui, mais à quel prix ?
Outre le fait qu’ils ne puissent pas se rendre dans certains pays du monde avec lesquels l’Etat hébreu ne dispose pas de liens diplomatiques officiels (Iran, Liban, Arabie saoudite ou encore Indonésie…), les Israéliens peinent aussi parfois à obtenir un visa d’entrée vers d’autres destinations.
« Le passeport polonais me permet de me déplacer plus facilement lorsque je suis en Europe et de gagner du temps », explique Tamar. « Lorsque j’ai voulu aller aux Etats-Unis, j’ai obtenu un visa rapidement et sans problème avec le passeport finlandais, ça n’aurait pas été le cas avec un passeport israélien », explique quant à lui Doron.
Des avantages que de plus en plus de cabinets d’avocats mettent en avant sur leur sites Internet, en gros caractères: ‘Les citoyens portugais peuvent étudier gratuitement dans diverses institutions européennes et bénéficier de subventions totales ou partielles’, annonce la page Web d’une société israélienne spécialisée dans le domaine. ‘Liberté de circulation et de travail dans tous les pays de l’Union européenne, facilité pour obtenir un visa pour les USA’, promet un autre.
John MACDOUGALL (AFP/Archives)
L’obtention d’un passeport européen a toutefois un prix: entre 1.100€ et 2.500€, selon le pays dans lequel le document est émis et les honoraires des cabinets contactés par i24NEWS.
Et les administrations européennes en profitent également pour prendre leur marge… « 50% des frais vont aux employés polonais », explique Yael Tauger. « Il faut par exemple payer la traduction des documents, cela représente beaucoup d’argent », précise l’avocate. « Nous devons d’abord obtenir un accord de principe de la communauté juive, à Porto ou Lisbonne », explique quant à elle Hila Pincu. « Nous travaillons aussi avec des généalogistes », ajoute-t-elle. « 40% des frais sont versés aux gens sur place », conclut l’Israélienne. Malgré le coût de la procédure, elle confie que « les demandes sont de plus en plus nombreuses ». « Au cours des deux dernières années, des milliers de personnes ont fait appel à nous », précise l’avocate.
« Certains se disent ‘Je le ferai l’année prochaine’. Moi, je leur conseille de commencer les démarches dès maintenant », indique quant à elle Yael Tauger. L’avocate prévient: « Les règles administratives changent sans cesse et l’obtention d’un passeport européen ne sera peut-être pas possible éternellement pour les Israéliens”.
Laura Jeanneau est journaliste pour le site d’i24NEWS en français
NDLR : La honte !