Jérusalem – Cette nuit du 9 avril, Benjamin Netanyahu irradiait devant la foule en liesse: pour la cinquième fois « le peuple d’Israël (avait) placé sa confiance » en lui, et « rapidement » il formerait le prochain gouvernement. Cinquante jours après, sa promesse était un lointain souvenir.
Le Parlement né des législatives d’avril s’est dissous dans les cris jeudi à la première heure, faute d’accord entre M. Netanyahou et les partenaires de droite qui devaient lui permettre d’entamer un cinquième mandat.
Loin de la victoire prématurément proclamée le 9 avril, le politicien au style unique, flamboyant, bagarreur et orgueilleux, a fait bonne figure devant un spectacle sans précédent qui a consterné de nombreux Israéliens encore éveillés: une Knesset se dispersant un mois après avoir prêté serment.
L’issue de ce psychodrame est un échec politique rare pour M. Netanyahou. En 1999, il avait perdu sa place de Premier ministre à l’issue de son premier mandat, lâché par une partie de la droite hostile à toute concession aux Palestiniens et – déjà – éclaboussé par les scandales et les soupçons de corruption.
Plus jeune Premier ministre d’Israël en 1996, à nouveau en poste depuis 2009, cet homme costaud à l’impeccable mèche argentée que tous les Israéliens surnomment « Bibi » est à nouveau en butte à la suspicion.
Il va début octobre au-devant d’un rendez-vous avec le procureur général qui décidera de son inculpation pour corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires. Malgré l’incertitude sur son avenir, il restera l’homme à battre aux élections de septembre.
Son efficacité politique, son brio de manoeuvrier, ses réussites et ses coups d’éclat diplomatiques, son image de meilleur garant de la sécurité d’un pays confronté aux menaces, conjugués à sa maestria de communicant et à la croissance économique israélienne ont, au fil des années, réduit la concurrence à quia.
– « Qu’on aime ou pas » –
Adoré par les uns, abhorré par les autres, « Bibi » fait aussi l’unanimité sur un point: sa formidable faculté à affronter l’adversité.
« Quand Israël aura perdu Bibi, il y aura sûrement des moments où il regrettera de ne plus avoir un leader de stature internationale, reconnu par tout le monde et qui -qu’on l’aime ou pas- fait que le reste du monde relève la tête et prête attention quand il prend la parole« , écrit le quotidien Haaretz, pourtant hostile à M. Netanyahou.
Petit-fils de rabbin, fils d’un historien ultra-sioniste, M. Netanyahou est né le 21 octobre 1949 à Tel-Aviv. Premier chef de gouvernement né après la création d’Israël en 1948, il a passé une partie de son enfance aux Etats-Unis, étudié au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), et conservé une parfaite maîtrise de l’anglais.
Rentré en Israël, il a servi cinq ans dans une unité des forces spéciales et a été blessé dans le sauvetage des otages d’un avion détourné par des Palestiniens en 1972.
M. Netanyahou évoque régulièrement la mort de son frère Yoni dans une intervention semblable en 1976 comme l’ayant profondément affecté.
Au tournant des années 1970-80, il noue ses premiers liens politiques. Son mentor Moshe Arens, du parti Likoud (droite), lui met le pied à l’étrier. Diplomate à l’ambassade d’Israël à Washington, puis ambassadeur à l’ONU, il rentre et devient député en 1988, chef du gouvernement en 1996.
Quelques images rendent compte du personnage, prêt à aller « partout » où on l' »invitera (…) pour défendre l’avenir et l’existence » d’Israël.
Celle de M. Netanyahu à la tribune du Congrès américain en 2015, défiant la réprobation du président Barack Obama, pour dénoncer l’accord alors en négociation sur le nucléaire iranien.
– « Le protecteur d’Israël » –
Le nouvel « Amalek » pour lui, l’ennemi mortel des Hébreux dans la Bible, c’est l’Iran, cible de ses foudres, avec l’islamisme radical.
Mais, après la Shoah, le peuple juif ne baisse plus la tête, « il la redresse, nous nous battons, et nous gagnons« , dit-il. Il se targue de nouvelles relations avec les pays arabes, de l’accession d’Israël au rang de puissance technologique « mondiale« , et même de « modèle pour le reste du monde« . Il se vante aussi de parler d’égal à égal aux grands de la planète, et de son rapport privilégié avec le président américain Donald Trump.
Image encore: celle de M. Netanyahou participant à l’inauguration, « historique » à ses yeux, de l’ambassade américaine transférée de Tel-Aviv à Jérusalem contre la réprobation internationale en 2018.
Ses adversaires l’accusent d’être un autocrate ne reculant pas devant les expédients et les mensonges. Ils lui reprochent sa soif de pouvoir, son népotisme, un discours dangereusement populiste, voire anti-arabe sapant les fondements démocratiques d’Israël. Il n’a jamais vraiment voulu la paix avec les Palestiniens, affirment-ils.
« Seuls les forts survivent« , dit M. Netanyahou. « Je voudrais qu’on se souvienne de moi comme le protecteur d’Israël, cela me suffit« .