Au-delà des paysages à perte de vue et des douces collines, la réalité de la vie en Galilée est également celle de la cohabitation avec les arabes. Cette réalité peut être analysée sous un angle optimiste :
nous sommes la preuve vivante de la possibilité d’une coexistence, qui ne peut qu’être constatée dans les faits : les juifs et les arabes vivent côte à côte, en paix.
Ou sous un angle pessimiste :
nous sommes assis sur une poudrière qui peut s’enflammer à tout moment, comme lors des émeutes de l’an dernier.
Mais quels que soient le point de vue et les croyances, un constat est clair et (malheureusement) objectif : la présence juive en Galilée est menacée. Et c’est l’État lui-même qui en est la cause. Absurde non ? C’est pourtant la réalité.
Il y a 20 ans, un quart de la population de Galilée était juive. Aujourd’hui, les Juifs ne sont plus que 15 % et ce pourcentage va en s’amenuisant. Tous ceux qui vivent en Galilée peuvent en témoigner :
Les villages et les villes arabes se développent à un rythme effréné tandis que dans les yichouvim juifs, les contraintes sont très lourdes pour construire et nombreux sont les jeunes qui renoncent et s’exilent vers le centre du pays.
Comment est-ce possible ?
Ce qui explique ce mouvement est la combinaison de deux phénomènes :
— l’étouffement d’une part de l’implantation juive en Galilée ;
— la promotion d’autre part de l’implantation arabe.
Pourquoi est-ce encouragé – implicitement – par l’État lui-même ? Par le biais de la conjugaison de deux facteurs :
— les autorités de planification d’une part, qui considèrent l’implantation rurale comme un fardeau écologique et environnemental, et qui favorisent l’entassement dans les constructions urbaines ;
— les autorités judiciaires d’autre part, qui voient les arabes comme une minorité et qui imposent des restrictions aux juifs tout en en exemptant les arabes.
Les plans valident ainsi l’extension et l’expansion des localités arabes à un rythme très rapide tandis que les contraintes de construction dans les localités juives sont énormes.
Résultat : dans les yichouvim juifs de Misgav, par exemple, le prix d’un terrain s’élève à un million de shekels alors que dans les villes arabes environnantes le terrain équivalent pourra être acheté pour 50 000 shekels.
Un autre facteur est l’absence de bilatéralité dans les mouvements de population. Les arabes peuvent venir s’installer en afflux massif dans des villes telles que Karmiel ou Nof Hagalil, car ils sont protégés par les lois de non-discrimination. Mais le mouvement inverse est impossible. Aucun Juif ne pourra s’installer dans un village ou une ville arabe pour des raisons évidentes de sécurité (et de survie).
Tous ces éléments mènent à la perte de contrôle et à l’abandon, de façon absurde et certainement contraire à tous les intérêts de l’État, de la Galilée. Il ne s’agit même pas d’opposer les Juifs et les arabes, mais de mettre fin aux discriminations qui affectent les juifs dans leur propre pays, à l’intérieur des frontières.
La vie ici est pourtant merveilleuse. Le son du Muezzin fait partie intégrante du quotidien, l’entente et le respect sont de mise – le plus souvent. Mais les cicatrices laissées par les émeutes de l’an dernier sont encore bien présentes, et rien de bon n’est à augurer dans les villes et les villages arabes de Galilée lors du prochain conflit malheureusement prévisible. Les drapeaux palestiniens y flottent en permanence ces derniers temps. Il y a un an tout juste, les habitants de mon yichouv se relayaient pour nous protéger d’une éventuelle attaque des émeutiers du village d’en face qui bloquaient notre accès à la route avec des pneus en feu. C’est passé, bizarrement presque oublié, et la vie a repris son cours, mais que se passera-t-il la prochaine fois ?
En ces jours de fête de l’indépendance d’Israël, on ne peut que se souvenir du rêve de Ben Gourion de repeupler le Néguev et la Galilée.
Le Néguev nous échappe déjà, que fera-t-on pour sauver la Galilée ?
Élisabeth Rozen, Blog