Par Freddy Eytan – Illustration : Amos Hochstein (U.S. Institute of Peace/Flickr/CC BY 2.0)
Pour le moment, rien n’indique une accalmie. Le Hezbollah poursuit les tirs contre la population civile israélienne, Tsahal combat toujours au sud-Liban et intensifie les frappes aériennes contre des cibles militaires de la milice chiite à Beyrouth et à Damas. Les combats sont acharnés et le Hezbollah refuse la capitulation malgré ses importantes pertes et dégâts et l’élimination de ses chefs. Il dispose encore de nombreux combattants et de missiles et sabotera tout accord avec Israël. Encouragé par les ayatollahs d’Iran, son dévouement à la cause palestinienne demeure vivace.
Cependant, Israël ne peut subir une guerre d’usure sans prévoir aucune issue diplomatique à l’horizon. Suite à la victoire de Donald Trump et son retour triomphant à la Maison Blanche ainsi que la nomination d’une nouvelle équipe profondément solidaire aux revendications israéliennes, le temps est propice pour obtenir un cessez-le-feu et à aboutir à un accord solide qui permettra de chasser le Hezbollah du sud-Liban et ramener les 80.000 déplacés israéliens dans leurs foyers.
Toutefois, comment garantir que la milice chiite ne violera pas ce nouvel accord ? N’a-t-elle pas déjà bafoué les résolutions précédentes de l’ONU dont la 1701 signée en 2006 après la Seconde guerre du Liban ?
Dans les nouvelles discussions diplomatiques menées ces jours-ci, la grande difficulté demeure dans l’absence d’une autorité libanaise capable d’assumer l’application de tout accord avec Israël. En fait, nous avons affaire à une organisation terroriste, satellite de l’Iran. Le Liban est ingouvernable, le régime est corrompu et son armée est incapable de contrôler le pays sans un soutien international. Donc, pour pouvoir assurer la sécurité de tous les citoyens israéliens le long de la frontière et ailleurs, tout accord devra être garanti par les Etats-Unis et avoir également le soutien de la Russie qui est omniprésente dans la région, principalement en Syrie.
Malgré les froides relations existantes actuellement avec Vladimir Poutine en raison de la guerre en Ukraine, la Russie permet toujours à l’aviation israélienne de lancer des raids dans le cadre d’un système de coordination signé à Moscou.
Nous devrions aussi mettre en garde l’Iran de ne plus soutenir militairement le Hezbollah et éviter un rapprochement de Téhéran avec l’Arabie saoudite. Rappelons que la rivalité entre Iraniens chiites et Saoudiens sunnites-wahhabites a empoisonné les relations entre Téhéran et le monde arabe et a déclenché durant une décennie une guerre meurtrière au Yémen qui a causé 380 000 morts. L’Arabie saoudite reprochait aux Etats-Unis de l’avoir abandonné dans la guerre au Yémen, de refuser de lui offrir un statut spécial au sein de l’Otan et de nouvelles armes pour se défendre, et surtout elle reprocha à Obama et Biden d’intervenir dans ses affaires intérieures concernant les droits de l’Homme.
Le président Donald Trump s’entretient avec Mohammed bin Salman bin Abdulaziz Al Saud, vice-prince héritier d’Arabie saoudite, lors de leur rencontre le mardi 14 mars 2017, dans le bureau ovale de la Maison Blanche à Washington, D.C. (Photo officielle de la Maison Blanche par Shealah Craighead)
Aujourd’hui, Ryad a un grand intérêt à revenir sur la scène libano-syrienne et ramener dans son orbite le président Assad. Malgré la guerre civile et les sanctions, « le boucher de Damas » est toujours au pouvoir et redevient persona grata au sein de la Ligue arabe. Va-t-il quitter son allié iranien ? Interdire l’acheminement d’armement via Damas au Hezbollah ?
Le prince héritier du royaume saoudien, Mohamed Bin Salman, compte aussi sur l’administration Trump pour développer son vaste pays désertique, rassembler les musulmans sunnites au sein de son giron et élargir les Accords d’Abraham.
Dans ce contexte géopolitique nouveau, Israël propose justement un plan réaliste et pragmatique dans l’intérêt de tous les acteurs. Il prévoit le retrait des forces du Hezbollah au-delà du fleuve Litani et le contrôle de l’armée libanaise sur la zone frontalière pendant une période temporaire sous supervision américaine.
Le président syrien Bachar el-Assad prononce un discours lors du sommet extraordinaire arabo-islamique (NTA Network/YouTube/Capture d’écran)
Le but final n’est pas de conquérir Beyrouth et changer de régime par la force des armes. Les Occidentaux n’ont pas réussi hier et échoueront demain. Nous avons tenté de le faire en 1982 lors de la Première guerre du Liban et ce fut un échec cuisant puisque le Hezbollah a pris la relève et fait depuis la pluie et le beau temps.
Il n’existe pas de raccourci sur le chemin diplomatique. Chaque négociation est pénible et souvent semée d’embûches. Bien entendu, nous devrions être fermes et intransigeants sur les questions sécuritaires mais aussi être généreux pour aboutir à la coexistence et à la paix.
Israël se trouve actuellement en position de force, peut dicter la marche à suivre et garantir la stabilité dans le nord du pays durant de nombreuses années encore. Une trêve à long terme évitera une présence inutile de nos soldats dans le bourbier libanais avec toutes ses conséquences et retombées sur toute la société israélienne. L’essentiel est de saisir toutes les opportunités et les leviers et intervenir rapidement en cas de violation. Cette fois-ci, nous aurions la légitimité et le soutien de l’administration Trump pour intensifier les opérations terrestres et les frappes aériennes.
Netanyahou devra agir avec de bonnes intentions et beaucoup de sagesse pour remercier le président sortant Joe Biden de son formidable soutien militaire durant la guerre, et surtout acquérir la confiance de Trump dès le début de son nouveau mandat. Ensemble, on pourra élaborer en pleine amitié et par étapes, un plan de paix global avec l’Arabie saoudite, résoudre le problème palestinien et mettre un terme au projet nucléaire iranien. Avec une feuille de route claire et cohérente, des nerfs d’acier et une volonté de fer, cette mission pourra être possible.
Certes, il est trop tôt de prédire ce que Trump vraiment souhaite mais nous devrions prendre l’initiative. Sans se bercer d’illusion, ce jeu diplomatique en vaut vraiment la chandelle… Agir dans notre propre intérêt et assurer l’avenir des générations futures.