Israël, le temps de la sidération

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Par Francis MORITZ – Temps et Contretemps

Après avoir vaincu la pandémie, Israël est confronté à une épidémie de violences et de haines dont le virus se propage à travers tout le pays. On incendie, on lynche. On pensait qu’il existait une cohabitation pacifique permettant aux deux communautés, arabe et juive, de vivre côte à côte et selon la formule empruntée à l’ex-ministre de l’intérieur Gérard Collomb, les deux communautés sont brutalement passées du côte à côte au face à face. Il y a un effet de sidération qui pourrait se transformer en prise de conscience, si telle sera la volonté de la population.

On constate que l’extrémisme des uns est équivalent au nationalisme des autres. On ne sait que trop où cela conduit, qu’on soit juif ou pas. Cette dérive lente mais réelle qu’observe le pays, l’importance croissante des partis religieux n’est pas le seul facteur à l’origine de cette situation. Les gouvernements successifs, depuis celui d’Ariel Sharon, n’ont pas su ou voulu voir que la séparation des Palestiniens en deux entités loin de les affaiblir n’a fait qu’exacerber leur rivalité et créer une surenchère sans fin. Favoriser l’une au détriment de l’autre ne pouvait constituer une politique, dès lors que depuis des années le pays et plus spécialement le sud est soumis à une menace incessante.

Gaza de tous temps a été un problème pour qui n’a jamais voulu l’intégrer. Ce qui fut déjà le cas de l’Égypte après l’opération de Suez. On a donc laissé prospérer le Hamas qui, de faction palestinienne, est devenu une entité avec ses dirigeants, ses commandants, ses porte-paroles, son bureau politique, pendant que la communauté internationale le classait comme organisation terroriste. Elle doit être réduite au silence, ce moment semble venu.

Comment une armée, des services secrets très sophistiqués capables d’intervenir en Irak, en Iran en Syrie ne sont-ils pas capables d’intervenir à leur porte ? Est-ce un aveu d’impuissance ou l’expression d’une volonté, d’un calcul délibéré mais qui se révèle mortifère. J’avais déjà utilisé l’expression quoi qu’il en coûte. Pourra-t-on indéfiniment continuer de la sorte, maintenir le statu quo ? Entendre le Premier ministre ou celui de la défense rappeler qu’Israël «réagira en conformité avec ses intérêts» !  C’est quoi «ses intérêts» ? Est-ce avoir une population au sud du pays sous la menace des missiles, avoir des hommes, des femmes et des enfants qui courent aux abris, avoir les écoles fermées qui subissent les 10% des missiles que le Dôme de fer ne peut arrêter ?

Sans être catastrophiste, combien de temps cela peut-il durer ? L’aéroport international fermé, le pays est isolé du monde. On pouvait penser qu’après les accords d’Abraham, on était passé à une ère nouvelle. Ce qui se produit actuellement est une terrible régression. Peut-être sera-ce enfin le catalyseur en vue de choix décisifs pour apporter la paix. Doit-on croire que ce sont les barrières à l’entrée de la porte de Damas ou les difficultés d’accès à l’esplanade des mosquées qui auront été le déclencheur de ces évènements ? On sait d’expérience que la période du Ramadan est propice à des heurts ; était-ce le moment d’essayer de régler les problèmes d’expulsion de Jérusalem-Est ?

La rue arabe, dans tout le Moyen-Orient, condamne Israël. Les dirigeants, même les moins favorables à la cause palestinienne, sont plongés dans un embarras profond qui les met pour la plupart en porte à faux avec leur population, qui a déjà eu du mal à accepter la reconnaissance de l’État juif. Il est surprenant qu’on n’ait pas demandé à certains de ces pays, notamment ceux qui soutiennent financièrement le Hamas, d’avoir un rôle actif. Après tout, n’est-ce pas le rôle de la diplomatie ?  C’eut été l’occasion de voir sur le terrain la valeur de ces accords. On assiste actuellement à des déclarations tout azimut des gouvernements de l’UE qui s’inquiètent, qui demandent une réaction proportionnée, au fait c’est quoi «une réaction proportionnée» ? Est ce qu’on la mesure au nombre de roquettes, au nombre de victimes, de blessés, aux bâtiments détruits, au nombre d’élèves confinés parce que les écoles sont fermées ?

C’est parfois à l’issue d’une épreuve, aussi terrible qu’apparaît une solution, sinon la vérité qui est parfois cachée et qu’on ne veut voir. Israël ne peut pas continuer à vivre en permanence entre des nationalistes et des extrémistes. Ce qui était une différence sur le plan spirituel entre adeptes de l’islam et ceux du judaïsme est devenu une crise identitaire, où la religion a pris le pas sur la spiritualité. C’est un changement majeur de paradigme auquel le pays est confronté, comme l’est l’Europe depuis plusieurs années pour la même raison et bien d’autres. On ne résout pas le problème par des déclarations, mais par un changement de cap et les mesures qu’il impose. Elles peuvent être difficiles, dramatiques mais indispensables.

Contre toute attente, peut être le dirigeant de la liste Arabe Unie Mansour Abbas pourrait saisir l’opportunité qui lui est offerte de jouer un rôle éminent. Ce serait avec son soutien que se formerait le gouvernement d’unité qui mettrait fin officiellement à la carrière de B. Netanyahou ?

Pendant ce temps, au terme de plusieurs déclarations, la France ne laissera pas s’organiser une manifestation pro palestinienne à Barbes le 15 mai. Le ministre de l’Intérieur en a donné l’instruction au préfet. On doit cependant constater qu’on n’a pas vu d’autres rassemblements contre le massacre des femmes Yazidis, des Chrétiens d’Irak, des femmes kurdes en Syrie, des civils syriens, des Ouigours en Chine, des Birmans protestataires et d’autres. Les actes antisémites et anti israéliens sont en forte hausse en Allemagne où le Covid est un accélérateur et ce conflit de même. La France suit le même chemin.

On peut sans doute momentanément se satisfaire de la formule attribuée à feu Golda Meir : Je préfère vos reproches à vos condoléances, mais pour combien de temps encore ?

 

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