Par Catherine DUPEYRON – Les Echos
La date fatidique du 1 er juillet est arrivée. Mais l’annexion de 30 % de la Cisjordanie annoncée pour ce jour semble avortée. Pour le moment. Les Etats-Unis ont freiné le projet de Benyamin Netanyahou et la majorité de la population israélienne s’en désintéresse.
L’accord de coalition entre le Likoud et Bleu-Blanc signé le 20 avril dernier était clair : l’annexion de 30 % de la Cisjordanie pourrait être soumise à un vote du gouvernement dès le 1er juillet. Après des semaines de conjectures sur l’ampleur et les détails de ce projet, il semble que cela n’aura pas lieu, en tout cas pas à cette date. L’information a été donnée par des sources officielles américaines à la presse israélienne. Ainsi, au mieux, Benyamin Netanyahu, devrait, ce mercredi, faire un discours.
Pourquoi cette marche arrière ? Les raisons sont multiples, mais elles plaident toutes pour le report voire le renoncement à cette idée.
D’abord, une partie de l’administration Trump, au premier rang desquels Jared Kushner, est plutôt réservée sur l’annexion unilatérale en dehors de tout processus de négociation sur la création d’un Etat palestinien prévue dans le Plan Trump. « La manière de faire est très importante pour les Etats-Unis, car a fortiori s’il n’est pas réélu », explique un diplomate européen.
Or, lundi, l’Autorité palestinienne est sortie de son refus catégorique du moindre dialogue en écrivant au Quartet (Nations unies, Etats-Unis, Russie, Union européenne), créé en 2002 pour soutenir les négociations israélo-palestiniennes. Dans cette lettre , les Palestiniens indiquent qu’ils sont « prêts à reprendre les pourparlers directs » là où ils s’étaient arrêtés en 2014, qu’ils accepteraient d’avoir « une quantité limitée d’armes » ainsi que de « petits échanges territoriaux, basés sur les frontières » de juin 1967.
Opposition de la Jordanie
Ensuite, plusieurs pays arabes ont averti que l’annexion aurait de graves conséquences. A commencer par la Jordanie, qui a signé un traité de paix avec Israël en 1994 et dont une part importante de la population est palestinienne. Elle serait directement concernée par l’annexion de la vallée du Jourdain. « La Jordanie est très impliquée émotionnellement », remarque Itamar Rabinovich, ancien ambassadeur d’Israël aux Etats-Unis. Pour ce diplomate, mais aussi pour nombre d’anciens officiers israéliens, la Jordanie offre à Israël une profondeur stratégique inestimable bien plus efficace que l’annexion de la vallée du Jourdain. De son côté, Yousef Al Otaiba, ambassadeur des Emirats Arabes Unis aux Etats-Unis a, pour la première fois, publié une lettre ouverte en hébreu dans le « Yediot Aharonot » – premier quotidien israélien – expliquant que la normalisation en cours avec les pays arabes à laquelle Israël « tient profondément […] pourrait être compromise par une décision d’annexer » la Cisjordanie.
Clivage dans les colonies
Par ailleurs, sur le plan intérieur, l’annexion est loin de faire l’unanimité. Les militants de gauche sont bien évidemment contre, mais leur poids sur l’échiquier politique est mineur. En revanche, responsables et habitants des colonies sont partagés entre les « pour » et les « contre ». Les premiers pensent qu’il faut saisir l’occasion unique offerte par le plan Trump. Les autres préfèrent le statu quo plutôt que la création d’un Etat palestinien.
Mais surtout, la grande majorité des Israéliens a la tête ailleurs : 85 % sont inquiets de leur situation économique suite à la pandémie mondiale et 25 % seulement sont satisfaits de la manière dont la crise économique est gérée par Benyamin Netanyahu. Sans compter que l’épidémie de Covid-19 a repris de plus belle dans le pays .
Catherine Dupeyron