Netanyahou parviendra-t-il à former une coalition à l’issue du scrutin ? La campagne est lancée mais les Israéliens ont encore la tête aux vacances.
Drôle d’été israélien ! D’un côté, une population entre vacances low cost et canicule saisonnière ; de l’autre des journalistes, tous médias confondus, à la recherche du scoop ou du scandale susceptible de faire décoller une campagne électorale, qui a des airs de mauvaise série télévisée. Le dernier épisode de cette saison avait pourtant fait l’effet d’un coup de tonnerre : dans l’impossibilité, après le scrutin du 9 avril, de former une coalition gouvernementale, Netanyahou avait préféré dissoudre le Parlement et décider de nouvelles élections, plutôt que de remettre son mandat au chef de l’État.
Depuis, rien d’autre à part la clôture officielle des candidatures. Elle a eu lieu, comme prévu, le 1er août à minuit et a entériné une situation sur laquelle on a beaucoup glosé ces dernières semaines : les alliances entre petits partis, afin d’éviter le gaspillage de voix pour tenter d’inverser le rapport de force lors des négociations pour la mise sur pied d’une coalition.
À droite, l’émergence de « la belle dame » Ayelet Shaked
C’est ainsi qu’à la droite du Likoud, deux listes ont fusionné : la Nouvelle Droite de Naftali Bennet et Ayelet Shaked a rejoint les sionistes religieux de l’Union des partis de droite, dirigés par le rabbin Rafi Peretz (ministre de l’Éducation) et Betzalel Smotrich (ministre des Transports). La seule véritable originalité de cette alliance, platement intitulée la Droite unifiée, tient dans un paradoxe : à sa tête, se trouve une femme, de surcroît non pratiquante, Ayelet Shaked. Tout pour déplaire aux religieux orthodoxes, hormis un élément de poids : sa capacité à attirer beaucoup plus d’électeurs que Naftali Bennet. Celui-ci a cédé la place à la « belle dame », meilleure pourvoyeuse de voix que lui et à nouveau couronnée « star » de la politique locale.
Il faut dire que tous deux reviennent de loin. Anciens dirigeants du Foyer juif, le parti des colons, détenteurs de deux portefeuilles régaliens dans le précédent gouvernement, l’Éducation nationale et la Justice, ils avaient claqué la porte, pour s’en aller fonder la Nouvelle Droite. Un échec retentissant, puisqu’à la surprise générale, ce parti, lors des élections du 9 avril, était resté à la porte de la Knesset, faute d’avoir franchi le seuil d’éligibilité. Mais tel le phénix qui renait de ses cendres, nos deux impétrants ont mis moins de trois mois pour retrouver une place de choix, très à droite bien entendu, sur l’échiquier politique.
Cela dit, si madame Shaked fait venir à elle les électeurs, celui qui semble avoir la haute main sur les choix politiques reste bien Naftali Bennet. Il a refusé l’entrée dans la droite unifiée de deux dirigeants de Otzma Yehoudit (Puissance juive), le parti raciste anti-arabe, héritier du Kach de Meïr Kahana. Désormais, cette liste fait cavalier seul de même que Zeout (Identité), le parti du très messianique Moshe Feïglin, qualifié par certains de libertarien ou d’anarchiste de droite, en raison d’un programme socio-politique totalement indépendant de l’État, mais aussi pour son combat en vue de la légalisation du cannabis. Reste que la désunion ne faisant pas la force, ces deux listes, selon les derniers sondages publiés, sont loin de franchir le seuil d’éligibilité (3,25 %). Pour l’instant, elles sont respectivement créditées de 1,9 % et de 2,2 %. Ce qui équivaut, dans cette proportionnelle intégrale, à 4 mandats perdus.
La gauche toujours divisée
À gauche, on a bien cru que l’entrée en lice d’une nouvelle formation, le Parti démocrate israélien, dirigée par l’ancien Premier ministre Ehoud Barak, qui ne manque pas une occasion de taper sur Netanyahou – dont il a juré la perte –, allait changer la donne et mener à l’instauration d’un vrai bloc comprenant le Parti travailliste, celui d’Ehoud Barak et la petite formation sioniste de gauche, Meretz. On a même parlé d’un éventuel soutien public des quatre partis arabes qui ont retrouvé le chemin de l’unité, perdue lors de la campagne précédente. Rien de tout cela n’a eu lieu.
Finalement, seuls Meretz et le Parti démocrate israélien se sont alliés pour former le Camp démocratique. Amir Peretz, le numéro un travailliste, a préféré l’alliance avec Gesher, droite sociale, de Orly Levy-Abecassis, dans l’idée qu’il pourrait prendre des voix à la droite sépharade modérée ; notamment celle qui, en 2015, avait fait les beaux jours du parti centre droit Koulanou (Tous ensemble), dont le dirigeant est aujourd’hui rentré au bercail, c’est-à-dire au Likoud. Quant à la nouvelle Liste arabe unifiée, elle ne soutient, pour l’heure, personne.
Avigdor Lieberman se rêve en faiseur de rois
Face à ces alliances tactiques – en Israël on préfère dire « techniques » –, qu’en est-il des deux principales formations : Le Likoud de Benjamin Netanyahou et Bleu-Blanc de Benny Gantz ? Selon les sondages publiés ces dernières 24 heures, ils sont pratiquement au coude-à-coude : 30 mandats pour le Likoud, 29 pour Bleu-Blanc. C’est moins bien qu’après les élections du 9 avril où les deux listes étaient arrivées ex æquo, avec 35 mandats chacune. Et surtout, ni monsieur Netanyahou ni monsieur Gantz ne semble en mesure de former une coalition d’au moins 61 députés (sur 120). En fait, le grand trublion depuis le 9 avril dernier – celui que le Premier ministre sortant tient pour responsable de son échec à former un gouvernement – reste Avigdor Lieberman, le président, de IsraëlBeïtenou (Israël, notre foyer). Crédité aujourd’hui de 10 à 11 mandats, soit le double d’il y a 5 mois, il a, jusqu’à présent, gagné son pari : être le seul à décider de l’avenir de la prochaine majorité.
Pour l’heure, il ne cesse de répéter qu’il est en faveur d’un gouvernement d’union nationale comprenant le Likoud, son parti Israël notre foyer et Bleu-Blanc. Très à l’aise, il ne rate aucune occasion de tirer à boulets rouges sur celui dont il fut l’ami, le chef de cabinet et le ministre. Sa dernière sortie : « Est-ce l’âge, la pression, la fatigue, visiblement Netanyahou ne sait plus ce qu’il dit. » Reste que toute sa campagne, auprès de ses électeurs, en majorité russophones, est axée sur la lutte contre la coercition religieuse, sans oublier que, selon lui, il faudrait déclarer la guerre au Hamas et au Hezbollah.
Netanyahou joue la proximité avec Poutine
Face à cela, Benjamin Netanyahou, persuadé qu’il existe un vote russe, est parti en croisade avec une idée en tête : celle de tailler des croupières à son nouvel ennemi, monsieur Lieberman. D’où des interviews à des médias israélo-russes, des rencontres avec des nouveaux immigrants ukrainiens tout juste descendus d’avion, etc. Pour mieux les convaincre, il a même fait déployer de haut en bas du QG du Likoud à Tel-Aviv une grande bannière où on le voit aux côtés de Vladimir Poutine. L’avenir dira si cette nouvelle tactique et les attaques contre Lieberman qualifié – paradoxe ou ironie de l’histoire –, de gauchiste, ont réussi. Pour l’instant, rien ne l’indique.
De fait, à un mois et demi du scrutin, personne, dans le monde des médias, ne se risque à un quelconque pronostic. Pas question de jouer les prophètes ou les devins. Mieux vaut aligner les interrogations : le vote russe existe-t-il ? L’électorat de Bleu-Blanc est-il stable ? Le Parti travailliste va-t-il continuer à faire partie du paysage parlementaire ? Ou bien encore, quel sera le taux de participation de la population arabe d’Israël ? La nouvelle liste unifiée va-t-elle dissiper l’apathie de cet électorat et lui faire retrouver le chemin des urnes ? Une question qui vaut aussi pour l’électorat juif, fatigué par deux scrutins en moins de six mois. En attendant, ce sont les vacances qui font le « buzz ». D’où cette prévision unanimement relayée : à moins d’une grosse surprise, la campagne électorale ne devrait s’emballer qu’à la rentrée, début septembre. D’ici là, tout se passe sur les réseaux sociaux, le point fort du Premier ministre sortant… Benjamin Netanyahou.