Une grave inquiétude en Israël face aux positions américaines sur la Syrie.
Analyse : Les responsables de la défense israélienne sont inquiets, après qu’une délégation de haut-rang envoyée à Washington ne soit pas parvenue à obtenir des garanties quant aux promesses des Américains, que tout accord mettant fin à la guerre en Syrie comprendrait la condition sine qua non de l’évacuation de toutes les forces d’Iran et du Hezbollah du pays. A présent, le seul espoir d’Israël sur cette question réside au Kremlin.
Il y a de graves inquiétudes en Israël, après le retour d’une délégation de responsables de haut-rang de la sécurité et de la défense, envoyés à Washington, qui n’a pas été en mesure d’obtenir des garanties quant à l’engagement des Américains à assurer que tout accord mettant un terme à la guerre en Syrie comprendrait l’évacuation des forces militaires iraniennes, du Hezbollah et des milices chiites du pays.
Au cours de sa visite dans la capitale américaine, la délégation israélienne a rencontré les chefs de file de la communauté américaine du renseignement, du Conseil de Sécurité Nationale et l’envoyé du Président Donald Trump au Moyen-Orient, Jason Greenblatt.
Parmi les membres de la délégation, on trouvait le directeur du Mossad, Yossi Cohen, le chef du Directoire des Renseignements militaires (AMAN), le Général-Major Herzi Halévi, le chef du Bureau des affaires politico-militaires au sein du ministère de la Défense, Zohar Palti (ancien chef des renseignements – le Mossad), l’Ambassadeur d’Israël aux Etats-Unis, Ron Dermer et le conseiller-adjoint à la Sécurité Nationale, Eitan Ben-David.
Les Etats-Unis et la Russie sont actuellement en train de travailler à la formulation d’un accord devant mettre fin aux combats en Syrie. Grâce aux accords russo-américains concernant la coordination militaire entre eux, on observe un déclin dans l’intensité des combats depuis mai dernier. Les services de renseignements israéliens ont apporté des preuves et indicateurs d’un baisse considérable à la fois, dans le nombre de combats livrés et le nombre de pertes humaines, alors que les groupes djihadistes tels que Daesh et l’ex- Front al Nusra paraissent affaiblis. Cette situation, expliquent les responsables des renseignements israéliens, implique qu’il y a de fortes chances que les grandes puissances mondiales puissent aboutir à un accord de statut final.
Les pourparlers entre les responsables israéliens de la défense et leurs homologues américains sont décrites comme détaillées et hautement professionnelles, alors qu’on décrit l’atmosphère comme amicale (Greenblatt a posté une photo des participants, sans cravate ni veston, partageant leur dîner au domicile du conseiller américain à la Sécurité Nationale, Herbert Raymond McMaster.)
En dépit de ces apparences, Israël est toujours fortement préoccupé par la perspective d’un tel accord, puisque les Américains ne se sont pas engagés à exiger l’évacuation des forces iraniennes et du Hezbollah – alliés du Président syrien Bachar El Assad- du pays.
Israël redoute que l’Iran et le Hezbollah exploitent la situation pour transformer la Syrie en Etat sous protection (racket). La principale inquiétude concerne le déploiement de forces iraniennes et du Hezbollah du côté syrien du Golan, sur la frontière avec Israël dans l’espace créé depuis les faubourgs sud de Damas, dans un effort visant à ouvrir un nouveau front contre Israël si et quand éclaterait une guerre totale.
En d’autres termes, la crainte est que le Hezbollah soit en capacité d’activer des méthodes sophistiquées de recueil de renseignements à partir du territoire syrien et d »implanter sur les hauteurs du Golan des systèmes de missiles qui imposeraient des difficultés sérieuses à tous les déploiements israéliens. Au cours des dernières décennies, Israël a combattu deux fois au Liban – d’abord en 1982, puis en 2006 – mais, cette fois,les responsables des renseignements israéliens ont pris pour référence à une telle guerre l’appellation de « la Première guerre du front Nord », fondée sur l’hypothèse qu’une nouvelle guerre dans le nord se déroulerait contre les forces du Hezbollah qui se déploieraient sur toute la frontière nord, à la fois au Liban et en Syrie.
Au cours de leurs rencontres, les membres de la délégation israélienne ont insisté auprès de leurs homologues américains : « Nous nous sommes venus ici afin d’avertir du déploiement des forces du Hezbollah, et des armées iranienne et syrienne et pour expliquer exactement ce qui se passe ici. Sans un changement significatif de votre (celle des Etats-Unis) position, si vous ne vous montrez pas plus impliqués, plus fermes et plus agressifs, vous abandonnerez le Moyen-Orient aux Iraniens sous les auspices de la Russie ».
Les membres de la délégation, qui sont rentrés en Israël au cours de ce week-end, ont fait part d’avoir remarqué « un genre d’embarras et un manque de position claire au sein de cette Administration américaine concernant la nature du futur accord et des désaccords sur ce qui devrait et ne devrait pas être fait en Syrie pour ramener le calme dans la région toute entière. En ce qui les concerne, le dossier est encore grand ouvert ».
Les responsables israéliens sont préoccupés par le fait qu’à cause des problèmes intérieurs qui assaillent le Président Trump et de la crise avec la Corée du Nord, les Etats-Unis puissent décider de ne pas oser trop montrer les muscles en Syrie, qu’ils abandonnent le pays à la merci de la Russie, du régime Assadf, de l’Iran et du Hezbollah.
Israël prévoit d’envoyer une délégation similaire au Kremlin , dans un effort pour convaincre le Président russe Poutine qu’il doit stopper la propagation de l’influence iranienne en Syrie dans le cadre de l’accord à venir.
Depuis des années maintenant, le Hezbollah travaille afin de sauver le régime Assad, qui fait partie du nœud gordien entre le président syrien, l’organisation chiite basée au Liban et l’Iran. Le Hezbollah a subi des pertes énormes du fait de son implication. Selon le dernier décompte établi en Israël, le groupe terroriste a subi 1800 tués et 5000 blessés, un fait numérique qui porte un coup sévère au moral et à la motivation des jeunes Chiites à intégrer les rangs de cette milice [d’où le surnombre, également, des milices irako-pakistano-afghanes chiites, comme chair à canon, en renfort du groupe terroriste libanais].
Les évaluations des renseignements israéliens concluent que, du point de vue du Hezbollah, s’il peut réussir à assurer une tête de pont en Syrie et y établir un réseau de fortifications et des bases de renseignements le long de la frontière syrienne avec Israël, sur les Hauteurs du Golan, cela lui servirait de sorte de « compensation » pour les pertes subies dans le pays.
A présent, les forces militaires iraniennes déployées à travers la Syrie comportent 500 soldats iraniens, quelques 5.000 combattants du Hezbollah et plusieurs milliers de membres des milices chiites venues d’Afghanistan, du Pakistan et d’Irak. Ces forces opèrent comme partie intégrante du corps expéditionnaire spécial du Corps des Gardiens de la Révolution iranienne qui a été constitué pour combattre en Syrie. Ce corps est sous le commandement de la Force d’élite Al Quds, responsable des opérations du CGRI à l’étranger.
Le Commandant omnipotent de la Force Al Quds, Qasem Soleimani, passe énormément de son temps en Syrie et considère que l’accroissement de l’influence iranienne dans ce pays est sa mission fondamentale. Ces temps-ci, il travaille à un projet spécial : construire un terminal séparé et réservé à l’Iran et au Hezbollah dans le port de Tartous.
D’après les évaluations israéliennes, la force et l’influence de l’Iran et de ses alliés chiites en Syrie augmenterait de façon exponentielle si les Etats-Unis et la Russie échouaient à faire quoi que ce soit pour mettre un terme à la présence iranienne dans le pays. Le Hezbollah, pendant ce temps, a déjà commencé à créer une infrastructure vouée au recueil de renseignements sur le Golan.
Les opérations en Syrie ont été en cours depuis le début 2016, par une coordination entre Soleimani et Mustafa Badreddine, le beau-frère et successeur de l’ancien archi-terroriste et chef d’Etat-Major du Hezbollah, Imad Moughniyeh, qui a été « remercié » par le Mossad à Damas, le 12 février 2008, par l’explosion de son appui-tête, au moment de prendre le volant de sa Toyota Pajero, en sortant d’une soirée officielle à l’Ambassade d’Iran.
Un bastion séparé a été bâti non loin de l’Aéroport International de Damas. Il est lourdement gardé et sert de quartiers-généraux des renseignements de l’Iran et du Hezbollah.
Badreddine était un archi-terroriste audacieux, sauvage et extrémiste, dont la fidélité au Hezbollah n’a jamais été prise en défaut. Mais, il aimait se livrer aux plaisirs et à une vie luxueuse et, par conséquent, il a acquis des propriétés et fait commerce de l’or et des pierres précieuses. Il s’est rapidement frayé un chemin vers les plus hauts sommets de la liste des individus terroristes les plus recherchés par la Cour pénale internationale, qui a été formée pour inculper les accusés dans l’assassinat de dirigeant sunnite Rafic Baha El Deen Al Hariri.
Badreddine a aussi commencé à opérer en Syrie sans coordination avec ni approbation des Iraniens. En outre, il suggérait même un certain nombre d’idées qui étaient considérées comme extrémistes, même selon les critères de l’Iran. Au fil du temps, son empire de propriétés a commencé à décliner et son problèmes n’ont fait que s’accumuler. Le 13 mai, Qassem Soleimani l’a rencontré une dernière fois dans le bastion à l’écart de l’aéroport. Peu de temps après, Badreddine a été retrouvé avec plusieurs balles dans la tête, vraisemblablement exécuté sur ordre par un garde du corps.
Soleimani et Hassan Nasrallah ont réalisé qu’on ne pouvait plus faire confiance à leur principal commandant de terrain et, craignant qu’il ne parle devant le Tribunal de la Haye, ont constaté qu’il était préférable de le retirer de la circulation de façon permanente et définitive. Badreddine étant, à présent, complètement effacé du tableau, la place était faite pour l’ascension de son adjoint, Talal Hamiyah.
A la lumière du bredouillage des Américains, les responsables israéliens ont clairement fait comprendre, cette semaine, que « Israël,en tout état de cause, maintient au-dessus de tout, son droit de se défendre ».
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