SELON (1) : « La Commission avait annoncé il y a dix jours que l’entreprise américaine contrôlée par Elon Musk se retirait de ce code, lancé en 2018 et basé sur le volontariat, qui contient une quarantaine d’engagements visant notamment à mieux coopérer avec les « fact-checkeurs » et à priver de publicité les sites diffusant des infox.
Au-delà des engagements déjà pris, la lutte contre la désinformation deviendra une obligation légale dans le cadre du DSA (le règlement européen sur les services numériques) qui doit entrer en vigueur le 25 août.
Si Twitter « veut opérer et gagner de l’argent sur le marché européen, il devra se conformer à la loi sur les services numériques », a ainsi martelé Vera Jourova.
En cas de non-respect de cette nouvelle législation, les entreprises récalcitrantes risquent une amende pouvant aller jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires global.
La décision de Twitter n’est pas une surprise pour Bruxelles : depuis son rachat du réseau social en octobre, le milliardaire Elon Musk a considérablement assoupli les règles destinées à protéger les utilisateurs de la désinformation et a réactivé les comptes de personnalités bannies, dont des figures des mouvances complotistes et néonazies, au nom de la liberté d’expression.
Une politique de modération a minima qui créée des turbulences au sein de la direction du réseau à l’oiseau bleu. Au début du mois, la responsable de l’équipe « confiance et sécurité » de Twitter, Ella Irwin, qui supervisait les politiques de modération, a annoncé sa démission.
La volte-face de YouTube
Mais la désinformation ne gagne pas du terrain que sur Twitter. La plateforme vidéo YouTube a indiqué, le 2 juin, qu’elle cessait d’appliquer la suppression automatique des contenus affirmant que l’élection présidentielle américaine de 2020 aux États-Unis avait été marquée par des irrégularités ou truquée pour empêcher la réélection de Donald Trump.
Aux États-Unis, cette décision de supprimer un règlement mis en place en décembre 2020 inquiète plusieurs associations de lutte contre les « fake news ». « YouTube et d’autres plateformes ont affaibli leur politique de lutte contre la désinformation, comme si une tentative d’insurrection ne suffisait pas. Voici qu’elles préparent le terrain pour la prochaine », déplore dans un communiqué l’ONG Media Matters for America en référence à l’attaque du Capitole le 6 janvier 2021 par des partisans de Donald Trump.
De son côté, YouTube justifie sa volte-face par le contexte politique lié au début de la campagne électorale pour la présidentielle de 2024. « La capacité à débattre de façon libre d’idées politiques, même celles qui sont controversées ou basées sur des hypothèses fausses, est essentielle au fonctionnement d’une société démocratique, en particulier en pleine période électorale », a ainsi argumenté la plateforme.
Un point de vue que le réseau social Instagram a également fait sien en réactivant le compte de Robert F. Kennedy Jr, champion de la diffusion de fausses informations sur le Covid-19, qui a annoncé en avril sa candidature à l’investiture démocrate.
« Maintenant qu’il est un candidat actif à la présidence des États-Unis, nous avons rétabli l’accès au compte Instagram de Robert F. Kennedy Jr », a précisé Andy Stone, porte-parole d’Instagram et de Facebook, auprès du Washington Post.
Statu quo confirmé par la Cour suprême
Après ces reculs en série de la modération en ligne, le clan conservateur jubile aux États-Unis et applaudit l’offensive libertarienne d’Elon Musk qui, selon certaines figures de l’ultradroite, a influencé les autres réseaux sociaux.
« Twitter est en train de faire bouger les choses et oblige les autres plateformes à se convertir à la liberté d’expression », veut croire l’influenceur d’extrême droite ALX.
Dès janvier 2022, la plateforme à l’oiseau bleu avait indiqué qu’elle ne prendrait plus aucune mesure contre les fausses informations liées à l’élection américaine remportée par Joe Biden.
La question de la régulation des réseaux sociaux est un sujet récurrent de conflit entre démocrates et républicains, les premiers poussant pour un contrôle accru des contenus en ligne, les seconds plaidant au contraire pour une liberté d’expression absolue.
Le 18 mai, la Cour suprême américaine a refusé de restreindre la liberté d’expression en ligne, confirmant que les plateformes ne sont pas responsables des messages postés par leurs utilisateurs. L’instance avait été saisie par des proches de deux victimes d’attentats islamistes commis dans une discothèque d’Istanbul en 2017 et à Paris en novembre 2015. Dans ces deux affaires distinctes, les plaignants estimaient que Google et Twitter n’avaient pas suffisamment agi pour limiter la diffusion de la propagande de l’organisation État islamique.
Un maintien du statu quo salué par la firme de Mountain View et les associations de défense des libertés civiles. « Nous continuerons à travailler à préserver un espace de liberté d’expression en ligne, à combattre les contenus dangereux et à soutenir les entrepreneurs et les créateurs qui tirent profit d’Internet », avait déclaré Halimah DeLaine Prado, responsable de l’équipe juridique de Google.
Si cette décision constitue une victoire de taille pour l’industrie numérique, le débat sur la responsabilité des contenus hébergés par les plateformes est loin d’être clos aux États-Unis. Pour les partisans d’une plus grande régulation, l’Europe sert à nouveau de source d’inspiration avec son DSA, règlement contraignant pour les géants du net et dont l’UE veut faire un standard mondial.