Israël et l’Ukraine discutent des systèmes de défense aérienne après les frappes de drones
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères a déclaré avoir parlé au Premier ministre israélien des destructions « causées par les missiles russes et les drones de fabrication iranienne ».
Des responsables ukrainiens et israéliens se sont entretenus de la demande de Kiev demandant à Israël de fournir une assistance en matière de défense aérienne, quelques jours après que la Russie aurait déployé des drones « kamikazes » iraniens dans le cadre d’une nouvelle vague de raids aériens sur le pays déchiré par la guerre.
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a déclaré jeudi qu’il avait parlé au téléphone avec le Premier ministre israélien Yair Lapid et « discuté en détail » de la fourniture de systèmes et de technologies de défense aérienne et antimissile.
« Je l’ai informé des souffrances indicibles, des pertes en vies humaines et des destructions causées par les missiles russes et les drones de fabrication iranienne », a-t-il tweeté.
Le bureau de Lapid a déclaré jeudi dans un communiqué que le Premier ministre israélien avait exprimé sa « profonde inquiétude » concernant les liens militaires entre la Russie et l’Iran, son ennemi juré.
L’Ukraine a accusé cette semaine la Russie d’avoir utilisé quatre drones de fabrication iranienne pour bombarder Kiev et a déclaré que ses défenses aériennes avaient abattu 223 drones iraniens depuis la mi-septembre.
Le Kremlin a déclaré qu’il n’avait aucune connaissance de son armée utilisant des drones iraniens en Ukraine et Téhéran a déclaré que les affirmations selon lesquelles il fournissait des armes à la Russie étaient « sans fondement ».
Les pays de l’Union européenne, cependant, ont déclaré avoir trouvé des preuves à l’appui de l’affirmation de Kiev et ont adopté jeudi des sanctions contre l’Iran pour sa fourniture de drones à la Russie.
L’appel téléphonique entre Kuleba et Lapid est intervenu deux jours après que l’Ukraine a intensifié ses appels à l’aide israélienne avec des systèmes de défense aérienne pour intercepter les drones et les missiles balistiques iraniens.
Dans la demande, l’Ukraine a également exigé qu’Israël forme ses forces à l’exploitation des systèmes, a rapporté Axios.
Israël a suivi une ligne diplomatique délicate depuis le début de l’invasion russe fin février, cherchant à préserver les liens avec Moscou.
Tout en condamnant la décision de la Russie, elle a limité son aide à l’aide humanitaire, invoquant le désir d’assurer le bien-être des Juifs de Russie et de poursuivre la coopération avec Moscou sur la Syrie voisine ravagée par la guerre.
Mercredi, le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a réitéré la position de Tel-Aviv selon laquelle il ne vendrait pas de systèmes d’armes à l’Ukraine.
Selon une déclaration de son bureau, Gantz avait cependant demandé à l’Ukraine « de partager des informations sur ses besoins en matière d’alertes de défense aérienne ».
Israël serait en mesure « d’aider au développement d’un système civil d’alerte rapide qui sauverait des vies », indique le communiqué. L’ambassadeur d’Ukraine avait demandé des systèmes qui abattraient les drones à la place.
La Russie a averti lundi qu’une décision israélienne de renforcer les forces de Kiev nuirait gravement aux relations entre Moscou et Tel-Aviv.
Si l’Iran est au côté de la Russie, Israël va-t-il sortir de sa neutralité ?
Alors qu’en Ukraine l’utilisation massive de “drones suicides” achetés à l’Iran par l’armée russe ne fait plus aucun doute, la presse israélienne s’interroge : Israël, ennemi juré de Téhéran, doit-il ou pas s’impliquer aux côtés de Kiev ?
Depuis dix jours, plusieurs métropoles ukrainiennes, dont la capitale, Kiev, sont frappées par des “drones suicides” Shahed-136, vraisemblablement vendus par l’Iran à la Russie – bien que Téhéran démente. Si leur impact stratégique reste limité, ces drones contribuent néanmoins à entretenir un sentiment de terreur dans la population civile, ce qui pourrait inverser le cours des événements en Ukraine.
Jusqu’à présent, Israël “s’était efforcé de maintenir une forme d’équidistance entre Kiev et Moscou”, mais il doit désormais “réagir à une requête officielle adressée le 18 octobre par le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kuleba, écrit Liza Rozovsky dans le quotidien israélien Haaretz. Son objet : “La livraison à l’Ukraine d’une version du système de défense antiaérien israélien Kippat Barzel [‘Dôme de fer’]”.
Pour l’instant, le gouvernement israélien s’en tient à une ligne privilégiant une aide humanitaire à un appui militaire, explique Lahav Harkov dans The Jerusalem Post.
“Israël, qui a certes condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie et vote systématiquement à l’ONU contre l’offensive de Moscou, s’efforce de s’en tenir à une aide humanitaire, même si, selon certaines sources anonymes israéliennes, il aiderait néanmoins Kiev en lui fournissant des renseignements sur les mouvements de troupes russes.”
Pour Israël, sortir du ni ni… ou pas
Si Israël freine toujours des quatre fers devant tout scénario d’implication militaire, c’est qu’il craint des mesures de rétorsion russes au Moyen-Orient, c’est-à-dire sur les fronts syrien et iranien.
Dans Yediot A’haronot, le chroniqueur militaire Ron Ben Yishaï s’interroge sur les conséquences de ce “ni ni” israélien pour la sécurité de l’État, qui considère l’Iran comme son principal ennemi. “Après les drones suicides iraniens Shahed-136, l’Iran est manifestement sur le point de vendre à la Russie des missiles sol-sol”, prévient-il.
“Si on le laisse faire, Téhéran pourra continuer de transformer l’Ukraine en terrain d’expérimentation pour ses armements, en tirer les leçons et renforcer sa capacité de dissuasion face à Israël en Syrie et en Iran.”
En même temps, ne pas soutenir militairement l’Ukraine peut s’avérer une position prudente, vu les menaces lancées récemment par Dmitri Medvedev, ancien président russe et désormais vice-président du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie. Ce dernier a en effet “menacé Israël d’une rupture des relations diplomatiques et de représailles immédiates sur le front syrien en cas d’ingérence militaire en Ukraine”, relève Ron Ben Yishaï.
Sans compter qu’“une implication israélienne en Ukraine permettrait à l’Iran de tester ‘par procuration’ les capacités militaires de Jérusalem, ce qui ne serait pas moins terrifiant que la menace nucléaire iranienne, une menace malheureusement passée aux oubliettes et que même les États-Unis semblent perdre de vue”.
Un équilibre délicat
Dès lors, que faire ? Selon Yaniv Kubovich dans Haaretz, “les responsables militaires israéliens, unanimement opposés à toute implication militaire en Ukraine, tentent de trouver un équilibre entre ingérence et non-ingérence”.
“Le plus probable est qu’Israël vendra à Kiev des systèmes d’alerte antiaériens permettant aux civils de se protéger tout en garantissant la mobilité de l’armée ukrainienne. Sans plus, Israël se gardant de toute ouverture d’un nouveau front face à l’Iran. Et à la Russie.”
JForum.fr & Courrier International