Israël : Embrouillamini entre le droit commun et le droit de la guerre

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Par Yeoshoua Sultan 

La confusion entre le droit de la guerre et le droit commun force à prendre des hommes engagés dans la défense de leurs populations pour de vils criminels.

Cette approche, qui dérive d’un tissu de préjugés, peut avoir été inspirée par la représentation cinématographique du Far West. Ceci est tout de même curieux, sachant que les films de type western ont depuis longtemps déserté les écrans.

Un réserviste sorti de l’ombre dont les interventions sont devenues virales disait dernièrement :

« Pulvériser tout terroriste se trouvant devant moi, à Gaza ou ailleurs, armé jusqu’aux dents et bien décidé à me nuire, ne me pose aucun problème »1.

Nous sommes tellement endormis que nous admirons sans réserve son courage et sa détermination.

Mais, mais… Un instant, M. le justicier, qu’est-ce à dire ?

Et si le terroriste n’est pas armé, est-ce que vous allez, chevaleresque comme vous l’êtes, lui donner l’occasion d’aller chercher des armes, voire lui en fournir ? Ou alors, jetteriez-vous votre arme pour tenter loyalement de le finir loyalement à coups de poings, le cas échéant, comme dans ces bons films où c’est toujours le héros qui gagne, ce qui rend le public prêt à endurer l’indispensable suspens préalable au succès ?

Nous l’avons compris, notre observateur montre tous les signes d’un sujet convaincu d’évoluer dans un cadre géré par les principes du droit commun (ce qui est dans la vie concrète pur paradoxe, vu que, dans le civil, les règlements de comptes s’opèrent généralement par surprise, quand la personne ciblée est tranquillement assise au café, entre autres).

En d’autres termes, il ne peut envisager l’élimination de ce terroriste sans se trouver lui-même dans une position de légitime défense.

Ou alors, il faudra essayer de le prendre vivant, afin de lui offrir un procès équitable, quitte à y rester ; et c’est bien ce que défend la catégorie socioprofessionnelle des juges bien abrités, quant à eux, pas nécessairement en manque de travail, mais par déformation forgée par leur métier. Et c’est exactement ce que prône le principe inadéquat de la pureté de l’arme, supposée faire de Tsahal l’armée la plus morale du monde.

En réalité, cette approche est immorale. Car elle met sur un pied d’égalité le soldat qui se mobilise et la masse d’assassins assoiffés de sang qu’il faut juguler.

Il risque sa vie pour défendre son pays et éviter qu’un déferlement qui n’épargne aucune vie ne prenne en otage des innocents avant de les démembrer dans un sous-sol. Il laisse femme et enfants en bas-âge, mais son gouvernement et son armée exigent que ses chances de survie, ou de réussite dans sa mission, ne soient pas avantagées, disproportionnées, face à l’ennemi qu’il est parti combattre.

Cette attitude déteint sur les soldats, soit parce qu’ils sentent que ceux qui les envoient ne sont pas solidaires, soit parce qu’ils tentent d’adopter eux-mêmes ces principes de loyauté de bas étage.

Il ressort des premiers témoignages de l’invasion du 7 octobre, que certains de nos soldats se sont abstenus de tirer sur ce déferlement parce que tous les envahisseurs n’étaient pas armés. Or, pendant que les terroristes armés tiraient, les autres raflaient de leurs lits hommes, femmes et enfants juifs dont cette même civilisation qui ne se soucia pas du devenir des victimes de la rafle du Vél’ d’Hiv, ne se soucie pas plus aujourd’hui d’autres Juifs raflés à 6 heures du matin pendant leur sommeil.

Des règles de la guerre

Quand deux pays – ou deux groupes positionnés sur deux territoires distincts, contigus ou éloignés – sont en guerre, ils ne se limitent pas à être respectivement en guerre contre l’armée de l’autre. L’armée n’est autre que le moyen d’attaque ou de défense de chacun des deux camps.

Ce qui veut dire que le vainqueur, après avoir surmonté l’obstacle présenté par l’armée du vaincu, investira son territoire. En ce qui concerne le reste de la population, il optera en général pour l’une des trois options suivantes, comme en atteste assez largement l’histoire des guerres et des invasions, pour ceux qui n’auront pas été tués :

– il en fera des captifs qu’il pourra déplacer ailleurs,

– des fugitifs qui sauveront leur peau en s’éloignant le plus loin possible pour devenir momentanément des réfugiés avant de s’intégrer ailleurs,

– ou alors il en fera ses citoyens, en imposant son culte, sa langue et ses lois.

Si le vainqueur présumé devient inactif trop tôt, une fois la force armée ennemie défaite, ne sachant que faire (puisqu’il pense que le problème n’est pas l’ennemi en général mais juste son armée), alors la guerre ne sera pas achevée, et l’ennemi aura tout le loisir de rassembler de nouvelles forces, de l’intérieur ou via des renforts, pour tenter une contre-offensive ou tout simplement pour rendre amère la vie de l’hésitant par guérilla ou guerre d’usure.

Huit soldats sont tombés hier à Rafah, alors que la place avait déjà été investie par Israël, dont le gouvernement a cru qu’il pouvait se contenter du constat que l’armée terroriste n’offrait plus de résistance, et s’abstenir de sécuriser le terrain. Deux d’entre eux sont originaires de la communauté de Beth-El, Alon Weiss, et Chalom Menahem.

Le monde occidental l’a bien compris, mais ses diverses classes dirigeantes sont revenues à leurs vieilles traditions antisémites. L’antisémitisme donne dans la nuance, dans le raffiné.

Plus finement, l’Europe est extrêmement vigilante quant à la réémergence d’un antisémitisme devenu presque hypothétique de ses diverses extrêmes-droites, néonazies et autres – à tel point que rien que l’appellation extrême-droite provoque un réflexe d’extrême vigilance – mais elle est très ouverte à la cause antisémite de substitution, celle qui délégitime le Palestinien d’origine, le Juif, au profit d’un produit nouveau qui n’a d’ailleurs aucune caractéristique qui le lierait intrinsèquement à cette terre et qui n’est, comme tout un chacun peut le voir, qu’un groupe arabisant musulman comme tant d’autres, dont la seule particularité est de se trouver à l’instant T sur la terre d’Israël.

La guerre doit pouvoir obéir à différentes stratégies, dont l’effet de surprise, qui n’a rien de la logique ou d’une loyauté bonnes pour des westerns. YS

Yeoshoua Sultan, Vu sous cet angle


1 Voir l’entretien avec Daniel Dushy, Israélien typique, moderne, imbibé de conceptions libérales, de différenciation artificielle entre les différents éléments d’une population ennemie, comme si l’ennemi se résumait à sa seule faction armée, comme nous l’expliquons plus loin en ces lignes.

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