L’affaire des bipeurs est en fait un drame mortel pour le Hezbollah. Comme nous l’avons rapporté dans notre article « Comment Nasrallah a payé à BAC (société israélienne) les bipeurs », depuis les années 2020, Israël est entré au cœur du Hezbollah. Sous couvert d’une société écran BAC entre autres, Israël a vendu à Nasrallah contre monnaie sonnante et trébuchante, les armes qui seront les outils de sa propre mort, à savoir des bipeurs, des talkies-walkies, des ordinateurs.
Quand Israël procède à une attaque préventive et détruit 6000 rampes de lancement, c’est que les bipeurs se sont mis en marche d’un seul coup et leur localisation a permis cette action hautement destructrice, grâce à la localisation des bipeurs.
On peut sans se tromper, puisque l’ambassadeur iranien au Liban en était doté, qu’Ismaël Haniyeh l’était aussi. On connait les conséquences pour lui et le N°2 du Hezbollah Fouad Shukr parti en fumée, alors qu’il était au cœur du bastion du Hezbollah.
Quand Israël dit qu’il sait où se trouve Nasrallah, c’est que les bipeurs ont permis sa localisation. En résumé le Hezbollah est « à poil » devant le renseignement israélien. On présume que partant de là le renseignement israélien en sait énormément, surtout quand on voit que les messages qui ont fait exploser les bipeurs venaient de la centrale du Hezbollah.
Nasrallah peut aboyer tant qu’il veut, il a perdu en moins d’une dizaine de minutes plus de 3.000 de ses cadres, morts ou blessés. Ceci va en refroidir beaucoup d’autres.
Israël a dû sentir que l’affaire des bipeurs allait être découverte, et avant qu’ils ne soient détruits, a dû les faire sauter. Mais il n’en demeure pas moins que pendant près de 2 ans ils ont été largement utiles, et que d’autres moyens sont sans doute encore en action.
« C’est l’opération sécuritaire la plus grande de l’histoire. » C’est ainsi qu’un ancien officier de l’armée libanaise a qualifié, sous le couvert de l’anonymat, la série des explosions simultanées de bipeurs et de talkies-walkies utilisés par des membres du Hezbollah les 17 et 18 septembre, suite à un probable sabotage israélien. Il n’y a plus lieu de le dire : cette attaque surprise est certainement l’un des coups les plus durs encaissés par la milice chiite. Cette opération inédite en deux vagues intervient après une longue série d’opérations ciblées sur des commandants et des dirigeants du parti, éliminés lors de cette guerre et même avant. Mais ce dernier camouflet prend une dimension tout autre. Et pour cause : il cible le réseau de télécommunications du Hezbollah, incontournable pour tout mouvement ou opération militaire, surtout en temps de guerre, et que la milice a longtemps défendu bec et ongles, même contre l’État libanais.
On se souvient du coup de force de mai 2008, quand le gouvernement de Fouad Siniora a tenté d’amputer le Hezbollah de son réseau de télécoms parallèle. À l’époque, le cabinet venait de découvrir l’édification par la milice de cette ligne discrète. En réaction, des combattants du Hezbollah et de milices alliées ont envahi les quartiers de Beyrouth-Ouest, ainsi que de la montagne druze, contraignant l’État libanais à reculer. Hassan Nasrallah avait estimé que cette démarche était une « déclaration de guerre ». Des affrontements sanglants avaient éclaté entre la milice chiite et les proches de la majorité en place.
Seize ans plus tard, et en pleine guerre contre un ennemi disposant d’une supériorité technologique incontestée, le Hezbollah a dû recourir à des moyens de communication très primitifs, tels que le bipeur, espérant se protéger des tentatives d’infiltration et surtout des opérations d’assassinat. Il s’agit d’un système de radiomessagerie utilisé par des membres de la milice et des combattants pour éviter d’avoir recours aux téléphones mobiles, le réseau libanais pouvant facilement être infiltré par l’État hébreu. Les bipeurs, dont un certain nombre provenait d’une cargaison d’un nouveau modèle importé, servent « à appeler les combattants au front, demander à des cadres administratifs ou des personnels de santé de rejoindre leur poste, mais également avertir du survol d’un drone israélien », explique une source de sécurité à l’AFP. L’armée israélienne avait d’ailleurs, selon nos informations, pris soin d’éliminer, dès janvier, deux grands experts en technologie du parti : Ali Hodroj et Mohammad Baker Diab.
« Cela fait des années, depuis l’expérience de la guerre de 2006, qu’Israël se prépare pour tenter de prendre le dessus, en misant principalement sur ce secteur, où le Hezbollah ne peut absolument pas le concurrencer », commente Ali el-Amine, analyste réputé hostile au Hezb.
Mais les plans du Hezbollah ont étés chamboulés ces deux derniers jours, quand des milliers d’appareils bipeurs et de talkies-walkies ont été transformés en engins explosifs ambulants, laissant la milice dans une position encore plus difficile. « Alors que Hassan Nasrallah (le chef du Hezbollah) espérait aveugler l’ennemi, c’est l’État hébreu qui a fini par rendre “sourd” le Hezbollah en le privant de moyens de communication », lâche l’ancien officier précité. Une source proche de la milice, citée par l’AFP, souligne qu’il s’agit « du plus gros coup jamais porté à la formation » par Israël. Selon des informations concordantes obtenues par l’OLJ, confirmées par une source sécuritaire, seul un lot de 3.000 bipeurs a été distribué au personnel du parti. « Les autres membres continuent d’utiliser le vieux modèle », précise la source sécuritaire.
Que reste-t-il au Hezbollah comme moyens pour poursuivre le combat en cours ?
Son réseau de télécoms parallèle, qui a fini par être édifié, semble être l’unique moyen sur lequel peut encore tabler la milice chiite. Il s’agit, explique l’officier à la retraite Hicham Jaber, d’« un réseau interne de télécoms », parallèle au réseau officiel libanais de téléphone fixe, « qu’il emploie pour ses communications entre les régions et avec ses chefs ». « À moins qu’il n’ait d’autres moyens de communication dont personne n’est au courant », remarque Ali el-Amine.
Selon des sources concordantes, ce réseau parallèle est toujours opérationnel. D’après une source sécuritaire, « il a été mis hors de fonction dès l’annonce des premières explosions de bipeurs. Preuve en est, le fait que le Hezbollah n’a lancé aucun missile mardi soir en direction d’Israël ». Si les opérations ont toutefois repris mercredi, le parti reste toujours affaibli.
« C’est, sans aucun doute, un véritable camouflet essuyé par le Hezbollah, non seulement sur le plan logistique mais également moral et de son prestige », commente Joseph Bahout, directeur du centre de recherche Issam Farès de l’Université américaine de Beyrouth. « D’ailleurs, il faut aussi voir si, après ce coup, le parti pourra faire face à l’éventuelle grande opération militaire israélienne qui pourrait suivre, au niveau de la communication », ajoute M. Bahout. D’autant que même le réseau privé de télécoms du Hezbollah « serait également infiltré », à en croire une source sécuritaire.
Autant de handicaps que la milice, quand bien même fragilisée à l’extrême, pourrait cependant dépasser, prédisent certains analystes. « Israël a certes paralysé l’action de plusieurs combattants, même si certains d’entre eux utilisent encore les vieux modèles. Ce coup aura des répercussions énormes sur le parti, mais celui-ci pourra, sur le moyen terme, recouvrer sa puissance », décrypte Nicholas Blanford, un expert du Hezbollah à l’Atlantic Council. Dans un post sur le réseau social X, l’expert militaire et vétéran de guerre Elijah Magnier relativise les effets des dégâts portés au système de communication du parti. « Quatre-vingt-dix pour cent du réseau de communication du Hezbollah est câblé. Dix pour cent de ce réseau, dont seule une proportion de deux pour cent a été corrompue, fonctionne sans fil. Par conséquent le commandement et le contrôle des opérations du Hezbollah n’ont pas été affectés. » Selon Mohammad Obeid, un analyste proche de Haret Hreik, « les combattants du Hezbollah sont toujours déployés au Liban-Sud. Le crime d’Israël a été commis principalement contre des civils ».
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