L’Etat hébreu, qui fête le 70ème anniversaire de son indépendance, allie croissance et plein emploi. Mais c’est aussi l’un des pays de l’OCDE affichant les plus fortes disparités sociales.
Des résultats remarquables sur le plan macro-économique et de piètres performances en termes de disparités de revenus. Ce n’est pas la première fois que l’Etat hébreu reçoit un bulletin de notes aussi contrasté de la part de l’OCDE.
« Votre plus grand défi des années à venir sera de trouver le moyen de préserver la solidarité sociale », a prévenu mi-mars à Jérusalem, Alvaro Pereira, l’économiste en chef du club des économies les plus développées, lors de la présentation de son rapport annuel.
Un pays « incapable d’enrayer la pauvreté »
Mais à l’heure où Israël, dont la population avoisine les 9 millions d’habitants, s’apprête à fêter le soixante-dixième anniversaire de sa naissance, jeudi 19 avril (Ndlr : à la date hébraïque, et le 14 mai, d’après le calendrier grégorien), cet avertissement autour du caractère « bipolaire » de l’économie, n’a pas manqué d’être relayé au plus haut niveau de l’Etat.
« Comment se fait-il que notre pays soit d’un côté capable de briller autant, notamment dans le secteur des hautes technologies, et de l’autre incapable d’enrayer la pauvreté ou même d’améliorer le sort de l’Israélien moyen ? », a tancé le président de l’Etat hébreu, Reuven Rivlin, mardi 20 mars, lors d’une convention économique dédiée aux 70 ans de l’économie, réunissant, à Tel-Aviv, la fine fleur du monde des affaires du pays. Au risque de jouer les trouble-fêtes.
Des failles dans le business modèle
Il est vrai que le décalage est frappant. Depuis quinze ans, Israël aligne des indicateurs à faire pâlir d’envie les économies occidentales. Le pays a connu une croissance ininterrompue de son PIB, de 3,3% en moyenne, qui devrait atteindre 3,5% sur l’année en cours, et bénéficier d’un coup de pouce supplémentaire à partir de la fin 2019, lorsque démarreront les exportations de gaz naturel provenant de son immense gisement Leviathan.
En outre Israël, dont l’OCDE a également loué la discipline budgétaire et fiscale, se présente comme une économie largement exportatrice, malgré un shekel fort, et de plein emploi, avec un taux de chômage inférieur à 4%.
De nombreuses failles
Seulement voilà, ce modèle de business est traversé de nombreuses lignes de faille. Premier défi majeur : un taux de pauvreté (18% de la population) et des inégalités sociales difficiles à résorber. Les revenus des couches les plus modestes ont certes eu tendance à augmenter ces dernières années. Cependant, la part des salariés les plus pauvres s’est également accrue.
Traditionnellement à l’écart du marché du travail, les femmes arabes et les hommes juifs ultra-orthodoxes ont commencé à s’intégrer à la population active, mais à des postes faiblement rémunérés. Une tendance préoccupante sur le long terme puisque les Arabes-Israéliens et les ultra-religieux, des foyers à familles nombreuses, devraient représenter la moitié de la population israélienne à l’horizon 2059.
Autre indice préoccupant : le fait que le salaire médian israélien se situe dans une fourchette de 65 à 70% du salaire moyen, soit l’un des écarts les plus importants de l’OCDE. Et ce alors que le coût de la vie demeure relativement élevé (avec des prix de 10 à 15% supérieurs à la moyenne des pays membres de l’Ocde), malgré les réformes engagées dans ce domaine depuis la révolte des indignés survenue à l’été 2011.
Retards dans les infrastructures
Enfin, le retard affiché matière d’infrastructures fait partie des gros points noirs. Le FMI vient ainsi d’exhorter Israël à tirer parti de ses bonnes performances économiques pour injecter des moyens dans ce secteur , « après dix ans d’investissements insuffisants ». Avec 2.800 véhicules par kilomètre, l’Etat hébreu est l’un des pays dont les routes sont les plus embouteillées de l’OCDE (moins de 700 voitures/km en moyenne), et pâtit d’un système de transports publics déficient qui pénalise ceux qui habitent en périphérie…
En attendant que les efforts initiés se concrétisent, au travers par exemple de l’arrivée du train à grande vitesse reliant Jérusalem à Tel-Aviv annoncée pour la fin 2018 après maints retards, le principal débat économique porte sur l’utilisation des ressources engrangées pendant les années de vaches grasses.
Nouvelles réductions d’impôts ?
D’un côté, le ministre des Finances, Moshé Kahlon, leader du parti de centre droit Koulanu, plaide pour de nouvelles réductions d’impôts, cadeau qu’il voudrait faire au pays pour ses 70 ans. De l’autre, Karnit Flug qui occupe le poste de gouverneur de la Banque d’Israël depuis près de quatre ans, désapprouve une telle mesure, arguant que le pays doit être prêt en cas de retournement de conjoncture. Une opposition qui a eu le don d’exaspérer le Trésor, au point qu’un avis de recherche pour prendre les rênes de la banque centrale, à l’automne prochain serait dans les tuyaux…
Source www.lesechos.fr