Iran: au moins 834 personnes exécutées en 2023, un record depuis 2015
Pas moins de 471 personnes ont été exécutées pour des affaires liées à la drogue et au moins 282 individus l’ont été pour meurtre, selon deux ONG.
Une augmentation «alarmante» de 43% par rapport à 2022. Selon le rapport annuel des ONG Iran Human Rights et Ensemble contre la peine de mort, l’Iran a exécuté au moins 834 personnes en 2023, le chiffre le plus haut depuis 2015.
Le nombre d’exécutions a littéralement explosé en 2023, souligne ce 16e rapport des ONG sur la peine de mort en Iran. «C’est la seconde fois en 20 ans que le nombre d’exécutions dépasse le seuil de 800 par an. (C’est un chiffre) effroyable».
Les exécutions en Iran – un des pays qui exécute le plus avec la Chine et l’Arabie saoudite – s’effectuent par pendaison strangulatoire. En 2023, au moins 22 femmes ont été exécutées dans la République islamique d’Iran, le nombre le plus élevé de ces dix dernières années, rapportent ces ONG. En 2015, les autorités iraniennes avaient procédé à l’exécution de 972 personnes, rappelle Iran Human Rights (IHRNGO), basé en Norvège, et Ensemble contre la peine de mort (ECPM), basé à Paris.
Au moins huit manifestants exécutés
Dans ce rapport de 100 pages, ces ONG accusent l’Iran de recourir à la peine de mort comme un «outil de répression politique» après le vaste mouvement de contestation dans ce pays.
Ce mouvement a été déclenché par la mort en septembre 2022 de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, trois jours après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour un voile mal ajusté. Sa famille et les militants des droits humains soutiennent qu’elle a été battue à mort, ce que réfutent les responsables iraniens. Les manifestations, qui avaient secoué pendant plusieurs semaines le régime de la République islamique, se sont désormais calmées face à une répression qui a entraîné la mort de centaines de personnes d’après des associations de défense des droits, et des milliers d’arrestations selon l’ONU.
«Instiller la peur dans la société est le seul moyen pour le régime de s’accrocher au pouvoir, et la peine de mort est son instrument le plus important», dénonce Mahmood Amiry-Moghaddam, directeur d’IHRNGO, dans un communiqué.
Le rapport n’inclut pas dans ses statistiques les «551 personnes, au moins, tuées lors des manifestations ou d’autres exécutions extrajudiciaires à l’intérieur et à l’extérieur des prisons». Selon ces ONG, au moins huit manifestants figurent au nombre des personnes exécutées en 2023, dont six avaient été arrêtées dans le contexte des manifestations et condamnées.
«Mauvais signal»
Selon le rapport, au moins 471 personnes (56% du total des exécutions) ont été exécutées pour des affaires liées à la drogue – soit plus de 18 fois que le chiffre enregistré en 2020 – et au moins 282 personnes (34% du total des exécutions) ont été exécutées pour meurtre. L’Iran, qui affiche l’un des taux les plus élevés au monde de consommateurs d’opiacés, est une des principales voies d’acheminement vers l’Europe et le Moyen-Orient de drogues en provenance de l’Afghanistan voisin.
«L’escalade spectaculaire du nombre d’exécutions liées à la drogue en 2023 est particulièrement préoccupante, estiment les ONG. Les personnes exécutées pour infraction à la législation sur les stupéfiants appartiennent aux communautés les plus marginalisées de la société, et les minorités ethniques, en particulier les Baloutches, sont largement surreprésentées parmi les personnes exécutées.»
Raphaël Chenuil-Hazan, directeur d’ECPM, critique dans le communiqué que l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) soit, selon lui, «resté silencieux». «L’abolition de la peine de mort pour les infractions liées à la drogue doit être une condition préalable à toute coopération future entre l’ONUDC et l’Iran en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants.»
Mahmood Amiry-Moghaddam se dit très inquiet «du manque actuel de réaction forte au niveau international» face à ces exécutions, dans le contexte de la focalisation de la communauté internationale sur la guerre entre Israël et le Hamas. Ce manque de réaction «envoie un mauvais signal aux autorités» iraniennes, déplore-t-il, estimant qu’«augmenter le coût politique des exécutions par la pression internationale peut ralentir la machine à tuer du régime» iranien.