Iquioussen ou l’imam caché

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Albert NACCACHE – Temps et contretemps

Querelle juridique, controverse politique, bataille médiatique : l’affaire Iquioussen a nourri l’actualité du mois d’août. Dans mon article du 1er août j’avais prévu les difficultés qu’allait rencontrer l’exécutif. Un mois plus tard, il n’est pas sorti de l’auberge car l’imam a disparu pour ne pas subir le déshonneur d’une expulsion. Mais que deviendra «l’imam caché» de l’islam de France ? Dans une ordonnance rendue mardi 30 août, le juge des référés du Conseil d’État explique ne pas suspendre l’expulsion de Hassan Iquioussen, estimant que «ses propos antisémites, tenus depuis plusieurs années lors de nombreuses conférences largement diffusées, ainsi que son discours sur l’infériorité de la femme et sa soumission à l’homme constituent des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination ou à la haine justifiant la décision d’expulsion».

Le Conseil d’État était appelé à examiner le recours en appel du ministère de l’Intérieur visant à annuler la décision prise par le Tribunal administratif de Paris de suspendre la demande d’expulsion de Hassan Iquioussen.

Le Conseil d’État avait examiné, vendredi 26 août, la requête du ministère de l’intérieur. Dans la grande salle du contentieux du Conseil d’État, la représentante du ministère de l’intérieur se montre particulièrement offensive. Pour Pascale Léglise, la directrice des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l’intérieur, il s’agit d’un «islam militant véhiculé par un prédicateur charismatique, qui a su acquérir une légitimité au sein d’un très large auditoire, et qui, depuis des années, répand des idées insidieuses qui n’en sont pas moins des provocations à la haine, à la discrimination, à la violence »… Elle accuse Hassan Iquioussen d’un «double discours, emblématique de la rhétorique frériste». Au-delà de «propos lénifiants» sur la compatibilité de l’islam avec les valeurs républicaines, son message est calé sur ceux de Youssef Al-Qaradawi, prédicateur qatarien vedette des Frères musulmans et de Hassan El Banna, fondateur en 1928 de la confrérie égyptienne.

L’imam disparait

Mais les policiers venus l’interpeller à son domicile, à Lourches, près de Valenciennes (Nord) ne l’ont pas trouvé. Il avait pris la poudre d’escampette. Un imam délinquant ? Le préfet des Hauts-de-France, Georges-François Leclerc, a affirmé mercredi que l’imam marocain était susceptible d’avoir pris la fuite en Belgique et l’a qualifié de «délinquant. …S’il est interpellé, il sera immédiatement placé en rétention administrative». Iquioussen figure ainsi dans trois fichiers :

–  Il est fiché S par la Direction générale de la sécurité intérieure «depuis dix-huit mois», 

– Considéré comme étant en fuite, il a été inscrit au fichier des personnes recherchées (FPR),

– Il est inscrit au fichier des OQTF Obligation de quitter la France.

L’étranger qui ne possède pas les documents l’autorisant à rester en France doit quitter le pays par ses propres moyens dans un délai de 30 jours. Pour Serge Slama, professeur de droit public à l’université de Grenoble-Alpes, en quittant la France de lui-même, Iquioussen aurait respecté la décision de justice.

Sondage 93%

Un sondage #CSA pour #CNEWS, publié ce mercredi, révèle que 93% des Français estiment « bonne » la décision du Conseil d’État d’expulser l’imam Hassan Iquioussen quand 7% considèrent que c’est une mauvaise décision. Pour Céline Pina, ancienne conseillère régionale PS d’Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, l’expulsion est parfaitement légitime sur le fond.

«Hassan Iquioussen ne masque pas son appartenance à l’islam politique ni sa proximité avec les islamistes. Prédicateur star de Musulmans de France, ex-UOIF, il n’a jamais caché sa volonté de structurer un vote communautaire musulman et de réislamiser les jeunes musulmans en les mettant en opposition avec la civilité, les mœurs et les lois françaises. Pour cela il utilise un discours victimaire et falsificateur, mettant en scène une supposée persécution qui justifie la haine et le rejet des valeurs occidentales et des principes démocratiques et républicains. Il nourrit la logique séparatiste et communautariste qui structure l’idéologie des Frères musulmans et en diffuse tous les fondamentaux : appel à la haine des apostats de l’islam, des « mécréants », revendication d’un antisémitisme virulent, infériorisation de la femme et refus de lui accorder l’égalité, légitimation des attentats-suicide… Or ce travail d’ensemencement des esprits donne des fruits… à chaque fois un différentiel énorme séparait les jeunes musulmans des autres jeunes croyants, témoignant de leur rupture avec la culture française… Le travail de radicalisation religieuse et la construction d’une identité communautaire séparatiste a été bien mené, et l’idéal séparatiste que prône les Frères musulmans est une réalité dans notre pays ». [1]

Une défense sur 3 plans : politique, idées, juridique

Les soutiens de Hassan Iquioussen font légion, ils condamnent une décision «injuste» et appellent à une mobilisation forte.

Soufiane Iquioussen, le fils de l’imam Iquioussen, entre incompréhension et indignation

Sous le choc de l’expulsion qui frappe son père et en fait «l’ennemi public n°1», au grand désarroi de toute sa famille, Soufiane Iquioussen a fait part au micro de RMC, de son incompréhension, mêlée d’indignation devant ce qu’il considère être une terrible injustice et la diabolisation qui en noircit le trait à dessein. Visiblement éprouvé, il dénonce l’opportunisme politique de Gérald Darmanin. [2]

Musulmans de France

Musulmans de France (MF, ex-UOIF) «regrette la décision d’expulsion tout en restant pleinement confiante en la justice de notre pays. Hassan Iquioussen a toujours œuvré pour le vivre ensemble et la paix sociale et a immunisé les jeunes générations contre la radicalisation. Il a agi en tant que pacificateur dans le débat public depuis plus de 40 ans»,


Collectif Perspectives

Un appel à se mobiliser samedi 3 septembre à Paris a rapidement été lancé sur les réseaux sociaux. «La décision du Conseil d’État est injustifiable. (…) Sous couvert de lutte contre le séparatisme, l’exécutif continue de faire de l’islamophobie l’un des chantiers majeurs de son quinquennat», lit-on dans un texte signé du collectif Perspectives Musulmanes, anciennement appelé Coordination contre la loi séparatisme. «A travers Hassan Iquioussen, ce sont bien toutes les personnes musulmanes qui sont visées. (…) L’expulsion de Hassan Iquioussen n’est pas une fatalité. La légalité est affaire de pouvoir, non de justice.
L’expulsion de Hassan Iquioussen, une décision complexe dans une séquence politique à hauts risques pour les musulmans de France» [3]

«Bien avant les vidéos YouTube et la démocratisation d’Internet dans les foyers familiaux, il fut à la fin des années 1980 et durant les années 1990 le conférencier vedette de l’islam frériste, alors que l’islam consulaire n’était qu’au stade embryonnaire. Avant même l’arrivée de Tariq Ramadan sur le terrain français, il parcourait les quartiers des grandes métropoles jusqu’aux petits bourgs de nos territoires pour y remplir les mosquées et les salles polyvalentes d’un public ado et de jeunes adultes en recherche d’un discours sur l’islam en langue française avec les codes et les accents de la jeunesse frenchy. Après l’affaire de Creil en 1989, l’UOIF avait fait le choix de faire du voile un outil de conquête des âmes et des corps alors qu’une autre lecture religieuse aurait été possible mais c’était déjà un standard internationalisé pour compter le nombre de divisions dans l’escarcelle des partis islamistes issus des pays de cultures musulmanes. La contextualisation n’était donc que de façade.

Tout comme les chaines télévisuelles d’information en continu ont leurs bons clients pour agglomérer et tenir en haleine leur public, Hassan Iquioussen fut le bon client des associations musulmanes locales pour afficher ostensiblement auprès des élus locaux leur dynamisme, ceci en attirant et en fidélisant les jeunes de quartiers. Autant dire qu’il a su entretenir un lien proustien avec toute une génération dont nombreuses sont les personnes qui ignorent tout de l’islam politique des Frères musulmans mais côtoyaient volontiers ces espaces éphémères pour savourer l’idée fantasmée de « la oumma », voire y rencontrer l’âme sœur…

Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux, estime lui-même que le discours de son beau-frère Hassan Iquioussen produit du « séparatisme mental qui crée de la division entre le croyant et son environnement ». …Nous déplorons cette tragédie que les membres de la famille Iquioussen devront affronter mais la décision du Conseil d’Etat devrait éviter de plonger des millions de citoyens de confession musulmane dans une séquence législative où les forces de l’extrême droite pèseront de toutes leurs forces pour la promulgation de lois à coup sûr liberticides. Sans parler de la surenchère que les formations politiques plus traditionnelles pourraient mener pour se positionner. Ces débats anxiogènes comme à l’accoutumée auraient largement débordé des hémicycles pour venir inonder les chaines d’information en continu ainsi que toutes les plateformes de réseaux sociaux, installant peu à peu un climat de défiance propice à une guerre civile de basse intensité dont les seuls gagnants sont les extrêmes de tous bords ». [4]

Pour l’avocate de l’imam, « le combat judiciaire continue »

La famille du prédicateur a fait savoir, aussitôt la décision du Conseil d’Etat rendue publique, qu’un recours au fond a été introduit. «Hassan Iquioussen aura l’occasion de se défendre des accusations portées à son égard. Restons mobilisés autour de cette cause juste et gardons confiance en la justice».

Pour l’avocate de l’imam, Me Lucie Simon, le Conseil d’Etat confirme l’expulsion de Hassan Iquioussen «dans un contexte alarmant de pression de l’exécutif sur le judiciaire»«De manière générale, les discriminations ne se combattent pas en en alimentant d’autres», estime-t-elle et ne va pas en rester là. «Le combat judiciaire continue, le tribunal administratif de Paris sera amené à se pencher sur le fond du dossier prochainement et Hassan Iquioussen étudie la possibilité de saisir de nouveau la CEDH», a-t-elle ajouté.

Pour le CCIE qui a pris la suite du CCIF dissous, le combat politique continue 

« Depuis deux ans, Gérald Darmanin enchaîne les offensives autoritaires, en particulier par sa stratégie de harcèlement et de menaces à l’égard des mosquées et des musulmans. Dès que le droit est contre lui, il tente de le contourner ou s’arrange pour faire changer les lois. La loi séparatisme, anticonstitutionnelle, dévoile avec l’affaire Iquioussen son aboutissement le plus abject : l’humiliation assumée des personnes de confession musulmane. Malgré toutes les acrobaties pour faire croire que cette loi séparatisme serait universelle, ce sont les musulmans qui en sont les seules cibles. Ce sont les seuls à qui il est demandé aujourd’hui de signer un document qui stipule que parler de « racisme d’Etat » serait diffamatoire. Ce sont les seuls à qui on demande de restreindre leurs libertés : de culte, de pensée et d’expression. Ce sont les seuls à qui on veut retirer le droit de se défendre…… La défaite de Darmanin face aux mosquées de Pessac et Beauvais, sa défaite face au Collectif Palestine Vaincra, sa défaite au Tribunal administratif face à Hassan Iquioussen : tous ces échecs annoncent peut-être une bonne nouvelle pour la liberté et la justice en France ».

[1] Céline Pina Causeur 31 août 2022

[2] 31 août 2022

[3] Mohammed Colin Directeur de la publicationSaphirnews.com

[4] Mohammed Colin Saphirnews.com mardi 30 août 2022

 

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