Radio France internationale a diffusé le 17 janvier un reportage sur les inondations à Gaza.
Le journaliste Sami Boukhelifa y explique que Gaza souffre d’inondations dont la cause principale seraient « Les bombardements israéliens et les guerres à répétition, (qui) ont détruit les infrastructures de base » – sans pour autant donner la parole à aucun interlocuteur israélien.
Le reportage couvre uniquement Gaza, bien que le correspondant soit basé à Jérusalem et que plusieurs villes israéliennes aient souffert des mêmes intempéries – lesquelles ont même touché tous les pays de la région : l’AFP rapporte ainsi quatre morts en Egypte, tandis que le Liban a aussi essuyé la tempête.
C’est cependant l’affirmation de la seconde partie du reportage, accablant là aussi Israël, qui nous a le plus surpris : « Selon Mohamed Bakri, président du comité agricole de Gaza, là aussi Israël a une part de responsabilité : « Je ne suis pas en train de dire qu’Israël fait exprès de noyer Gaza. Mais Israël a construit plusieurs barrages en amont, qui bloquent l’écoulement naturel des rivières qui traversent Gaza. Et à chaque fois qu’il y a de fortes précipitations, les Israéliens ouvrent les vannes de leurs barrages pour évacuer leur surplus d’eau, et c’est le déluge ici, ça provoque aussi l’érosion de nos terres agricoles ». »
Le mea culpa de l’AFP en 2015
En 2015, l’AFP avait lancé la même accusation puis s’était rétractée dans cette dépêche. L’agence précisait :
Devant une nouvelle crue dimanche, les autorités locales se sont empressées de publier un communiqué libellé « urgent » pour dénoncer les agissements israéliens.
L’AFP a repris ces allégations à son compte dimanche 22 février dans une vidéo et des photos des inondations dans le village d’Al-Moghraqa. Le script et les légendes indiquaient qu’Israël avait ouvert les vannes d’un barrage. La vidéo faisait parler des résidents accusant ouvertement Israël.
Seulement, il n’existe côté israélien aucun barrage où on pourrait jouer sur le débit de l’eau, selon un déplacement de journalistes de l’AFP sur le terrain et des entretiens avec des responsables et des experts israéliens et étrangers.
Le mea culpa de l’AFP ne laissait pas la place au doute :
« Il n’y a sur le Nahal Bessor aucun barrage qu’on puisse ouvrir ou fermer, il n’y a donc rien ni pour causer, ni pour prévenir une crue », dit à l’AFP Nehemia Shahaf, chef de l’autorité du réseau hydrologique du Néguev.
« A ma connaissance, il n’y a pas de barrage du côté israélien et le terrain ne se prête pas à la construction d’un barrage », abonde le Dr Julie Trottier, spécialiste belge au Centre de recherche français à Jérusalem. Pour elle, avec les fortes précipitations, « les eaux ont monté et conflué ».
Un responsable des services de l’eau à Gaza confiait même à l’AFP reconnaître « « une part de responsabilité palestinienne ». « La zone inondable autour du Wadi Gaza est d’environ 70 à 100 mètres. Mais, à certains endroits, on a construit et cultivé illégalement, et la zone ne fait plus que 15 ou 20 mètres ». »
Le Hamas directement mis en cause par d’autres Palestiniens
Le 18 janvier, lendemain de la parution du reportage de RFI, c’est dans le Jerusalem Post que l’on apprenait que l’accusation relayée par RFI ne faisait pas l’unanimité chez les Palestiniens eux-même.
Le journal israélien rapporte en effet qu’un ministre de l’Autorité palestinienne (aux mains du Fatah, parti opposé au Hamas qui gouverne la bande de Gaza) « a tenu le Hamas pour responsable des récentes inondations provoquées par de fortes pluies dans la bande de Gaza ».
Le quotidien ajoute que Majdi al-Saleh, ministre de l’AP chargé des collectivités locales, « a accusé lundi le Hamas de détourner des fonds destinés à des projets d’infrastructures vers la construction de tunnels. »
« Le Hamas porte la responsabilité de la tragédie qui s’est déroulée dans la bande de Gaza ces deux derniers jours », a déclaré Saleh à la station de radio officielle de l’AP, la Voix de la Palestine, en référence aux inondations qui ont touché plusieurs zones de la bande de Gaza dirigée par le Hamas. « Le gouvernement de facto [du Hamas] doit verser des fonds aux municipalités et financer leurs projets au lieu de dépenser l’argent pour d’autres canaux, qui sont souvent souterrains. »
Autrement dit, l’argent siphonné par le Hamas pour construire des tunnels à usage militaire destinés à attaquer Israël fait défaut pour financer les infrastructures civiles dont la population a besoin.
Voilà qui nuance sérieusement le tableau dessiné par le correspondant de RFI.
Les mythes de la question de l’eau
La spécialiste belge interrogée par l’AFP en 2015 ajoutait que « La question de l’eau suscite « beaucoup de mythes dans les Territoires palestiniens et en Israël » ».
On sait effectivement que la symbolique de l’eau est régulièrement utilisée pour diaboliser Israël (InfoEquitable en a relevé des exemples ici, ici et ici) et peut faire écho aux vieilles accusations anti-juives moyenâgeuses d’empoisonnement des puits. L’inconscient d’une partie du public européen est alors susceptible de réactiver des préjugés dangereux, tout cela sur la base d’un mensonge.
Raison de plus pour que les journalistes soient prudents et vérifient leurs sources quand il est question de ce thème.
L’information diffusée ce lundi étant manifestement inexacte, InfoEquitable a écrit au médiateur de RFI afin de demander que le reportage soit rectifié et fasse l’objet d’un rectificatif.