La chronique de Michèle MAZEL
A la veille de la date fatidique du premier juillet l’Autorité palestinienne a envoyé une lettre des plus officielles au Quatuor sur le Moyen Orient. Composé de l’Union européenne, de la Fédération de Russie, des États-Unis et de l’Organisation des Nations Unies, ce quatuor créé en 2002 avait pour mission de promouvoir le processus de paix. En 2012 l’actuel premier ministre palestinien, alors conseiller du président, s’était permis de dire que ledit Quatuor était bon à rien. Cette fois les autorités de Ramallah l’informaient qu’elles étaient prêtes à reprendre le dialogue avec Israël et même à envisager des échanges territoriaux limités.
Ce surprenant développement, intervenant après des années marquées par un rejet sans appel de toutes les propositions israéliennes et américaines, plan Trump compris, n’a pourtant pas fait la Une de la presse en France. Il faut dire qu’il dérange. Tout était déjà prêt pour protester contre une décision d’annexion israélienne considérée comme imminente. Les éditoriaux vengeurs, les réunions d’urgence des instances européennes, l’élaboration de sanctions, les manifestations de masse. Et voilà que l’autorité palestinienne oublie sa partition.
On imagine l’embarras des chancelleries ; pire, que vont penser les partisans du BDS, et ceux qui clament en toute occasion «du fleuve – le Jourdain – à la mer, la Méditerranée, la Palestine sera libre ?» Va-t-il falloir reconnaître que, face à la volonté d’annexion d’Israël, les Palestiniens ont enfin compris qu’ils se devaient de réagir autrement que par des déclarations belliqueuses qui ont montré par le passé combien elles étaient creuses ? On se souvient que naguère Abou Mazen avait déclaré solennellement que le transfert à Jérusalem de l’ambassade américaine «ouvrirait les portes de l’enfer».
Alors pourquoi cette initiative de la dernière heure, et pourquoi le silence gêné des médias ? A la première question la réponse est claire. Le plan de Trump, qui ouvrait la porte à l’annexion de certains territoires avec en contrepartie la création d’un Etat palestinien, stipulait que si l’Autorité palestinienne se refusait à négocier, Israël pourrait entamer un processus d’annexion unilatéral à l’expiration d’un délai de six mois. De fait, de hauts représentants, tant de l’Union européenne que des Nations Unis, murmuraient depuis plusieurs semaines aux oreilles des dirigeants de Ramallah qu’il était temps de renoncer à leur refus obstiné de toute forme de dialogue, ne fut-ce que pour améliorer leur position.
Il faut aussi noter que l’Autorité palestinienne avait pour ainsi dire brûlé ses dernières cartouches. Plusieurs semaines avant toute décision israélienne sur l’annexion, elle avait mis fin à toute coopération avec Israël, y compris sur le plan sanitaire malgré la pandémie. Des mesures qui avaient surtout impacté les Palestiniens d’autant que le virus se propage de façon inquiétante et que la situation économique se dégrade de jour en jour. On a pu voir que les appels à manifester rencontraient peu d’échos.
D’où la décision de gagner du temps. Car il ne fait guère de doute que l’Autorité palestinienne n’a pas vraiment l’intention de jouer le jeu et va se livrer à des manœuvres dilatoires ; dans sa lettre elle multiplie déjà les préconditions. Quant aux médias ils attendent que Netanyahou annonce qu’il procède à une annexion, fut-ce partielle, pour s’indigner en cœur : les Palestiniens ont eu beau faire des concessions et accepter de négocier, les Israéliens n’en ont eu cure.