Par Stéphane Juffa © Metula News Agency
Aux alentours de 19 h 10, heure de Toronto, hier soir (mardi), soit à 2 h 10 (mercredi) en Israël et 1 h 10 à Paris, un Boeing 767 d’ElAl, immatriculé 4X-EAM, effectuant le vol LY30, a évité un accident majeur.
L’appareil venait de décoller de l’Aéroport International Pearson à Toronto, pour un vol direct à destination de Tel-Aviv. Peu après le décollage, suivant un itinéraire normal sur le lac Ontario, face à la côte, en direction de l’Est, le Boeing, toujours conformément à la procédure de départ, mit le cap au Nord.
C’est alors que les pilotes et les passagers se rendirent compte qu’ils avaient un problème avec le moteur droit de leur appareil, qui est un bimoteur. Des passagers ont appelé le grand media canadien Global News, lui indiquant qu’ils avaient senti une sorte d’explosion ou de départ de feu sur la partie droite de l’avion, et que les lumières de la cabine s’étaient éteintes, avant de se mettre à clignoter.
Le co-pilote se rendit parmi les passagers pour constater de visu l’étendue des dégâts : le moteur droit était effectivement en feu. Il s’agit à la fois d’un incident rare et d’une grande gravité.
L’équipage contacta immédiatement la tour de contrôle de l’aéroport duquel il venait de décoller, en annonçant par 3 fois « MAYDAY MAYDAY MAYDAY ! ».
Il s’agit de l’appel d’urgence prioritaire, indiquant qu’il existe un risque d’écrasement, et supérieur au signal « PAN-PAN ! », qui annonce une panne ou un problème rencontrés par l’avion.
L’emploi de l’appel de détresse MAYDAY – littéralement mon jour, mon jour est arrivé – est exceptionnellement appliqué, en général dans les cas suivants :
– Incendie à bord
– Panne de moteur
– Problème avec les commandes mettant en danger le contrôle du vol
Après avoir écouté la bande d’enregistrement de la discussion entre l’équipage et les contrôleurs, nous pouvons dire que l’incident a été traité avec sang-froid, célérité, professionnalisme et efficacité, tant au sol que dans les airs.
Les pilotes, qui avaient dès lors priorité sur toutes les autres activités aériennes dans le secteur, ont demandé de pouvoir rejoindre directement la piste 23 qui correspondait le mieux à leur situation.
Le contrôleur a communiqué aux pilotes des caps qui les ont amenés à l’orée de la piste désirée.
Dans l’entretemps, les pilotes, après avoir identifié l’étendue des dommages ainsi que leur impact présumé sur le contrôle de l’avion, se sont délesté d’une partie de leur carburant. Cette manœuvre est nécessaire car le Boeing 767-300ER ne peut atterrir à son poids maximum de décollage (187 000 kg), auquel il risquerait d’endommager notamment son train d’atterrissage.
Le poids maximal à l’atterrissage de cet avion est de 148 000 kg.
A la demande du contrôleur, les pilotes ont confirmé qu’ils ne transportaient pas de matériel dangereux dans leur cargaison, et ont requis la présence de véhicules et d’équipes de sauvetage à proximité du point supposé de leur atterrissage.
Les passagers ont décrit l’atmosphère à l’intérieur du Boeing comme tendue mais sans manifestation d’hystérie. L’équipage a simplement dit aux passagers « qu’il y’avait un problème avec le moteur droit et que nous retournions à Toronto ».
Les pilotes ont immédiatement éteint l’approvisionnement en carburant du moteur en feu (source ElAl pour la Ména) ; ils ont réussi à poser leur appareil sans encombre, et aucun des passagers ou membre de l’équipage n’a été blessé. Il y avait 210 personnes à bord, dont 10 membres d’équipage (source ElAl).
Un camion de pompiers s’est positionné sur la droite du Boeing afin de s’assurer que le feu était éteint, puis l’appareil a été tracté jusqu’à l’une des sorties régulières de l’aéroport.
Ce genre d’incident majeur déclenche automatiquement une enquête technique, qui a déjà commencé, et implique des représentants de la compagnie aérienne, du constructeur de l’avion, du constructeur des moteurs, ainsi que les inspecteurs de l’autorité aérienne canadienne TCCA, sans doute épaulés par ceux de la FAA (Federal Aviation Administration) américaine.
En général, les causes connues d’un incendie de moteur proviennent soit d’une erreur d’entretien, ce qui serait en principe la faute d’ElAl, soit d’une erreur de fabrication du moteur, qui serait en principe celle du fabricant des moteurs, soit de l’aspiration d’un FOD (Foreign Object Damage, dégâts causés par l’ingestion d’un objet étranger à l’avion).
Par FOD, on qualifie le plus souvent des pierres ou des morceaux de piste, des débris ou des pièces qui se trouvaient sur la piste au moment du décollage, ou des oiseaux, en nombre, qui auraient étouffé ou abîmé la turbine.
C’étaient des oiseaux qui avaient détruit les moteurs de l’Airbus A320 du vol 1549, le 15 janvier 2009, au départ de l’aéroport de New York-LaGuardia, obligeant le commandant de bord, Chesley Sullenberger, à poser son avion avec une grande maestria sur le fleuve Hudson, au cœur de New York.
L’avion d’ElAl avait 18 ans d’âge, ce qui n’est pas excessif pour ce type d’appareil. Le premier Boeing 767, dans sa première déclinaison, était entré en service le 8 septembre 1982.
Le fait de poser un avion de ce type avec un seul moteur, lorsque toutes les commandes fonctionnent, ne suscite pas de difficulté particulière, tous les pilotes s’entraînant régulièrement à ce genre de situation. Cela dit, il arrive très fréquemment qu’un dégât – surtout une explosion – génère des dommages collatéraux à la voilure de l’appareil ou à ses gouvernes.
Un porte-parole d’ElAl nous a indiqué que tous les passagers avaient dormi à l’hôtel et qu’ils allaient être transportés à Tel-Aviv ce soir par un vol supplémentaire affrété par la compagnie.