Des bras aussi musclés que criblés de tatouages, et pas n’importe lesquels. Geert Groyens portait ses insignes nazis comme une carte de visite, mais un séjour en prison a ouvert l’esprit du quadragénaire et l’a aidé à se remettre en question. Aujourd’hui, le Limbourgeois souhaite effacer ses erreurs passées, au propre comme au figuré: ses vieux tatouages disparaîtront l’un après l’autre. “En prison, j’ai passé beaucoup de temps avec des étrangers qui m’ont traité amicalement et avec respect malgré mes ‘attributs’. Cela vous force inévitablement à l’introspection”, explique-t-il.
Le milieu carcéral ne rend pas meilleur, mais dans le cas de Geert, il lui a permis de renoncer à des idéologies abjectes. Il y a un an, la police débarque chez lui, à Heers dans le Limbourg. Il est arrêté pour trafic de stupéfiants et atterrit à la prison de Louvain, où il est mis au travail quelques mois. Il bénéficie désormais d’une libération conditionnelle sous surveillance électronique.
Générosité
De ce séjour en prison, il a tiré une profonde remise en question: “J’étais complètement dans le faux, réalise-t-il aujourd’hui. Et c’est comme ça que vous finissez en prison. Mais pour ma part, même si c’est très cliché de le dire, la prison m’a changé. Il faut savoir que 80% des détenus sont d’origine étrangère (N.D.L.R. moins de 50%, selon le SPF Justice). Pourtant, je n’ai pas croisé une seule personne désagréable”, relate-t-il.
Une évidence pour certains, mais ce rejet du racisme est une vraie nouveauté dans la vie de Geert. “Il y avait un détenu en particulier, un gars d’origine marocaine. Il distribuait les repas et était vraiment sympa avec moi. Et lors de mon arrivée en cellule, il m’a même prêté quelques affaires. Une générosité qui m’a ouvert les yeux pour la première fois de ma vie”, se souvient-il. Petit à petit, de conversation en coup de main, Geert a compris que son rejet de l’autre n’était fondé que sur une haine aveugle et infondée.
“J’ai commencé une collection en primaire, puis c’est devenu malsain”
Ce qui l’étonne encore, c’est que ses tatouages n’aient pas freiné une personne d’origine marocaine à entamer la conversation avec lui. Il explique comment il est “bêtement” tombé dans l’idéologie abjecte d’Hitler. “D’où venait ma fascination pour les nazis? Je trouvais leur uniforme cool et j’avais une certaine admiration pour leur développement technologique. Je collectionnais déjà l’attirail de guerre alors que je n’étais qu’un écolier, et j’ai accumulé pour quelque 18.000 euros d’objets du genre. La police en a d’ailleurs saisi une bonne partie lors de la perquisition. Je ne sais pas si le fait d’être collectionneur faisait de moi quelqu’un de mauvais. Il ne faut pas être un nazi convaincu pour être fasciné par les complexes de bunkers de la Seconde Guerre mondiale, ou intrigué par des mystères de l’époque”, estime-t-il avant de reconnaître que son attrait pour l’Allemagne nazie est vite devenu très malsain.
De son passé criminel et de son adoration pour le Führer, il ne lui resterait que l’encre sur la peau. “Ces tatouages, soupire-t-il. L’œuvre du jeune sans cervelle que j’étais, sûrement? Je suis de nature impulsive. Mais les enlever, c’est tout sauf un coup de tête. J’ai déjà fait recouvrir celui d’Adolf Hitler que j’avais sur l’avant-bras, avec d’autres tatouages (une tête de mort recouvre l’ombre de la silhouette du dictateur). Je camouflerai le reste aussi, mais ce n’est pas bon marché. Il faut que je trouve d’abord comment me financer”, explique celui qui vit aujourd’hui très mal d’être confronté au quotidien à ses erreurs passées.
“Qui est venu me rendre visite? Mon ex-chef d’équipe marocain…”
Maintenant qu’il est sorti de prison, Geert se sent le courage de remettre sa vie sur les rails. “Grâce à ma copine. Mais aussi grâce à Rachid, mon ancien chef d’équipe dans le secteur fruiticole. Le 8 janvier prochain, dès qu’on m’enlèvera mon bracelet électronique, je me remettrai d’ailleurs à chercher du travail avec son aide. Quand je pense que c’est mon ancien chef marocain qui est venu me rendre visite, à moi, coincé ici, avec mon bracelet à la cheville et mes tatouages… Cela vous fait réfléchir un homme, hein. Je sais que je suis allé trop loin, mais désormais je veux me construire une nouvelle vie. Et en 2020, un enfant serait aussi le bienvenu”, s’émeut l’ex-détenu de 43 ans.
Le fameux Rachid Bouyachfar réagit à cette amitié, qui pour lui n’a rien de surprenant. Rendre visite à Geert, qui était assigné à résidence, lui a semblé être une évidence. “Geert est une personne bien. Je sais évidemment qu’il est plein de tatouages nazis. Mais je ne me fie jamais à l’emballage, c’est l’homme qui m’intéresse. Avoir de mauvais amis et un passé difficile conduisent souvent à prendre des décisions idiotes. Mais aujourd’hui, Geert se fraie un nouveau chemin, et j’en suis ravi”, résume-t-il en toute simplicité.
Source www.7sur7.be