Pour comprendre ce que le Kremlin pense de la candidature d’Hillary Clinton à la présidence des Etats-Unis, il suffit de regarder la couverture que la télévision d’Etat russe a fait de son investiture à la tête du parti démocrate.
Le téléspectateur moyen en est arrivé à la conclusion que Clinton considère la Russie comme un ennemi et qu’il ne peut donc pas lui faire confiance. Quant à la convention du Parti démocrate, elle n’aura été qu’une preuve supplémentaire que la démocratie américaine est bel et bien une imposture.
Dans son discours d’investiture, Clinton a en effet réaffirmé son engagement vis-à-vis de l’OTAN, en disant qu’elle était « fier de défendre les alliés de l’OTAN contre toutes les menaces auxquelles ils doivent faire face, y compris contre la Russie ». Alors que le candidat républicain, Donald Trump, a inversement émis des doutes quant à la nécessité d’une alliance occidentale, suggérant que lorsqu’il serait élu président, son pays pourrait ne pas honorer ses engagements militaires vis-à-vis de l’OTAN, notamment en ce qui concerne l’ancienne union soviétique, et en particulier les républiques des pays baltes…
Clinton est même allée plus loin, puisqu’elle n’a pas hésité à comparer l’annexion de la Crimée par la Russie il y a 2 ans à la mainmise d’Adolf Hitler sur les pays de l’Est d’au début de la Seconde Guerre mondiale ; une comparaison particulièrement offensante envers les Russes pour qui, la victoire des armées staliniennes contre l’Allemagne nazie reste l’un des fiefs d’une certaine fierté nationale.
A l’époque, Poutine s’était déclaré « indigné » du soutien des Etats-Unis à l’Ukraine et de son intervention militaire dans le monde entier, en particulier en Libye. Il a donc interprété la dernière intervention de Clinton comme une nouvelle ingérence dans les affaires de la Russie. Rappelons enfin que, lorsque Clinton avait dit des élections législatives de 2011 en Russie qu’elles avaient été truquées, Poutine avait immédiatement accusé le Département d’Etat américain de soutenir financièrement les manifestations qui avaient attiré des dizaines de milliers de personnes dans les rues de Moscou pour exiger des élections libres et la fin du règne Poutine.
La Convention démocratique, qui a pris fin vendredi matin, heure de Moscou, a reçu une très large couverture médiatique tout au long de la journée lors de bulletins d’informations passant toutes les heures sur la télévision d’Etat, le plus puissant outil du Kremlin pour façonner l’opinion publique.
La première chaîne a ainsi débuté son émission en présentant Clinton comme « un personnage politique qui se met au-dessus de la loi, qui est prêt à gagner à tout prix et à changer ses principes en fonction de l’air du temps ». La présentatrice a formulé sa description en expliquant qu’elle reflétait la manière dont Clinton était perçue par les partisans de Trump – mais il s’agissait d’une précision que les téléspectateurs pouvaient très facilement ne pas remarquer.
Les images diffusées par la chaîne russe montraient certains extraits du discours de Clinton, mais la caméra faisait régulièrement des va-et-vient vers le sénateur Bernie Sanders du Vermont, le challenger démocrate, et vers ses partisans déçus.
La chaîne Rossiya a également montré des images sur lesquelles on voit des manifestants anti-Clinton qui se déclarent trahis après la révélation du courrier électronique qui avait mis Bernie Sanders hors de course ». La Russie est en effet suspectée d’avoir piraté les ordinateurs de la Commission nationale du Parti démocratique en rendant publics des courriers électroniques dans lesquels les responsables du parti favorisaient Clinton sur en vue de la nomination à la course présidentielle.
Le Kremlin a nié être intervenu dans l’élection américaine. Ce qui n’a pas empêché un chroniqueur du journal le plus vendu en Russie, de déclarer que « cela aurait été un geste intelligent ».
« J’apprécierais si le Kremlin venait en aide aux forces présentes aux États-Unis qui se battent pour rester en paix avec la Russie et pour la démocratie en Amérique », a par ailleurs écrit Israël Shamir dans la « Komsomolskaya Pravda ».
Trump a pour sa part encouragé la Russie à dévoiler plus des 30 000 autres courriers électroniques qui auraient été supprimés par Clinton. Les représentants du Parti démocrate l’ont en retour accusé d’essayer d’obtenir un adversaire étranger pour qu’il se livre à de l’espionnage pouvant affecter le résultat des élections du mois de novembre dernier. Mais Trump aurait répondu qu’il avait simplement voulu faire preuve de sarcasme.