Le parti chiite a besoin d’un ministère juteux en termes de services pour mieux opérer son come-back sur la scène intérieure.
En rendant public son souhait dès la première heure de gérer ce ministère, le Hezbollah a voulu très tôt couper la route à tous ceux qui seraient tentés de lui faire la concurrence à ce poste. Si l’on en croit les informations relayées par les médias qui suivent les coulisses de la formation du cabinet, la revendication de ce ministère par le parti chiite n’a pas buté contre un obstacle majeur jusqu’ici. Le Premier ministre désigné, Saad Hariri, a affirmé, lors de son apparition télévisée à la MTV jeudi dernier dans le cadre du programme de Marcel Ghanem, qu’il ne s’opposait pas en principe à l’octroi de ce portefeuille au Hezbollah. Sauf que, a prévenu M. Hariri, le Liban risque de se voir ôter les aides à la santé en provenance de l’extérieur, plus précisément des États-Unis et de l’Union européenne, a-t-il dit. Parmi les risques que pourrait encourir le Liban, celui de voir les compagnies pharmaceutiques internationales bouder ce pays, ce qui laisserait la porte grande ouverte devant les produits iraniens qui seraient alors les bienvenus, comme l’ont laissé entendre des sources proches du parti chiite qui indiquent qu’une délégation de journalistes libanais a été invitée, il y a deux semaines, en Iran pour effectuer une tournée dans les usines pharmaceutiques.
« Le ministère de la Santé n’a jamais refusé, à ce jour, les soins aux combattants du Hezbollah qui sont, après tout, des Libanais », confie encore la source à L’OLJ. Elle qualifie par ailleurs de « ridicule » la thèse selon laquelle le marché libanais pourrait être inondé par les produits pharmaceutiques iraniens « à un moment où l’Iran a déjà assez de problèmes et peine à se suffire à lui-même en matière de médicaments ».
D’ailleurs, explique-t-on de même source, « à supposer que l’administration américaine décide de prendre des sanctions contre les secteurs de la santé et du médicament, et que certaines compagnies pharmaceutiques iraniennes soient tentées de se substituer aux compagnies internationales, il faut savoir qu’au Liban, les normes d’enregistrement des médicaments importés sont très strictes, et la prescription de tel ou tel médicament reste largement dépendante de la volonté des médecins dont une grande partie lésinerait probablement à recommander des médicaments iraniens ».
La source reconnaît toutefois qu’en décrochant le ministère de la Santé, le parti chiite serait de toute évidence à même d’« offrir de plus larges services à sa base, comme l’ont fait tous les partis qui se sont succédé à ce poste ».
Dans les milieux proches du Hezbollah, on affirme que l’ambition du parti d’occuper ce portefeuille doit être comprise dans la perspective de sa volonté de s’impliquer de plus en plus dans la formulation des politiques publiques et dans la gestion des services notamment, une conséquence directe du désengagement progressif escompté du parti en Syrie. Il s’agit d’une volonté exprimée par le Hezbollah depuis les législatives.
Ainsi, son aspiration à obtenir le portefeuille de la Santé s’inscrirait dans cette logique, ce ministère étant par excellence un ministère de services que le parti chiite entend « rendre qualitatifs, pour servir non seulement sa base électorale, mais aussi l’ensemble des Libanais », soutient-on dans ces milieux.
L’ambition du Hezbollah serait, à n’en point douter, d’améliorer son image.
Une source proche du parti fait valoir « la longue expérience que détient le Hezbollah dans le domaine de la santé ». Le parti chiite bénéficie en effet d’un réseau extrêmement performant d’hôpitaux et de dispensaires dans les régions où il est le mieux implanté. L’hôpital al-Rassoul al-a’azam, pour ne citer que cet exemple, est considéré parmi les meilleurs hôpitaux du pays.
On apprend également de même source que le parti compte nommer au portefeuille de la Santé un médecin de Baalbeck – le Dr Hassan Salhab serait une option – en signe de bonne intention à l’égard de cette ville qui pâtit de sous-développement depuis des années.
Pour Ismaïl Sukkariyé, un ancien député proche du camp du 8 Mars, l’accès au ministère de la Santé offre au Hezbollah, « qui a décidé de s’attaquer à la corruption, l’opportunité d’opérer une réforme, notamment au plan de la réduction des prix des médicaments, une initiative à maintes reprises avortée, et ce depuis l’indépendance du Liban », dit-il.
Source www.lorientlejour.com