Dans un texte intitulé «Je fais partie de la résistance au sein de l’Administration Trump» et publié par le New York Times, le 5 septembre dernier, un supposé membre de l’Administration raconte comment lui et d’autres s’efforcent de lutter de l’intérieur contre les pires penchants d’un président au leadership « mesquin », « impétueux » et « inefficace ».
Cette publication d’un témoignage anonyme, est intervenue au lendemain de la diffusion d’extraits d’un livre anti-Trump du journaliste Bob Woodward et n’est pas sans rappeler la source anonyme du scandale du Watergate, appelée « Deep Throat ».
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L’« éditorial du haut fonctionnaire anonyme » est moins important qu’il n’y paraît
L’éditorial du haut-fonctionnaire anonyme paru dans le New York Times est célébré dans les salons et et les bars anti-Trump, mais on ne peut pas faire une fête estivale sans que se pointe une mouffette. Je me porte volontaire pour faire la moufette.
Malgré les affirmations, issues de la filière habituelle, selon lesquelles un éditorial venant d’un « haut fonctionnaire » de l’Administration vient prouver que le ciel est, cette fois, vraiment en train de nous tomber sur la tête, ma réaction c’est que l’auteur est trop absorbé par son ego pour être pris au sérieux.
À l’instar du Sénateur Cory Booker* qui s’est pris pour Spartacus lorsqu’il a fait état publiquement de documents déjà prêts à être publiés, le fonctionnaire anonyme semble être en train de se chercher une place sur le mont Rushmore – en dépit de son refus de s’identifier. Mais (s’il reste anonyme) ça va être difficile de ciseler son portrait.
Quand il se situe parmi les « adultes » et les « héros méconnus » qui contrecarrent le président élu, cela ne provoque pas chez moi la vision de patriotes qui servent leur pays avec honneur. Au lieu de cela, je vois un autre individu qui souffre d’orgueil mal placé.
« À partir de maintenant, c’est moi qui commande ici, à la Maison-Blanche », avait déclaré un Alexander Haig essoufflé aux journalistes, peu après la tentative d’assassinat du président Ronald Reagan, le 30 mars 1981.
Bien que Haig, un ancien militaire de haut rang, ait été secrétaire d’État à l’époque, son affirmation avait été accueillie avec un mélange de ridicule et d’inquiétude. Était-il un imbécile ou annonçait-il un coup d’État ?
Ce n’était ni l’un ni l’autre. Il s’agissait d’un cas de bonnes intentions qui tournent mal devant les caméras de télévision pendant qu’une nation était sur les dents. Haig, du moins, voulait bien faire.
L’auteur sournois de l’article du Times ne mérite pas le bénéfice du doute. Parce qu’il refuse de révéler son nom ou son poste, nous n’avons aucune preuve que ce qu’il affirme est vrai.
Ses affirmations sont toutes invérifiables et donc peu fiables.
Il ne donne pas d’exemples suffisamment précis pour permettre à d’autres de corroborer ce qu’il dit ou d’en juger l’importance. Dans un ordre tout à fait ridicule, il fait des affirmations radicales sur les gens qui, dans tout le gouvernement, résistent à Trump, puis il prétend prouver ce qu’il dit en citant un autre fonctionnaire anonyme !
Dans un passage alambiqué et contradictoire, il écrit : « Il y a des réalisations importantes que la couverture médiatique négative, quasi incessante, de l’Administration ne parvient pas à saisir : une déréglementation efficace, une réforme fiscale historique, une armée plus robuste et plus encore... ».
Donc, afin de répliquer à cette couverture médiatique trop négative, l’auteur en rajoute comme s’il allait de cette façon remettre les pendules à l’heure !
Dans la phrase suivante, il dit qu’en fait les réalisations se produisent malgré Trump et non pas à cause de lui. Et cela n’a rien de négatif.
Il ne s’agit pas de nier l’évidence : Trump est une personne de nature vive et impulsive et il est sans doute un patron exigeant.
L’agitation dans la West Wing en témoigne suffisamment et certaines tempêtes de tweets colériques montrent un côté de la personnalité de Trump que la plupart d’entre nous préférerions ne pas connaître.
Mais il serait ridicule de prétendre que cet éditorial anonyme fournit une quantité sensationnelle de nouvelles preuves sur quoique ce soit de significatif. L’éditorial se contente de répéter l’idée déjà largement répandue dans les médias par CNN, le Times et d’autres médias de gauche – à savoir que Trump serait inapte à gouverner.
Il est clair que cet auteur anonyme n’aime pas le président et qu’il gémit à la manière d’un Républicain du groupe NeverTrump.
Sa remarque sournoise selon laquelle Trump a « peu d’affinités » avec les idées traditionnelles du GOP semble indiquer qu’il est nostalgique des heures de gloire des deux présidences Bush – une nostalgie que la plupart des Américains trouveraient absurde.
Plus important encore, il semble avoir raté le moment de l’élection où 63 millions d’Américains ont voté pour Trump précisément parce qu’il est différent des Bush ou des politiciens typiques des deux partis.
Ces électeurs ont eu le courage de tenter leur chance en dehors de la politique parce qu’ils croyaient que l’Amérique pouvait faire mieux. L’auteur ne dit pas pour qui il a voté, mais c’est presque certainement pour Hillary Clinton. Cela devrait peser lourd dans le contexte actuel.
Une autre chose qui devrait compter, c’est la décision prise par le Times de publier un éditorial anonyme.
Il n’y a pas si longtemps, le journal avait juré qu’il allait sévir contre l’utilisation de sources anonymes dans ses reportages.
L’argument pour cela était et demeure que c’est une erreur de laisser des personnes s’en prendre anonymement à d’autres sans risquer d’être réfutées et également d’empêcher les lecteurs de porter des jugements sur la véracité et les motivations d’un auteur.
Mais cela c’était à l’ère B. T. – Before Trump. Depuis la candidature à la présidence de Trump, le rédacteur en chef, Dean Baquet, a décidé que Trump ne méritait pas d’être traité selon les normes traditionnelles d’équité parce qu’il fallait l’empêcher de devenir président. C’est ainsi que chaque article est devenu un article d’opinion anti-Trump.
À présent, les sources anonymes font partie de la routine, et en effet beaucoup de reportages n’existeraient pas sans elles.
Cette pratique déloyale s’est maintenant déplacée dans la section éditoriale. Les mauvaises idées sont contagieuses.
En réalité, ce qu’a fait le New York Times, c’est éliminer les reportages et les faits et se cacher derrière une longue et péjorative citation anonyme.
Ce n’est pas du journalisme. C’est de la couardise.
* Corey Booker, un Sénateur démocrate, a rendu publics des documents secrets concernant le passé de Brett Kavanaugh, le candidat de Trump à la Cour suprême. Même si les dossiers n’étaient déjà plus secrets, Booker a décrit son geste comme un moment de défi à la manière de Spartacus. Le Sénateur républicain, Marco Rubio, s’est moqué de lui sur Twitter en évoquant le décès du chef de la révolte des esclaves romains, Spartacus, mis à mort par Marcus Licinius Crassus. En fait, les documents révélés par Booker embarrassent les Démocrates parce qu’ils montrent que Kavanaugh a favorisé des politiques « neutres sur le plan racial » et non le profilage racial, après les attaques du 11 septembre 2001.
Magali Marc (@magalimarc15) pour Dreuz.info.
Sources :