Il y aura un avant et un après 7 octobre. Pour nombre d’Israéliens, habitants du sud, journalistes ou politiques, cela se traduit déjà par un changement de vision du monde et de la ”paix” qu’ils pensaient si réaliste, il y a encore un peu plus d’un mois.
Verda Goldstein, habitante de Kfar Aza, dont le fils et la petite-fille ont été assassinés et dont la belle-fille et trois de ses petits-enfants ont été enlevés par le Hamas, reconnait dans une interview sur la chaine 13: ”J’ai changé d’avis, à 180 degrés. J’étais ce qu’ils appelaient ”anarchiste, bobo de gauche”. Il faut raser la Bande de Gaza, de Beth Hanoun au nord, à Rafah au sud. Je ne veux voir là-bas personne. Et que l’on ne me dise pas que je suis de droite ou messianique”.
Ayelet vivait à Beéri. Au micro de la chaine 12, elle pose une condition à son retour au kibboutz: ”Je ne retournerai à Beéri que lorsque le dernier des Palestiniens là-bas sera éliminé. Peu importe si ce sont des enfants, des vieillards. Je n’ai pitié de personne pour le moment. Je tremble en disant cela car ce n’est pas ainsi que j’ai été éduquée. La maison où j’ai grandi était pour la paix, la maison où j’ai fait grandir mes enfants aussi. Aujourd’hui, je n’ai plus pitié de personne. Ce n’est pas soit eux soit nous. C’est uniquement nous. Je veux que tout le monde entende mon cri. Je veux que tout le monde sache les diables qui sont arrivés chez nous ce samedi-là. Ils nous ont assassinés, ils nous ont massacrés, ils ont violé et ont fait des choses que l’on ne peut imaginer. Je ne reviendrai que si je me sens en sécurité”.
Avida Bahar a perdu sa femme et son fils dans les massacres du 7 octobre. Ils habitaient le kibboutz Beéri. Dans une interview sur Kan 11, il raconte: ”Nous sommes face à un nouvel ennemi. Ils ont brûlé, souillé, massacré 3 générations avec méthode et détermination. Si nous voulons que les localités israéliennes se reconstruisent, la Bande de Gaza ne peut pas continuer à exister. Si je pouvais, je ne laisserais même pas les poissons. Je suis un homme de gauche, mais ma vision sécuritaire a changé”.
Les propos de ces habitants qui ont vécu l’horreur ne sont pas isolés. Le président du conseil régional Eshkol, meurtri par les attaques du 7 octobre, a lui aussi reconnu avoir changé de vision. Voilà ce qu’il déclare sur la chaine 12: ”Mes habitants sont brisés et ce qui nous perturbe le plus ce sont les otages et les disparus. J’ai changé”, reconnait-il. ”Nos otages et nos disparus sont là-bas et personne ne sait ce qui leur arrive. Des familles crient et ceux qui sont responsables d’eux sont ces mêmes gens que nous pensions être bons autrefois. Parce que ce n’est pas seulement le Hamas et le Jihad islamique mais aussi des Gazaouis normaux”.
Interrogé sur les bombardements d’hôpitaux, Yarkoni répond: ”Vous me demandez si nous touchons des hôpitaux… Je ne souhaite pas que les hôpitaux soient touchés, mais à vrai dire cela ne m’intéresse pas. Je n’ai pas commencé cette guerre, ce sont eux. S’il y a une maison avec beaucoup de civils et en-dessous un seul terroriste qui a assassiné et massacré mes concitoyens, alors que cette maison soit bombardée. Nous ne sommes plus les mêmes qu’avant le 7 octobre”.
Yarkoni poursuit: ”Je ne vois pas comment nous pouvons vivre s’ils sont si près de la barrière. Nous ne pouvons pas concevoir qu’ils vivent là-bas et nous ici. Nous ne cherchons pas à nous venger et nous ne sommes pas obligés de les tuer. Mais ils ne peuvent pas rester à côté de nous. Ils ne sont même pas des animaux, plutôt des monstres. S’il y a dans la Bande de Gaza, des gens qui aiment la vie qu’ils partent d’ici et nous rendent nos otages sinon ils ne méritent pas de vivre. Je demande à Tsahal de finir la mission pour que nous puissions vivre en paix et qu’ils aillent ailleurs”.
Du côté des journalistes, certains connus pour leurs positions très à gauche et pacifistes, ont changé de discours. Ainsi Ilana Dayan a déclaré sur la CNN: ”Je pensais connaitre à peu près nos ennemis. Personne ne pouvait seulement imaginer que c’est ce type d’ennemis que nous avons en face de nous. Tellement de choses se sont brisées. La sensation d’être toujours protégés s’est brisée. La sensation que nous connaissons notre ennemi s’est brisée, la sensation de sécurité nationale et individuelle s’est brisée, la sensation que notre armée sait tout et qu’il est impossible de la tromper, mais surtout, ce qui s’est brisé c’est la sentiment que le Hamas sait un peu ce qui est bon pour sa population. Lorsque l’on entend Khaled Meshaal, il ne faut pas l’écouter, regardez ce qu’ils ont fait dans la bordure de Gaza. Regardez les familles qui ont été décimées, les communautés exterminées, les personnes enlevées, les femmes violées, regardez cela. Je me demande comment nous, en tant qu’Etat, avons laissé grandir de tels monstres à côté de nous”.
Puis elle ajoute: ”Il y a une chose que nous comprenons après le 7 octobre: tous les Palestiniens ne sont pas le Hamas mais le Hamas ne serait pas ce qu’il est sans être protégé, soutenu et sauvé par des centaines de milliers de Palestiniens. La réalité d’avant le 7 octobre ne peut plus être la même”.
A l’instar d’Ilana Dayan, le journaliste vedette de la chaine 12, Dany Kushmaro, a aussi eu des mots très durs envers les Palestiniens de Gaza. Au sujet de l’aide humanitaire à Gaza, ce journaliste d’ordinaire très marqué à gauche, a déclaré à l’antenne: ”Il ne faut rien leur donner. Même pas une demi-cuillérée d’eau”. ”Nous avons 240 otages, dont des bébés, des enfants, des femmes, des personnes âgées, des malades qui sont aux mains du Hamas et nous n’avons aucune nouvelle, pas une visite de la Croix Rouge. Tant que cela sera le cas, rien. Rien. A la guerre comme à la guerre. Même une demi-cuillérée d’eau. On nous a dit que nous avions des hommes forts dans le gouvernement. Alors qu’ils résistent à la pression. De toute façon, ceux qui sont pour nous dans le monde, sont pour nous et ceux qui sont contre nous, sont contre nous”.
Dans le monde politique aussi, on a assisté à un retournement d’opinion. L’un des plus éclatants est celui du député Yesh Atid et ancien vice-ministre des Affaires étrangères, Idan Roll.
”Je faisais partie de ceux qui ont rencontré à la Maison Blanche et au Congrès, des élus et des fonctionnaires pour leur expliquer que nous avions augmenté les permis de travail et octroyer des facilités aux Gazaouis afin de garantir la stabilité de la Bande de Gaza”, écrit le député sur X, ”Je faisais partie de ceux qui pensaient que c’était la bonne voie pour la sécurité d’Israël. Cette approche s’est effondrée. On ne gère pas un conflit, on le remporte”.
Ils auraient demandé à nos vétérans de la guerre d’Algérie, aux Pieds-noirs ou aux Harkis et ils auraient compris avant de se faire massacrer comme ça.