Le 1er septembre, Harold Avraham Weill deviendra le grand rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin à seulement 34 ans. Retour sur un «septennat» aussi dur qu’heureux.
Il a été la figure de proue de la communauté juive toulousaine pendant sept ans. À seulement 34 ans, Harold Avraham Weill vient d’être nommé Grand rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin, l’une des plus importantes et certainement la plus ancienne du pays. Une promotion, même s’il préfère le terme d’«évolution», qu’il appréhende le plus sereinement du monde.
Cette nomination rime-t-elle avec promotion ?
Extérieurement, on peut voir ça comme une promotion mais je trouve cela prétentieux. Je préfère parler d’évolution, même si elle est importante. Les termes de promotion ou de plan de carrière sont en décalage avec l’idée qu’un rabbin se fait de son sacerdoce.
Vous étiez le plus jeune des trois rabbins en lice. Y voyez-vous un message ?
Même si l’école rabbinique produit des jeunes, quand vous avez moins de 40 ans, vous faites forcément partie des plus jeunes (rires) ! Mais il est vrai que je suis le plus jeune à un très grand poste. Strasbourg est une communauté tellement dynamique et ancienne qu’elle a une place à part dans le pays. Alors oui, je pense qu’il y avait une volonté de souffle nouveau. D’ailleurs, j’ai été nommé le jour de l’investiture d’Emmanuel Macron. Certains y verront peut-être un symbole (sourire). Mais ma jeunesse est à double tranchant : ça peut m’être reproché.
Pourquoi ?
Parce qu’en Alsace, il y a une grande représentativité de différentes communautés. C’est plus morcelé qu’à Toulouse et je veux être le rabbin de tout le monde. Je veux ramener les jeunes et poursuivre le dialogue inter-religieux. Maintenant, c’est ma capacité à relever des défis qui compte. Je crois que mon expérience à Toulouse a beaucoup joué dans cette nomination. Ce fut une très bonne école.
Tellement douloureuse…
Je retiens surtout les très, très beaux moments que j’ai passés ici avec ma famille et ma communauté. J’ai grandi et je me suis épanoui ici. Bien sûr que le 19 mars restera gravé dans ma mémoire à jamais. Je crois qu’il n’y a pas une personne présente ce jour-là qui n’y pense pas chaque matin en se levant. Mais notre force, c’est d’être parvenus à passer à autre chose. Je percute qu’entre nous, on n’en parle jamais : on vit ça dans notre intimité. Ça aurait pu se passer ailleurs et selon moi, c’est un mauvais procès pour la ville que d’attribuer Merah à Toulouse. On parle d’ailleurs beaucoup plus de l’assassin que des victimes…
Est-ce que vous vous êtes dit que vous n’aviez pas les épaules pour gérer un tel drame ?
Sincèrement, on ne réfléchit pas dans ces moments-là. Même si on prend une vague dans la figure, on ne le réalise qu’après. Il n’y avait pas de place pour le découragement, il s’agissait d’être digne et de prendre ses responsabilités. Mais je savais que je n’étais pas seul et que je pouvais compter sur la communauté. Le principe de la vie, c’est d’aller de l’avant.
Justement, n’était-ce pas dur de voir autant de juifs toulousains faire l’aliyah ?
Disons que je suis resté très neutre par rapport à cela. C’était significatif après Merah mais plutôt en 2013, 2014. Un retour en Israël se prépare et je n’ai pu que conseiller des gens qui avaient déjà pris leur décision pour des questions sécuritaires. Un choix très difficile, qui plus est quand on est dans l’âge mur et qu’on a des enfants scolarisés en France. Ils laissent une partie d’eux-mêmes. Sans parler de la barrière de la langue et de ses habitudes. On est français avant tout et certains sont perdus sans leur baguette de pain et leur camembert (rires) ! Mais là, le phénomène s’est vraiment calmé.
Vous reverra-t-on à Toulouse ?
Les occasions ne manqueront pas mais désormais, c’est un travail immense qui m’attend à Strasbourg. Avec ma femme et mes enfants, on portera Toulouse dans notre cœur de manière indéfectible.