Deux jours après les Etats-Unis, le Guatemala doit transférer officiellement son ambassade en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem, mercredi 16 mai. Le pays centre-américain avait officiellement reconnu Jérusalem comme la capitale d’Israël le 24 décembre 2017, moins de vingt jours après l’annonce de Donald Trump. Si cet acte est un moyen pour le président guatémaltèque, Jimmy Morales, d’afficher des relations étroites les Etats-Unis, il s’explique surtout par le lien aussi fort que mal connu unissant le Guatemala et Israël depuis soixante-dix ans.
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Liés par des relations diplomatiques étroites depuis 1948
Le 14 mai 1948, le Guatemala, par la voix du diplomate Jorge Garcia Granados, a été le deuxième pays au monde, après les Etats-Unis, à reconnaître l’existence d’un Etat juif sur le territoire de ce qui était alors la Palestine. M. Granados a joué un rôle majeur dans la création de l’Etat d’Israël : ce petit-fils d’un ancien dirigeant du pays a présidé le Comité spécial pour la Palestine, qui a recommandé dès 1947 la partition du territoire palestinien. Favorable à la solution des deux Etats, il a déployé d’intenses efforts pour que cette recommandation soit ratifiée par les Nations unies. Ce qui a été le cas : elle a été adoptée par 33 voix pour, 13 contre et 11 abstentions.
Le souvenir de Jorge Garcia Granados est encore vif en Israël : plusieurs rues portent son nom, dont une impasse à Jérusalem. Décédé en 1961, il considérait qu’Israël, tout comme le Guatemala, étaient des puissances fragiles et opprimées par « l’impérialisme britannique » : Israël car la Palestine était sous mandat britannique jusqu’en 1948, le Guatemala car la frontière avec le Belize a été imposée par la Grande-Bretagne en 1859. « Qu’est-ce que le Guatemala est loin d’Israël, et pourtant, qu’est-ce qu’il en est proche ! », aurait déclaré M. Granados.
Par la suite, le pays d’Amérique centrale a été le premier à établir des relations diplomatiques avec l’Etat hébreu nouvellement créé et à installer une ambassade à Jérusalem (en 1956), avec Jorge Garcia Granados comme premier ambassadeur. Et le Guatemala a été un des derniers pays à la déménager à Tel-Aviv, en 1980, après le vote d’une résolution de l’ONU l’enjoignant de le faire.
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Une coopération économique et militaire
« Si nous disposons d’une agriculture florissante, c’est grâce à la contribution israélienne. Si nous avons l’éducation, la médecine et la sécurité, c’est grâce aux Israéliens qui ont partagé leur expérience avec nous », avait déclaré Roberto Alejos, président du Congrès guatémaltèque, en 2009.
Le legs israélien au Guatemala est considérable. Lors de sa visite en Israël en 2016, la première à l’étranger après son élection, le président Jimmy Morales a signé plusieurs accords avec le gouvernement hébreu portant sur l’agriculture et la science. Israël a aussi apporté son expertise au Guatemala dans le domaine des nouvelles technologies, de l’amélioration des infrastructures civiles et de la modernisation des solutions de purification de l’eau.
Mais c’est surtout la coopération militaire qui marque les échanges entre les deux pays. Et ce, même dans les périodes les plus sombres. « Le pic [de cette coopération] a été atteint dans les années 1970 et 1980, quand Israël a vendu [du matériel militaire] au régime répressif du Guatemala », relate le quotidien israélien Ha’Aretz. Selon ce journal, l’Etat hébreu est devenu, au fil des années, le premier fournisseur de matériel militaire des forces guatémaltèques durant la guerre civile (1960-1996), tout en formant les soldats sur place, qui ont « réprimé des groupes insurgés, et, encore plus brutalement, des Indiens mayas indigènes ».
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« Plus que des amis, une famille »
« More than friends, family » : c’est le titre d’une tribune publiée dans le Jerusalem Post par Ilan Lopez, président de la branche latino-américaine de l’organisation pro-israélienne StandwithUs. Il y rappelle les liens étroits entre les peuples d’Amérique latine et d’Israël, matérialisés par un groupe Facebook intitulé « Unidos por Israel », suivi par plus de 670 000 personnes et relayant les actualités du pays hébreu à destination du public latino-américain.
Cette proximité est d’autant plus forte au Guatemala que ce pays compte une forte proportion (45 %) d’évangéliques. Ceux-ci considèrent que Jérusalem est la capitale légitime d’Israël, autant pour des raisons bibliques que politiques, et soutiennent le gouvernement de Benyamin Nקtanyahou. Cette relation a été concrétisée par la création, en 1967, d’un Institut promouvant la coopération entre le Guatemala et Israël, qualifié « d’académie sioniste évangélique » par la journaliste Irin Carmon dans le journal Tablet, en 2012.
M. Morales, lui-même un chrétien évangélique, a besoin du soutien électoral de cette communauté, très influente au Guatemala. « Celle-ci a soutenu financièrement, moralement et politiquement le candidat Morales durant les élections locales de 2015. La décision du président guatémaltèque s’explique donc en partie par une volonté de consolider sa base électorale, aux positions conservatrices en termes de politique extérieure », explique Kevin Parthenay, docteur en sciences politiques à Sciences Po et membre de l’exécutif de l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes (OPALC).
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Préserver les liens entre les Etats-Unis et le Guatemala
Si M. Morales a rapidement décidé de suivre les Etats-Unis, c’est aussi pour soigner ses relations avec le président américain. Le Guatemala, très dépendant des échanges commerciaux avec les Etats-Unis depuis la fin du XIXe siècle, a beaucoup à perdre à s’éloigner du géant américain : la menace brandie par Donald Trump de couper l’aide financière aux pays s’opposant au déménagement de l’ambassade aurait de fortes conséquences pour le pays d’Amérique centrale, qui a notamment reçu 297 millions de dollars d’aide des Etats-Unis en 2016.
Menacé par des affaires judiciaires dans son pays et critiqué pour sa gestion du pays, Jimmy Morales cherche également à consolider son image internationale pour regagner en légitimité auprès de son peuple. Sa décision, en août 2017, d’expulser le magistrat colombien Ivan Velazquez, à la tête de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (Cicig), placée sous les auspices de l’ONU, afin d’échapper à sa mise en examen pour corruption, avait provoqué un tollé.
« La décision de M. Morales semble être un calcul assez rationnel du point de vue de sa politique intérieure, conclut Kevin Parthenay. En revanche, il prend un risque important en se marginalisant de la communauté internationale. »
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