Pour Gilles-William Goldnadel, la polémique concernant Pétain relevait d’un anachronisme malhonnête et d’un anti-fascisme devenu maladif. Toutefois, il estime que Macron ne fait que récolter ce qu’il a semé, lui qui a multiplié les références aux années 30.
Je ne contredirai certainement pas notre Président de la République lorsqu’il utilise l’expression conceptuelle de «boîte à folie» pour décrire les «polémiques inutiles» et excessives, consécutives à la reconnaissance par lui de ce que l’ex – maréchal Pétain ait été un bon soldat (cf. notamment L’Express et Le Figaro, Guillaume Tabard, le 8 novembre).
Mes lecteurs savent le regard affligé que je porte sur l’univers névrotique médiatisé.
Ils savent aussi que je pointe la responsabilité de l’idéologie d’un pseudo – antinazisme devenu fou qui alimente compulsivement cette névrose médiatique.
C’est cette idéologie inconsciente qui a ouvert immédiatement la «boîte à folie» dès qu’Emmanuel Macron a prononcé le nom du symbole de la collaboration honteuse de l’État français avec Hitler et son nazisme.
Dans l’univers mental traumatisé de l’après-Shoah, le discours médiatique rationnel est aboli pour être remplacé par une manière de posture résistancielle qui n’est certainement pas la marque des authentiques résistants ou des antinazis véritables.
Nous sommes enfermés dans une boîte de déraison où l’anachronisme fou, le soupçon contagieux règnent en maîtres.
Il devrait pourtant être accessible à l’entendement rationnel de ce qu’un Président de la République en exercice puisse énoncer un lieu commun sur un lieu public mémoriel, à savoir qu’avant de se comporter ignominieusement en 1940, Philippe Pétain avait été un bon soldat en 1917.
D’autres présidents l’avaient précédé dans cette constatation de l’évidence, du général De Gaulle à François Mitterrand.
Et comme mon cher Serge Klarsfeld, pourtant fort sourcilleux sur le sujet, le constate dans son communiqué «… En 2010 j’ai rendu public le projet de statut des juifs de 1940 annoté de la main de Pétain et aggravé sensiblement par sa volonté ; il ne me viendrait pas à l’esprit de gommer ses mérites militaires de la première guerre mondiale puisque ce sont justement ceux-ci qui expliquent à la nouvelle génération le rôle funeste qu’il a joué de 1940 à 1944, en particulier à l’encontre de la population juive».
Si nous étions sur le terrain de la raison, nous nous perdrions en conjectures pour tenter de comprendre en quoi constater le génie militaire d’Attila ou le courage physique de l’aviateur Hermann Goering pourrait nous empêcher de les regarder comme des parfaites brutes.
Mais nous ne sommes pas dans la raison, nous sommes, effectivement, enfermés dans une boîte de déraison où l’anachronisme fou, le soupçon contagieux et l’invective dénonciatrice règnent en maîtres déchaînés.
À ce stade, ayant approuvé sans réserve la dénonciation présidentielle de «la boîte à folie», force est, malheureusement, de constater qu’il l’a lui-même ouverte à de nombreuses reprises et qu’il n’a guère été ménagé de l’idéologie qu’elle renferme.
Macron avait déjà ouvert lui-même cette boîte de Pandore de l’antinazisme devenu fou.
Il a en effet ouvert cette boîte à Pandore de l’antinazisme devenu fou, lorsqu’il s’est laissé aller à comparer, en terre algérienne, la colonisation française à un crime contre l’humanité , tel que conçu à Nuremberg.
Il l’a laissé béante lorsqu’il tient les patriotes français inquiets pour leurs frontières grandes ouvertes aux invasions- au même titre que ces poilus qui les défendaient et qu’il célébrait dans son étrange itinérance – pour des nationalistes lépreux.
Il ne l’a pas refermée, loin s’en faut, lorsqu’il brandit la lanterne du sauveteur progressiste sur une mer en fureur, à la lueur lugubre des années 30.
Et son chef de gouvernement, ordinairement mieux inspiré, commet le même anachronisme, quand pour commémorer la Nuit de Cristal de 1938, il déplore la progression de l’antisémitisme sans pointer l’islamisation radicale, la détestation pathologique d’Israël, la mollesse de la réaction judiciaire, le tout dans un contexte anti-occidental et antifrançais très actuel.
Bien entendu, j’insulterais l’intelligence présidentielle si je sous-estimais la part de cynisme électoral dans l’utilisation de la boîte idéologique.
Mais, qu’Emmanuel Macron prenne garde: en voulant recréer de toutes pièces un front fantasmatique contre des fascistes imaginaires, un génie facétieux pourrait bien sortir de la boîte et lui sauter à la face.
Pour le dire autrement, à une époque où l’utilisation de cette vieille sauce Diable fait moins recette, un référendum encoléré pourrait bien être concocté contre le cuisinier.
N’est Jupiter, ni de Gaulle, ni même Mitterrand, qui veut.
Gilles-William Goldnadel. Publié avec l’aimable autorisation du Figaro Vox.