FIGAROVOX/CHRONIQUE – Gilles-William Goldnadel puise dans l’actualité récente pour dénoncer une «asymétrie irrationnelle» dans le discours sur l’immigration. Selon l’avocat, ceux qui reprochent à la droite de stigmatiser les immigrés sont eux-mêmes «obsédés par la question raciale».
Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Il est président de l’association France-Israël. Toutes les semaines, il décrypte l’actualité pour FigaroVox.
Immigration: clé de compréhension du résultat de toutes les dernières consultations électorales en Europe, y compris les élections italiennes qui ont propulsé au pouvoir une coalition hétéroclite.
Immigration: débat devenu métaphysique autant qu’irrationnel. On peut tourner autour du pot, on peut tenter d’interdire d’en débattre, on peut faire comme si d’autres débats étaient plus essentiels, l’essentialisme existentiel qui hante la question migratoire nous condamne à la résoudre ou à périr.
Et que l’on ne vienne pas me taxer de grandiloquent ou d’alarmiste, les thèmes de l’actualité médiatique reviennent sans cesse et obsessionnellement, quels que soient les versants sur lesquels on l’aborde, sur cette question avant toute autre.
Trois versants gravis différemment serviront de prétexte à montrer l’irrationalité du débat, la duplicité morale de sa présentation et, qui sait, à y apporter une explication.
L’accueil triomphal d’un Cédric Herrou au festival de Cannes, paradant dans un smoking de vedettes tout en faisant un geste provocateur, permet d’ores et déjà d’en tirer deux conclusions.
La première, aussi fondamentale qu’inquiétante, montre que l’irrespect de la loi républicaine est devenu au mieux indifférent, au pire gratifiant. Il est totalement indiscutable que M. Herrou a transgressé la loi non en portant secours à des hommes en détresse sur le sol français, mais en allant chercher des migrants sans-papiers au-delà de la frontière. Il est indéniable qu’il s’agit d’un délinquant justement condamné. Il n’en demeure pas moins qu’au nom de la morale, ou plutôt de l’idée qu’ils s’en font, M. Herrou fait figure aux yeux de certains, de héros.
Dès lors, nous sommes déjà sur le terrain de l’irrationalité, puisque les mêmes qui voient dans la transgression de la loi une manière de promotion morale, sont les plus acharnés à voir la justice sanctionner religieusement et impitoyablement d’autres infractions, par exemple financières ou relatives au droit du travail.
Au menu de cette justice à la carte, on trouve inévitablement l’injustice morale.
De manière plus anecdotique, on remarquera, une fois encore, que le monde des plus nantis, incarné par celui du cinéma et de la jet-set, n’est pas gêné par ce paradoxe indécent de voir sa complaisance pour l’immigration illégale n’être source que de démagogie à bon marché plutôt que d’obligation coûteuse en termes d’engagement personnel. Le paraître généreux, le discours sirupeux valant à ses yeux bonne et valable quittance. Il ne se rend même plus compte que le peuple qui souffre finira par lui en réclamer.
Il n’en demeure pas moins que tant que la question morale malhonnêtement posée l’emportera sur la question légale subjuguée, la question migratoire demeurera biaisée.
Autrement dit, tant que les questions de la perversion du droit d’asile, du devoir des citoyens étrangers d’assister leurs pays, de ces derniers d’accueillir leurs nationaux déboutés du droit d’asile, du droit des citoyens des pays européens à la sécurité, à l’identité et au respect de leurs lois… ne seront pas soutenues fermement, le débat moral relèvera de l’escroquerie aux sentiments truqués et à l’émotion trafiquée.
Un autre événement, tout aussi anecdotique, est néanmoins révélateur des forces qui s’activent pour tenter d’user la résistance du peuple français. Xavier Lemoine, maire de Montfermeil a fait voter une résolution pour l’érection d’une stèle à la mémoire d’Arnaud Beltrame. Trois opposants du Front de gauche ont décidé de quitter la séance du conseil municipal pour protester contre le fait qu’il était inscrit que le héros était mort par la cause du «terrorisme islamiste». Les trois élus ont cru devoir expliquer leur indignation par le fait qu’ils voyaient dans cette mise en cause une stigmatisation des musulmans dans leur ensemble. Curieusement, les nombreuses plaques apposées dans Paris pour célébrer la mémoire des résistants FTP communistes «assassinés par les Allemands», expression combien plus globalisante que la précédente, n’ont jamais été taxées par le PCF de racisme anti germanique.
L’attitude de ces trois communistes ou apparentés n’a pas déclenché de réactions médiatiques particulièrement outrées.
Il existe clairement en France, particulièrement dans les banlieues, des partis de la gauche extrême qui, désormais par un clientélisme de survie, sont prêts à toutes les compromissions y compris en fermant les yeux devant le danger terroriste ou antisémite, pour ne pas désespérer non plus Billancourt mais l’islam radical.
Ces partis, pour n’être pas électoralement dominants, possèdent des relais médiatiques et intellectuels qui eux le sont encore largement. Raison pourquoi ceux-ci sont économes de toute mise en cause du terrorisme islamiste. Pour ne prendre que l’exemple le plus récent, hier dimanche 3 juillet, France Inter consacrait un reportage à 9h 08 à la commémoration du premier anniversaire de l’attentat à Londres par trois terroristes islamistes sur le London bridge.
La lecture du reportage sur le site de la radio de service public montre qu’un huron fraîchement débarqué et écoutant la station ignorerait tout de l’identité des assassins et des causes de l’attentat.
Ce sont évidemment les mêmes qui sont à la manœuvre lorsqu’il s’agit d’arbitrer le débat migratoire.
Il faut bien comprendre que le cœur du débat, la question essentielle mais que l’on ne pose pas, parce qu’on ne la voit pas, réside dans le regard que l’on pose sur l’Autre en raison de celui que l’on porte sur soi.
C’est là où la plus récente actualité de la semaine peut apporter quelque éclairage sur la question. Je veux parler ici de la manière dont l’exploit héroïque de Mamoudou Gassama, citoyen malien sans-papiers et sauveteur courageux d’un enfant, a été regardé.
Tout d’abord, force est de constater que son acte splendide a fait l’objet d’une admiration et de la reconnaissance nationale dans son ensemble. Même l’ex Front du même nom n’a pas tari d’éloges.
Cette constatation en elle-même est une indication .
Ensuite, passé le temps de l’émotion, un commencement de polémique est né à l’encontre de l’exploitation politique de l’événement en faveur des migrants.
Ivan Rioufol, notamment, a remarqué objectivement dans son dernier bloc-notes du Figaro que le jeune Marin, qui vint, pour son grand malheur, au secours d’un couple d’amoureux agressé pour s’être embrassés, ne reçut pas le même hommage médiatique.
En réalité, si le débat était rationnel, l’observateur devrait être placé devant une alternative très simple: ne vouloir regarder le migrant sauveteur que pour ce qu’il est d’abord: un homme et un sauveur.
Ou bien, le voir également pour ce qu’il est ensuite: un migrant étranger. Dans ce cas, libre à l’observateur de faire remarquer que le petit Français a eu bien de la chance de pouvoir être tenu dans sa main par un migrant malien, fût-il irrégulier, et d’en tirer si bon lui semble des conclusions politiques plus générales.
Mais dans ce cas encore, libre à tous les observateurs d’utiliser leur liberté pour pouvoir observer des migrants terroristes, des migrants violeurs, des migrants voleurs ou tout simplement illégaux, réclamer leur expulsion et y voir aussi un problème politique.
Mais cette liberté-là est interdite. Il est loisible de féliciter un migrant es qualité de migrant, mais il est strictement prohibé de critiquer symétriquement un migrant sous peine, immédiatement, d’être soupçonné de sorcellerie raciste puis brûlé en place médiatique.
C’est cette asymétrie irrationnelle qui fausse évidemment le débat politique sur la question migratoire.
Mais au-delà de l’injustice médiatique et politique délibérée, il faut questionner, pour tenter d’y remédier, les causes secrètes de l’asymétrie.
On trouve la réponse dans la chronique que je publiais dans ces mêmes colonnes la semaine dernière et que je consacrais à la sortie présidentielle sur «le mâle blanc». Je constatais que l’expression raciale triviale utilisée par Emmanuel Macron pour dénier désormais à l’occidental des banlieues une compétence totale pour gérer les quartiers n’était médiatiquement admissible que parce que négative. J’exposais que le président n’aurait pas utilisé cette locution chromatique pour saluer par exemple un exploit sportif…
Il en est de même cette semaine, symétriquement, pour un migrant malien. Il est loisible de le féliciter d’un exploit tout en mettant en avant son origine et son statut. En revanche, toute critique négative de celui que l’on oserait nommer «mâle noir» relèverait de l’intolérable transgression.
On aura compris, ou tout au moins, ceux qui veulent comprendre, que tant que le débat politique sur la question migratoire sera pollué par l’obsession raciale issue d’un antiracisme devenu fou pour cause de racisme culpabilisateur anti-occidental, il n’y a aucune chance que la France puisse conjurer ce danger existentiel qui la guette et la hante.
Source www.lefigaro.fr