Invité d’Apolline de Malherbe dans la matinale de BFMTV et RMC, le politologue Gilles Kepel a dénoncé la prison comme un « incubateur du jihadisme » et appelé à une réforme de l’administration pénitentiaire.
Abdelkader Merah, frère de l’auteur des multiples tueries en mars 2012 à Toulouse et Montauban, a été condamné ce jeudi à 20 ans de réclusion pour association de malfaiteurs terroriste, mais n’a pas été reconnu coupable de complicité d’assassinats.
Pour Gilles Kepel, politologue et universitaire spécialisé dans l’islam et le monde arabe contemporain, il est « probable » que le verdict soit vu comme un « succès » pour les jihadistes.
« La justice n’a pas à se prononcer par rapport à l’opinion publique, elle se prononce par rapport à des faits, mais en réalité, il est probable que, dans la mouvance jihadiste, ce verdict sera considéré comme un succès, parce qu’il n’a pas eu la peine maximale », a-t-il réagi ce vendredi dans la matinale de BFMTV et RMC.
Une analyse qui rejoint celle du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), qui a regretté que « la justice n’ait pas été au bout alors que les éléments du dossier le justifiaient » et craint « que les terroristes islamistes voient dans ce verdict un signe de faiblesse ».
Certaines parties civiles, dont Latifa Ibn Ziaten, mère d’Imad Ibn Ziaten tué le 11 mars 2012, a également regretté qu’ « on ne soit pas allé jusqu’au bout » et appelé la France à « se réveiller ».
La prison, « incubateur du jihadisme »
De plus, l’universitaire craint que la case prison ne résolve rien. « Malheureusement, dans l’état actuel des choses, (…) la prison est le principal échec de la machine judiciaire français face au jihadisme », critique-t-il, soutenant que l’emprisonnement reste « l’incubateur du jihadisme ».
« La prison, c’est l’occasion de se former, de lire, de faire du prosélytisme, c’’est là que se fait aujourd’hui le débat » pour ce que Gilles Kepel dénomme un « après jihad ‘troisième génération' ». Ce jihad « de troisième génération » prendrait selon lui ses racines dans une jeunesse immigrée d’origine musulmane, s’appuyant sur « des comportements délictueux » et des « familles brisées ».
« On voit bien qu’il y a une sorte de déprime, de blues des jihadistes qui cherchent une nouvelle manière de voir les choses. Il ne faudrait pas que cela soit dans l’incubateur carcéral que cela naisse », relève-t-il.
Estimant que « la machine de ce jihadisme 3G » étant « enrayée », l’universitaire considère que la France est à un moment crucial où « l’Etat (doit) prendre les moyens de penser la question de la justice ».