Emmanuel Navon est un géopolitoloque qui enseigne à l’Université de Tel-Aviv et au Centre interdisciplinaire de Herzliya. Il est Senior Fellow à l’institut d’études stratégiques de Jérusalem (The Jerusalem Insitute for Strategic Studies – JISS) ainsi qu’au Forum Kohelet et analyste pour la chaîne I24news.
Nous nous sommes entretenus avec lui sur les enjeux stratégiques de la riposte à Gaza.
Le P’tit Hebdo: Peut-on dire que, pour l’heure, la réponse israélienne face aux provocations du Hamas, est faible?
Emmanuel Navon: Il ne s’agit pas d’analyser la réaction israélienne en termes de faiblesse ou de force. Tsahal n’a pas en face d’elle une armée régulière mais des organisations terroristes. Dans ce cas précis de conflits asymétriques, la force militaire doit être employée mais avec retenue parce que nous avons des principes et que nous sommes soumis à des règles juridiques internationales. Elle ne suffit pas pour régler les problèmes. La véritable question à se poser est celle des options possibles face au Hamas. Pour le moment, l’option d’une guerre n’est pas envisagée parce qu’elle a coût humain et financier important et qu’elle ne permet pas, de toute façon, de solution définitive. Quand on analyse la dernière opération, Tsouk Eytan, on comptabilise de très nombreux morts, 50 jours de conflit et au final, la victoire n’était pas vraiment claire.
Lph: Peut-on dégager une stratégie militaire?
E.N.: Pour le moment, la stratégie est celle du coup par coup. Tsahal répond à chaque menace, chaque coup porté: destruction des tunnels, réponse militaire ciblée face aux missiles lancés sur le Sud et contre les cerfs-volants incendiaires. La seule solution valable c’est la dissuasion, et apparemment, si nous avons réussi à l’imposer au Liban, le Hamas nous tient toujours tête.
Lph: Cela n’empêche pas beaucoup de citoyens de s’interroger sur qui mène la danse dans le Sud.
E.N.: C’est le Hamas qui a décidé de provoquer Israël. Mais il ne décidera jamais de ce que sera la réaction d’Israël. S’il s’engage dans un conflit, ce ne sera pas selon les volontés du Hamas, mais bien parce que le gouvernement estimera que les coûts d’une guerre seront inférieurs aux bénéfices et que son issue sera concluante pour Israël.
Lph: Quel rôle joue ou pourrait jouer l’Egypte?
E.N.: Le Hamas est le souci d’Israël, pas de l’Egypte. A-Sissi est contre le Hamas parce que l’Iran se trouve derrière, mais il ne se préoccupe guère de ce qui se passe en Israël. Si l’on veut avoir l’Egypte de notre côté, il faudra qu’en collaboration avec les Etats-Unis, l’on donne à l’Egypte des raisons économiques de s’impliquer à Gaza.
Lph: Et les Etats-Unis? Peuvent-ils obtenir des résultats, notamment par le biais d’un plan de paix qui inclurait Gaza?
E.N.: Cela pourrait aider à calmer les esprits, surtout si les avantages économiques proposés au Hamas sont intéressants. Mais le problème, c’est que le Hamas n’est pas fiable. Les Etats-Unis devraient commencer par la source en affaiblissant et isolant l’Iran.
Lph: Mahmoud Abbas compte-t-il dans l’évaluation des solutions à apporter à la situation à Gaza?
E.N.: Mahmoud Abbas est en fin de course, il n’a plus aucun pouvoir, il ne contrôle absolument pas la bande de Gaza. Son seul levier est l’arrêt du versement des salaires des fonctionnaires du Hamas, mais force est de constater que cela n’influence rien sur le terrain. Aucun dirigeant palestinien ne pourra être d’une quelconque utilité à Gaza, parce qu’ils sont pris dans un double jeu: ils ne peuvent pas condamner le Hamas de manière forte et univoque.
Lph: La reconquête de la Bande de Gaza serait-elle une solution efficace?
E.N.: Dans les faits, cela résoudrait, effectivement, les problèmes. Lorsqu’Israël était à Gaza, tout ceci n’existait pas. Nous n’avions pas de tunnels qui menaçaient les habitants de la frontière, nous n’avions pas de guerres à mener tous les trois ans. La situation actuelle pointe l’aberration du retrait de 2005, qui a été une tragédie humaine pour les Israéliens, mais aussi pour les Gazaouis.
Ceci étant, la société israélienne ne semble pas prête, aujourd’hui, à payer ce prix.
Lph: Quel message souhaiteriez-vous passer aux habitants du Sud?
E.N.: Je veux d’abord leur dire qu’ils sont des héros. Ils sont sur la ligne de front, pour nous tous. Nous devons les remercier pour leur sacrifice: il est apprécié et il n’est pas vain.
Quand on regarde l’histoire du peuple juif, on ne peut qu’être optimiste. Israël parviendra à surmonter. Il faut de la détermination, de la patience et du sacrifice: ce sont les ingrédients pour une victoire, qui, nous devons en être sûr, arrivera.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay – Lphinfo