Cet humanitarisme-là aurait-il à voir avec l’antisémitisme ?
Dans un entretien récent accordé au New York Times, Anthony Blinken, ex-secrétaire d’Etat de Joe Biden a fait part de sa stupéfaction. Pourquoi le monde entier ne s’est-il pas mobilisé en faveur des otages juifs détenus par le Hamas à Gaza ? « Pourquoi n’y a-t-il pas eu un chœur unanime dans le monde pour que le Hamas dépose les armes, rende les otages, se rende ? Je ne sais pas » a-t-il dit.
L’individu ne manque pas de toupet. Que n’a-t-il menacé le Qatar qui a financé le Hamas et hébergé ses dirigeants ? Que n’a-t-il menacé le Hamas directement ? Que n’a-t-il mobilisé l’ONU, l’OMS, l’Unesco en faveur des otages ? Mais non! Rien !
Blinken et l’administration Biden semblent n’avoir été préoccupés que d’une chose : faire savoir au monde (et à leurs électeurs) que la population de Gaza ne souffrirait pas de la guerre entre Israël et le Hamas.
« Lors de mon tout premier voyage en Israël, cinq jours après le 7 octobre, j’ai passé avec mon équipe neuf heures au quartier général de l’armée israélienne à Tel-Aviv, six étages sous terre, avec le gouvernement israélien, y compris le Premier ministre, et nous avons notamment discuté pendant des heures de la proposition fondamentale selon laquelle l’aide humanitaire devait parvenir aux Palestiniens de Gaza » a expliqué Blinken au New York Times.
La « proposition fondamentale » évoquée par Blinken n’était pas de récupérer les otages, mais de protéger les « Palestiniens » des effets de la guerre. Pourquoi les protéger avec autant d’acharnement ? Parce qu’ils sont « innocents ».
En mars 2024, Anthony Blinken a rappelé que le bien être des civils de Gaza devait être la « première des priorités » (« top priority ») de l’armée israélienne. Il n’a même pas évoqué les otages à cette occasion.
Quand Israël a projeté une offensive terrestre dans la ville de Rafah, le dernier bastion du Hamas, les États-Unis s’y sont opposés, à moins « qu’Israël n’ait un plan pour protéger les civils ».
On pourrait multiplier les exemples.
Il ne s’agit pas d’affirmer ici que tous les Gazaouis sont coupables. Mais d’essayer de comprendre ! Pourquoi l’administration Biden a-t-elle entrepris d’ « innocenter » les Gazaouis qui ont donné la majorité absolue au Hamas aux élections législatives de 2006 (76 sièges sur 132) ? Pourquoi blanchir ces Gazaouis alors qu’ils ont endoctrinés leurs enfants en les confiant aux colonies de vacances militarisées du Hamas ; alors qu’ils ont accompagné les miliciens du Hamas le 7 octobre 2023 pour piller et massacrer les habitants juifs des kibboutz ; alors que nombre d’entre eux ont craché et conspué les otages juifs ramenés dans l’enclave palestinienne le 7 octobre 2023 ; alors que certains gazaouis ont hébergé des otages juifs moyennant finances par le Hamas, et alors que dans l’ensemble, peu se sont réellement plaints d’être transformés en boucliers humains par le Hamas ?
« Civils innocents » peut-il réellement qualifier une population gazaouie dont « la quantité d’armes, de littérature antisémite haineuse, et de tunnels d’évasion découverts dans leurs appartements contredit l’idée d’innocence bienveillante » demande le Dr Irwin Mansdorff du Jerusalem Center for Security and Foreign Affairs.
A l’évidence, « civils innocents » ne repose sur rien dans le cas de Gaza. Utiliser un tel « concept » ne peut avoir qu’un but : falsifier la réalité.
- « Civils innocents » nie la logique de bouclier humain dans laquelle le Hamas a enfermé sa population. « Le Hamas, groupe militant islamiste (…) utilise des boucliers humains dans les conflits avec Israël depuis 2007 » écrit le Nato Strategic Communications centre, un centre de recherche de l’OTAN. « La logique stratégique des boucliers humains a deux composantes. Elle repose sur la prise de conscience du désir d’Israël de minimiser les dommages collatéraux et sur la sensibilité de l’opinion publique occidentale aux pertes civiles ».
En mettant l’accent sur les « civils innocents », l’administration Biden ne dénonce pas la stratégie militaire du Hamas qui sacrifie ostensiblement sa population. Non, l’administration Biden se pose en protecteur de cette population civile gazaouie et en protecteur de la sensibilité de l’opinion publique occidentale. Car ce qui menace les Gazaouis et la sensibilité des populations occidentales, c’est l’armée israélienne. Même si Israël s’emploie à réduire les dommages collatéraux, Tsahal est désigné comme l’agresseur. Et les mesures prises par Tsahal sur le terrain pour protéger les civils seront toujours jugées insuffisantes et son action militaire « disproportionnée ».
- « Civils innocents » a pour but de priver Israël de tout contrôle sur la population de Gaza. Les centaines de camions d’aide alimentaire et sanitaire qui sont rentrés quotidiennement à Gaza tout au long de la guerre ont privé Israël de tout contrôle sur la population. Dans un article très documenté consacré à l’aide alimentaire qui rentre à Gaza, le New York Times révèle que les miliciens du Hamas et des bandes de pillards sont en concurrence pour attaquer les camions, piller la nourriture et la revendre à la population. « Les organisations humanitaires internationales accusent Israël d’ignorer le problème et de laisser les pillards agir en toute impunité » écrit le New York Times. Mais simultanément, « l’ONU n’autorise pas les soldats israéliens à protéger les convois d’aide, de peur que cela ne compromette sa neutralité. Et ses responsables ont appelé Israël à autoriser la police de Gaza, qui est sous l’autorité du Hamas, à sécuriser leurs convois » écrit le New York Times.
Oui, vous avez bien lu :
– 1 – L’ONU n’autorise pas les soldats israéliens à protéger les convois
– 2- L’ONU exige que la police du Hamas contrôle l’aide alimentaire.
Nourrir les « civils innocents » apparait donc comme un moyen utilisé par l’ONU pour que le Hamas conserve le contrôle de la population.
Essayez de gagner une guerre dans ces conditions !
- « Civils innocents » incite les médias occidentaux à instiller l’idée que chaque victime civile a été ciblée volontairement par Tsahal.
Jeremy Bowen de BBC Middle East, Peter Beaumont du Guardian, Kim Sengupta du journal The Independent ou Christophe Ayad, chef du service international du journal Le Monde ont tous nié que le Hamas force les civils à demeurer dans les zones de combat et affirment que les boucliers humains sont un mythe. Si le Hamas tire des roquettes à proximité des écoles ou des hôpitaux, c’est tout simplement parce que l’armée israélienne est de « mauvaise foi» et que Gaza est « l’un des territoires les plus densément peuplés au monde ».
C’est vrai quoi, il faut bien les tirer de quelque part ces roquettes.
En fait Jérémy Bowen vend involontairement la mèche quand il écrit qu’à Gaza le Hamas et la population ne font qu’un. « Je n’ai vu aucune preuve au cours de ma semaine à Gaza des accusations d’Israël selon lesquelles le Hamas utilise les Palestiniens comme boucliers humains. J’ai vu des hommes du Hamas aux coins des rues, surveillant ce qui se passait. C’étaient des gens du coin et tout le monde les connaissait, même les jeunes garçons. Raji Sourani, le directeur du Centre palestinien pour les droits de l’homme à Gaza, m’a dit que le Hamas, quoi qu’on en pense, fait partie de l’ADN palestinien. »
Cibler le Hamas revient, dans tous les cas, à cibler les « civils innocents ».
- Mais la vraie logique du « civil innocent » pourrait bien avoir pour but de préserver la solution de l’Etat Palestinien.
La notion de « civils innocents » permet de dissocier la population palestinienne du Hamas. Cette distinction est essentielle pour soutenir l’idée que la population civile palestinienne n’est pas une population terroriste et qu’elle a droit à l’autodétermination et à un État.
L «’innocence » des civils contribue ainsi à humaniser les Palestiniens. Il faut à tout prix empêcher que l’opinion publique mondiale de les considère comme des supplétifs barbares du Hamas. Il faut donc les présenter comme subissant le Hamas. Ils souffrent du Hamas, tout comme les civils israéliens souffrent du Hamas. Cette humanisation est cruciale pour instaurer un climat de confiance et d’empathie, indispensable à la « paix ».
En couplant « innocence » et « souffrance » on peut avancer en toute sécurité l’idée que la population de Gaza mérite une reconnaissance politique et un cadre étatique qui garantisse ses droits et sa sécurité.
Et les otages b….l ?
Si « Civil innocent » s’applique aux habitants de Gaza, et à eux seulement, la question qui surgit immanquablement est la suivante : mais de quoi les otages juifs du Hamas sont-ils coupables ? Qu’ont-ils fait pour que le monde entier se désintéresse à ce point de leur sort ?
Germe alors le soupçon que « civil innocent » est le corollaire d’un autre mensonge : que Tsahal mène une guerre génocidaire à Gaza.
« Civil innocent » serait alors le pendant d’un scandaleux slogan qu’on peut lire sur les murs des capitales occidentales « Juif = nazi ».
Yves Mamou – Decryptages