Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps
Les regains de violence en Cisjordanie sont cycliques mais cette fois c’était à l’initiative du ministre de la Défense. Il ne peut plus supporter le double langage du ‘Hamas qui, en présence des Égyptiens, fait preuve de la plus grande ouverture en acceptant certaines concessions puis vis-à-vis de ses militants les pousse à agir aux frontières de Gaza en envoyant des ballons enflammés. Des hauts dirigeants du ‘Hamas clament qu’ils sont à la veille d’un accord d’échange de prisonniers mais encouragent par ailleurs les terroristes à agir contre Israël. Certes, ces moyens de pression du ‘Hamas sont à destination de l’Autorité palestinienne qui bloque les fonds et qui reporte sans cesse les élections et contre Israël pour assouplir les restrictions sur Gaza et permettre à l’aide d’atteindre le territoire.
Gantz a proposé une paix des braves sous réserve du retour des deux corps de militaires et de la libération des deux prisonniers. Mais le Hamas refuse de se séparer de ses éléments concrets de chantage. Netanyahou avait toujours ménagé le Hamas car il s’agissait de faire contrepoids à l’AP et de maintenir la partition de Gaza car, en laissant subsister deux entités distinctes, la création d’un État palestinien devenait impossible. Mais cette modération vis-à-vis des islamistes de Gaza n’ont jamais empêché les affrontements qui n’ont pas cessé de s’intensifier en mai 2021 avec plus de 1.500 roquettes tirées depuis Gaza vers trois villes d’Israël (Ashkelon, Netivot, Sdérot). Dans un communiqué, le Hamas s’en était glorifié mais la réaction israélienne avait été à la mesure de la violence des tirs de missiles avec la mort de 150 Arabes et de 10 Israéliens.
Les affrontements de mai étaient consécutifs à la décision, annulée depuis, d’expulser quatre familles palestiniennes de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est. Des Juifs ont revendiqué la propriété de ces maisons. L’esplanade du Temple a alors été l’objet de manifestations violentes arabes le 7 mai contre les forces de l’ordre, entrainant plus 520 Palestiniens et 52 policiers blessés. Ces violences ont été préméditées et orchestrées par les adversaires du Fatah. Les manifestations ne sont pas la résultante de questions liées à Israël mais de problèmes internes aux clans palestiniens. Au temps de Trump, les Palestiniens avaient voulu exprimer leur colère et leur frustration devant les décisions américaines de déplacer l’ambassade des Etats-Unis de Tel Aviv à Jérusalem et de suspendre la participation financière des Etats-Unis à l’UNRWA (Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens). L’annulation des législatives palestiniennes, les premières depuis 15 ans, ont conduit à la résurgence des violences.
La signature des accords d’Abraham a donné l’impression que le conflit israélo-palestinien était stabilisé. Les États du Golfe étaient tellement encombrés par leur soutien officiel à la cause palestinienne qu’ils ont fini par ignorer le conflit au Proche-Orient. Cependant le Hamas tenait à se rappeler aux bons souvenirs des pays qui avaient préféré se désengager du problème et a poussé à la manifestation pour éviter que les Occidentaux s’installent dans le statu quo. Mais le Hamas ne se rendait pas compte que, plus l’intransigeance palestinienne subsistait, et plus le territoire potentiel qui leur sera alloué se rétrécirait.
Le Hamas était le maitre des horloges, décidant de la pluie et du beau temps, et pour éviter toute stagnation politique, il réveillait de temps en temps ses militants pour aller au feu ; l’intifada à la place des urnes. L’immobilisme politique ainsi que l’égoïsme des dirigeants arabes engendrent une frustration qu’ils finissent par exprimer par les armes. Ajoutée à cette situation, la division du camp palestinien aggrave les dissensions. Au Fatah et au Hamas s’interpose à présent le djihad islamique et à trois ils contrôlent chacun un bout de territoire sans coopérer tant la concurrence est rude.
Les Israéliens observent et, devant ce blocage, reportent les discussions sine die en l’absence d’interlocuteur unique et légitime. Alors le Hamas a prôné la violence en créant et en noyautant de nombreuses cellules en Cisjordanie estimant qu’il était en droit d’instrumentaliser la désillusion du peuple palestinien. Se sentant dépassé par le Hamas, c’est le moment choisi par Mahmoud Abbas pour menacer d’annuler la reconnaissance d’Israël par les Palestiniens si l’État hébreu ne se retire pas de Cisjordanie, de la bande de Gaza et de Jérusalem-Est dans un délai d’un an. Trop c’est trop et Benny Gantz ne supporte pas le chantage, contrairement à ses prédécesseurs. Il est prêt à négocier mais pas sous la contrainte et il l’a prouvé en se rendant à Ramallah.
Tsahal a donc reçu l’ordre d’initier le feu contre les infrastructures du Hamas en Cisjordanie qui avaient été ménagées sous l’ère Netanyahou. Des raids israéliens ont été organisés à Burqin, Qabatiya, Kafr Dan, Biddu et Beit Anan, avec des échanges de coups de feu. Avant que le Hamas agisse, l’armée a décidé de choisir les grands moyens en envoyant en Cisjordanie l’unité d’élite Duvdevan, particulièrement connue pour les opérations anti-terroristes. Ses commandos s’infiltrent souvent dans les villages arabes en portant des vêtements civils arabes en guise d’un déguisement. Au cours de la nuit du 26 septembre, des soldats de l’unité Duvdevan ont entrepris de casser l’infrastructure du Hamas en capturant un terroriste armé important à Jénine. Tôt le matin, l’armée s’est lancée dans quatre opérations différentes pour arrêter des terroristes ; ils ont neutralisé un terroriste armé, à Bruqin entrainant une fusillade avec des hommes armés et la mort d’un terroriste armé. Un autre a été arrêté sans incident à Kabatiya. Trois terroristes ont été tués dans une fusillade dans un bâtiment fortement fortifié de la région de Har Adar.
Le bilan de l’opération est lourd : cinq Palestiniens ont été tués lors des différentes opérations mais un officier et un soldat israéliens ont été blessés grièvement lors de ces opérations dans le village de Bruqin. Trois des Palestiniens, tous originaires de Biddu, ont été tués dans le village de Beit Anan. Les trois hommes ont été identifiés par leurs familles comme étant Ahmad Zahran, Mahmoud Hmaidan et Zakariya Badwan. Au moins deux Palestiniens ont également été tués par les forces israéliennes près de Jénine. L’un des terroristes tués près de Jénine, le plus actif et le plus important, s’appelait Osama Soboh 22 ans, du village de Burqin, au sud-ouest de la ville de Jénine. Le djihad islamique a reconnu que Soboh était membre de la branche militaire des Brigades Al-Quds.
Le Dr Hani Bahus, directeur de l’unité de traumatologie de l’hôpital Rambam, a déclaré que «les deux blessés israéliens sont dans un état grave et instable avec des plaies de pénétration, plusieurs interventions chirurgicales ont été effectuées pour stabiliser leur état. D’autres interventions chirurgicales sont attendues. Il n’y a actuellement aucun danger pour leur vie, même s’il s’agit de blessures complexes et graves».
Tsahal avait décidé une action préventive planifiée. Il a modifié sa tactique en allant au-devant des terroristes sans attendre qu’ils agissent. Cette méthode d’intimidation est privilégiée pour limiter les dégâts. Benny Gantz souhaite dorénavant être le maitre des horloges et ne plus dépendre du bon vouloir ou de l’humeur du Hamas. Il veut être dorénavant à l’initiative.