Vladimir Poutine envisageait de lancer une opération rapide et ciblée contre l’Ukraine.
Bombardements destinés à détruire les bases et les aéroports militaires, ainsi que les moyens de défense aérienne ukrainiens, demande de reddition à l’armée ukrainienne, renversement du gouvernement à Kiev. Les choses ne se passent pas comme prévu. Cinq jours après le début d’une opération qui devait durer moins longtemps que cela, les moyens de défense aérienne ukrainiens viennent tout juste d’être détruits, l’armée ukrainienne résiste mieux que prévu, les habitants de Kiev qui n’ont pas quitté la ville ont des armes et résistent, et entrer dans la ville se révèle difficile. Volodymyr Zelensky n’a pas accepté de fuir, comme l’administration Biden le lui proposait, a choisi de rester à son poste et a dit qu’il y restera jusqu’à la mort. La stratégie de Vladimir Poutine a échoué, ce qui montre qu’il a sous-estimé ce à quoi il ferait face. C’est ce qui explique qu’il ait décidé de mobiliser ses armes nucléaires et qu’il ait accepté des négociations qui ne faisaient pas du tout partie de ses intentions. Il est confronté à des morts russes qui ne rentreront pas en Russie car les unités militaires russes semblent équipées de moyens de brûler les cadavres de soldats morts, mais la population russe ne pourra indéfiniment ignorer qu’il y a des morts russes par milliers, et nombre de Russes rejettent la guerre et manifestent dans plusieurs grandes villes russes, dont Moscou et St Petersbourg. La réputation de grand joueur d’échecs machiavélien qui était celle de Vladimir Poutine jusque voici quelques jours, et qui était fondée, se trouve ébranlée.
Vladimir Poutine ne peut se permettre de rester en situation d’échec, et nul ne sait ce qu’il va décider. Sans doute une offensive plus massive.
La guerre finira par une victoire russe, tant la disproportion des forces est importante, mais la question est : à quel prix la victoire sera-t-elle obtenue par Poutine ? Des bombes thermobariques ont été employées dans les heures qui viennent de s’écouler, et ce pourrait n’être qu’un début.
En tout cas, si Poutine entend encore installer un régime à sa solde à Kiev, il ne pourra pas compter sur la soumission résignée de la population et devra, pour que ce régime puisse s’installer, faire ce qu’il ne voulait pas faire : envahir l’Ukraine et l’occuper militairement, et la question qui se posera vite pour lui est : est-ce possible, tant cela impliquera pour lui des ressources financières immenses et une mobilisation militaire dans la durée. S’il n’envahit pas l’Ukraine et ne l’occupe pas militairement, il ne pourra pas installer un régime à sa solde. L’alternative désormais plus vraisemblable, serait une division de l’Ukraine en deux zones en guerre latente ou patente. Les accords de Minsk auraient offert une autonomie interne à l’Ukraine pour les républiques de Donetsk et de Luhansk, ils sont partis en fumée parce que le gouvernement de Kiev ne les a pas respectés et a harcelé les deux républiques, et parce qu’il y a eu maintenant l’intervention russe. Les deux zones seront, le cas échéant, l’Ouest, de Lviv à Kiev, et à l’Est les deux républiques, séparées de l’Ukraine, ainsi que l’intégralité du Donbass, qui est la zone industrielle et minière de l’Ukraine, ainsi que la Crimée, et la zone Est sera “territoire indépendant” sous tutelle russe.
On verra plus précisément dans quelques jours comment la situation évolue, mais en tout cas, Poutine ne restera pas en situation d’échec et emploiera tous les moyens pour redresser la situation. Il a commencé à le faire.
Et cela ne change strictement rien aux autres paramètres qu’il importe de regarder en face.
L’administration Biden ne va pas devenir une administration courageuse, déterminée, moins à gauche et moins perverse. Elle a créé la situation présente en accordant d’immenses avantages à Poutine (diminution drastique de la production énergétique américaine conduisant à une forte hausse des prix du pétrole et du gaz et dès lors à accroissement considérable de revenus pour la Russie et au placement de l’Europe occidentale et des Etats-Unis en dépendance du gaz et du pétrole russes), en laissant Volodymyr Zelensky se faire inutilement provoquant vis-à-vis de Poutine (et en harcelant les deux républiques russophones autoproclamées, Luhansk, Donetsk), et en faisant savoir en parallèle que si Poutine attaquait, elle, administration Biden ne réagirait pas : ce qui équivalait à envoyer l’Ukraine vers le suicide. L’administration Biden s’apprête par ailleurs à signer un accord catastrophique avec l’Iran des mollahs et en ayant montré qu’elle ne réagirait pas si Poutine attaquait l’Ukraine, elle a montré à la Chine qu’elle ne réagirait pas davantage si la Chine s’en prenait à Taiwan. Aucune des sanctions prises par l’administration Biden contre la Russie n’est efficace, et en ayant proposé la fuite à Volodymyr Zelensky, elle a montré que son orientation fondamentale était le défaitisme actif face aux ennemis de la liberté, russes, chinois, iraniens.
Les dirigeants d’Europe occidentales ne sont devenus ni plus lucides ni plus courageux. Ils ont décidé l’exclusion de banques russes (et de la Banque centrale russe) du système Swift, et cela va nuire à l’économie russe, mais cette décision ne peut être que temporaire dès lors qu’elle signifie que l’Europe ne pourra plus payer le gaz et le pétrole russes tant que l’exclusion durera, sauf si elle paie en yuan. La promesse de l’Allemagne de doubler ses dépenses militaires ne sera vraisemblablement elle-même que très temporaire. L’Europe occidentale reste faible, dépendante de la Russie, sans armée digne de ce nom, orientée diplomatiquement vers l’apaisement, et ses dirigeants continuent à se courber devant la Chine et sont prêts à signer l’accord catastrophique avec l’Iran des mollahs que l’administration Biden s’apprête à signer. Les dirigeants d’Europe occidentales sont eux-mêmes fondamentalement orientés vers le défaitisme actif.
La compréhension géopolitique de la situation en Europe est très largement absente, et c’est consternant. Aucun analyste en Europe ne raisonne en termes de défense du monde démocratique face au monde autoritaire-totalitaire, ou ceux qui le font parlent comme si les Etats-Unis n’existaient plus. Des commentateurs qui délirent prêtent des intentions à Biden qu’il est incapable d’avoir (Biden ne peut pas vendre du gaz et du pétrole américain à l’Europe pour remplacer gaz et pétrole russes : il veut des éoliennes aux Etats-Unis !). Ceux qui disent que la débâcle afghane a fait perdre sa crédibilité aux Etats-Unis attribuent la débâcle afghane à Trump !
Est-il si difficile de comprendre ? Il semble que la réponse est : oui.
La guerre froide s’est achevée en 1991 grâce à la stratégie de Ronald Reagan, pas du tout grâce à la bienveillance de Mikhail Gorbatchev. Ce qui a suivi a été ce que le commentateur Charles Krauthammer a appelé le “moment unipolaire” : le moment où les Etats-Unis ont été en position de superpuissance hégémonique planétaire. George Herbert Walker Bush a commencé à dilapider l’hégémonie planétaire américaine en donnant une dimension multilatérale au nouvel ordre Mondial dont il a parlé. Bill Clinton a accentué la dilapidation en laissant monter des dangers qu’un Président vigilant aurait écrasé. George Walker Bush a réagi avec courage à l’attaque menée par al Qaida, mais a imaginé pouvoir universaliser le modèle démocratique américain, ce qui s’est révélé être une mission impossible. Barack Obama a repris le travail de dilapidation. Donald Trump a mené un travail de redressement remarquable sans pouvoir le mener jusqu’au bout. Joe Biden s’efforce de détruire la puissance américaine. En face, des puissances hostiles à l’Occident se sont reconstruites au cours des trente dernières années. La Chine est devenue une superpuissance aux ambitions hégémoniques planétaires. L’Iran des mollahs, allié de la Chine, vise une hégémonie régionale sur le Proche-Orient qui profitera à la Chine. La Russie est une alliée stratégique de la Chine et de l’Iran des mollahs. Poutine entend soumettre l’Europe entière et dissocier l’Europe des Etats-Unis, et pour cela briser l’OTAN. C’est fondamentalement, on l’oublie sans cesse, un disciple d’Alexandre Douguine, le concepteur de la théorie eurasianiste disant, sur la base des thèses de Halford Mackinder (qui parlait de heartland), que qui tient l’Eurasie tient le monde, et un ennemi du “monde atlantiste” par Douguine.
La Chine, l’Iran, la Russie ont passé des alliances, et constitué un bloc autoritaire-totalitaire présentement à l’offensive. Face à lui, il y a ce qu’on appelait le monde libre et le monde libre est chancelant.
L’administration Biden est complice du un bloc autoritaire-totalitaire. Elle se comporte comme si elle acceptait l’avancée de la Chine vers l’hégémonie mondiale, comme si elle acceptait l’idée que l’Iran des mollahs avance vers l’hégémonie régionale au Proche-Orient, et comme si elle acceptait les buts que se fixe Poutine, et elle se comporte ainsi parce qu’elle accepte fondamentalement l’avancée de la Chine vers l’hégémonie mondiale, l’avancée de l’Iran vers l’hégémonie régionale au Proche-Orient et les buts que se fixe Poutine. J’ai dit qu’elle était composée de crétins gauchistes, et il y a du crétinisme dans son comportement, mais il y a aussi du gauchisme, et l’acceptation d’un monde dominé par la Chine.
L’administration Biden est au service du great reset, un projet global basé sur le modèle chinois, conçu à Davos en coopération avec des milliardaires aux ambitions idéocratiques tels que Larry Fink, et ce projet est du côté de la soumission au bloc autoritaire-totalitaire.
Les dirigeants d’Europe occidentales ont essentiellement les mêmes orientations que l’administration Biden. Leurs postures actuelles ne doivent tromper personne. Ils sont eux aussi au service du great reset et du côté de la soumission au bloc autoritaire-totalitaire.
Poutine ne restera pas en situation d’échec, non, et il emploiera tous les moyens pour redresser la situation, oui. Il a, disais-je, commencé à le faire. Et il sait ce que je viens d’écrire.
L’administration Biden est ce qu’elle est : elle ne fera rien pour sauver l’Ukraine du joug russe, et rien pour faire échapper l’Europe à la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Elle ne fait rien pour échapper à sa propre dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Elle paie chaque jour des milliards de dollars à la Russie qui servent à celle-ci pour financer la guerre en Ukraine.
L’Europe occidentale est ce qu’elle est : il n’y a aucun réveil de l’OTAN, mais une panique européenne temporaire, et aucun dirigeant européen ne reproche aux Etats-Unis de Biden de faillir à leur mission de principale puissance du monde libre, aucun !
Aucun dirigeant européen ne reproche à l’administration Biden de ne pas utiliser les capacités de dissuasion américaines. Aucun !
Quand Poutine redressera la situation, l’administration Biden et les dirigeants européens se coucheront.
Quand l’Ukraine sera vaincue, les uns et les autres parleront, puis se tairont. Ce sera tout.
Seul Trump et les républicains dignes de ce nom aux Etats-Unis constituent une alternative et entendent combattre le bloc autoritaire-totalitaire. Seuls, ils auraient été du côté des Ukrainiens et de toute façon, comme je l’ai déjà dit, si Trump était toujours à la Maison Blanche rien de ce qui s’est passé et se passe n’aurait eu et n’aurait lieu. Rien !
Poutine n’aurait reçu aucun avantage. Volodymyr Zelensky ne se serait pas fait provoquant vis-à-vis de Poutine et n’aurait pas harcelé les deux républiques russophones autoproclamées. Il y aurait veillé. Il y a veillé pendant quatre ans. Il a fait comprendre pendant quatre ans à Poutine que s’il attaquait, lui, Donald Trump, réagirait. Trump aurait continué à endiguer la Chine, asphyxier l’Iran, poser des limites strictes à la Russie. Il aurait continué à combattre tout ce qu’incarne le great reset et à combattre le bloc autoritaire-totalitaire.
Si comme c’est très probable, les Républicains dignes de ce nom remportent les deux chambres du Congrès en novembre prochain et si, comme c’est très probable aussi, Trump gagne pour la troisième fois en novembre 2024, les membres de l’administration Biden et toute la gauche américaine seront furieux, tout comme le bloc autoritaire-totalitaire et tous les adeptes du great reset. Les dirigeants européens seront furieux aussi. Cela se verra dans les médias européens. Ce ne sera pas surprenant.
Guy Millière