Le fils du Premier ministre israélien a émis un tweet dans lequel il affirmait qu’il n’y avait pas de « Palestine » parce qu’il n’y avait pas de lettre « P » en arabe.
Si le raisonnement peut être vu comme simpliste et le style offensif (raisons pour lesquelles le tweet a ensuite été supprimé ?), la réponse de France-Soir est carrément fausse.
Voulant démontrer que le rejeton du dirigeant israélien avait tort, France-Soir s’est engagé dans un débat étymologique.
Décrivant des « réponses moqueuses » au tweet de Yaïr Netanyahu, dont l’opinion est ainsi tournée en ridicule, France-Soirprocède à un supposé « fact-checking » :
Le mot Palestine provient en effet de l’arabe Falastin, avant d’être transcrit en latin Palaestina (voir ici) d’où provient la transcription Palestine dans les langues européennes.
Mais l’étymologie est affaire de chronologie : il s’agit de trouver l’origine d’un mot.
Or le nom latin « Palaestina » a été donné en 135 par l’empereur romain Hadrien à la région auparavant dénommée Judée (pays des Judéens, c’est à dire des Juifs). Les Romains, qui venaient de subjuguer les Juifs qui leur avaient opposé une résistance très dure, entendaient effacer le lien des vaincus avec cette région. Ils choisirent « Palaestina » en référence aux Philistins, peuple qui avait été un ennemi des Juifs et qui s’était éteint déjà plusieurs siècles auparavant, dont on pense que le nom signifiait « envahisseurs » (les Philistins étaient probablement à l’origine un peuple provenant de l’actuelle Grèce). Le nom latin « Palaestina » dérivait du grec « Παλαιστίνη – Palaistínē », provenant lui-même de l’hébreu « פְּלֶשֶׁת – p’léshet ». Le terme « P-l-s-t » ou « P-r-s-t » sans doute équivalent a aussi été retrouvé sur des inscriptions égyptiennes pré-datant d’un millénaire le choix du mot par les Romains. Après les Romains, succédant aux Byzantins, c’est au 7e siècle que les Arabes ont envahi la région qu’eux appelaient « Sham », le Levant.
Et c’est bien plus tard que le terme latin a été transcrit dans d’autres langues dont l’arabe. Au début du 20e siècle, les Arabes de la région ne se définissaient pas comme des Palestiniens. « Falastin » en arabe désignait alors la région du mandat britannique sur la Palestine, qui était habitée par des Arabes palestiniens, et des Juifs palestiniens… Le journal juif « Jerusalem Post » s’appelait alors « Palestine Post ». Dans les années 1960, soit dix-huit siècles après la popularisation du terme Palestine par les Romains, tandis que les Juifs de Palestine étaient devenus des Israéliens, les Arabes de Palestine adoptèrent le terme de Palestiniens.
L’étymologie fournie par France-Soir est trompeuse puisqu’elle implique que « Palestine » soit un mot arabe, et par extension que la région ait été arabe avant même la présence des Romains. Il n’en est rien et c’est le mot latin « Palaestina » qui a été transcrit en arabe par « Falastin », pas l’inverse.
L’arabe ne connaissant pas le son « P », la transcription depuis le latin l’a transformé en « F » – qui est un son proche (en hébreu, une seule lettre est d’ailleurs utilisée pour les deux sons avec une simple ponctuation pour les différencier).
L’article raille ceux qui mettent en doute la légitimité historique de la « Palestine » comme entité arabe en se basant sur l’étymologie du mot. Mais une fois démontrée, la falsification de l’histoire nécessaire à l’invalidation de ce point de vue semble bien atteindre l’effet inverse…
D’autant que, juste derrière la phrase en question, l’article contient un deuxième passage tout aussi aberrant.
Un internaute a fait remarquer, non sans ironie, qu’aucune lettre de l’hébreu ne pouvait retranscrire le son “j”. En conséquence, Jérusalem (qui se prononce “Yerushalayim”) ne se trouve pas en Israël.
France Soir ne donne pas le nom de « l’internaute » auteur du tweet en question. Mais un lien pointe vers une page du site anti-israélien Middle East Eye (sobrement présenté par France-Soir comme un « média anglo-saxon »). On peut y lire le tweet original…
… et découvrir son auteur.
Il s’agit de Miko Peled, un activiste antisioniste connu qui ajoutait même dans son message dont la traduction a été tronquée par France Soir que les Juifs ne pouvaient pas faire partie d’Israël. Forcément, puisque Miko Peled, bien que né en Israël dans une famille autrefois sioniste, est contre l’existence même de l’Etat juif. De là à en faire une source crédible pour un média d’information…
C’est évidemment le nom original hébreu « Yerushalayim » qui a été transcrit en français par « Jérusalem »; le « J » du français est une adaptation issue de l’hébreu. Le grec « Hierosólyma » avait gardé la trace de la prononciation hébraïque, tout comme l’allemand qui l’écrit « Jerusalem » comme en français mais où le « J » se prononce « I ». Dire que Jérusalem ne se trouve pas en Israël est par ailleurs faux quelle que soit la justification (au minimum, tout le monde hormis les haïsseurs d’Israël reconnaît que la partie occidentale de la ville est israélienne).
InfoEquitable a écrit à la rédaction de France-Soir pour demander la rectification de cet article (correction de l’étymologie du mot « Palestine » et suppression du paragraphe mensonger sur Jérusalem). Nos lecteurs peuvent également écrire pour appuyer cette demande.
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