“Le concept d’État de droit s’oppose à la notion de pouvoir arbitraire. Il désigne un État dans lequel la puissance publique est soumise aux règles de droit.”
Et pourtant partout les juges (constitutionnels déjà) empiètent sur l’exécutif et le législatif puisqu’ils confondent droits de l’Homme et droits du Citoyen qui, eux, intègrent, de fait, une inégalité juridique garantie par la Constitution ; nul par exemple ne peut bénéficier de droits politiques (droit de vote) et sociaux (permis de travail) s’il n’est pas citoyen ou possède un permis de séjour ; aucun juge ne peut donc empêcher, voire même suspendre une loi ou un décret présidentiel agissant dans ce cadre strict comme la régulation de l’immigration, le primat du statut de citoyen qui est par ailleurs libre d’écouter toute “influence” en tant qu’expression donnée ne violant cependant pas le droit comme la diffamation, le racisme…
Or, et comme cela a été dénoncé à plusieurs reprises mais visiblement sans effet certains juges s’arrogent le droit d’imposer au législatif et à l’exécutif leur lecture politique et non plus juridique de la Constitution ; car lorsque l’on casse une loi ou une condamnation au nom de “la” fraternité” ou alors afin “d’éviter une dictature de la majorité” (comme le prétend concernant Israël Denis Charbit, paragraphe 14) ce rejet ne peut pas se situer au-dessus de la citoyenneté définie par le législatif en premier ; à moins d’outrepasser la lecture juridique (accusée d’être “formaliste” par le même Charbit, idem...) pour interférer, illégalement, dans les sphères législatives et exécutives, ce qui est alors évidemment contraire au principe de “la séparation des pouvoirs“…
Mais faisant fi de ce très strict aspect constitutif, prétendument “formaliste” donc, ces juges et leurs partisans se posent surtout comme une espèce d’archontes autoproclamés s’arrogeant, au nom d’un droit d’autant plus supérieur qu’il n’est pas totalement écrit (et c’est le cas en Israël), d’une sorte de prérogative, d’un pré-requis en quelque sorte ontologique, tels ces “avertissements rationnels” dont parle Denis Charbit (paragraphe 18) en apparence de “bon sens” (idem) mais qui sont en réalité de type ontologico-politique au sens d’imposer une lecture non démocratique des lois (puisque ces juges ne sont pas des législateurs…).
Bien sûr, cette captation ontologique du droit par quelques-uns se prétendant comme les gardiens (néo-platoniciens) de l’esprit démocratique (à l’encontre de son “formalisme” supposé) hante tout ce débat juridico-politique depuis 1851 en France (Louis-Napoléon Bonaparte élu président de la République en 1848 se plébiscite ensuite empereur), en Allemagne (lois d’exception des 23 mars et du 12 novembre 1933 sans parler du plébiscite de 34), voire en 1992 au sein de la néo-Régence d’Alger lorsque le second tour des législatives aura été empêché (idem en Roumanie dernièrement) ; or, si ces cas sont bien distincts certains ne les séparent pas en ce sens où ils se disent, surtout depuis 1933, qu’il vaut mieux empêcher préventivement (“écraser dans l’œuf” disent, très agressivement, leurs partisans dans la rue) l’ascension d’un pouvoir “jugé” en amont politiquement totalitaire ou encore “théologique et colonisateur“, (idem, Denis Charbit, paragraphe 18)…
Mais un tel amalgame est-il pour autant “rationnel” si l’on emploie ici ce vocable utilisé par le même Denis Charbit ou ces “avertissements rationnels” (paragraphe 18) justifiant par la Cour Suprême la suspension de la dite “réforme judiciaire” car allant selon lui non pas vers un rééquilibrage des pouvoirs mais plutôt vers un “changement de régime” (paragraphes 17 et 18, op.cit.) pouvant alors remettre en cause les libertés fondamentales…
Pourtant, il serait fort loisible d’interdire une telle remise en cause précisément par la règle de l’unanimité des 15 juges proposée précisément par… la Réforme judiciaire en Israël (!) : “La Haute Cour de justice ne pourra annuler des lois qu’à l’unanimité des quinze juges” (paragraphe 13 dans le texte même de Denis Charbit) alors que s’il avait été question en sous-main d’un “changement de régime” il aurait été loisible de diminuer la majorité nécessaire au Parlement afin d’avoir le dernier mot sur la Cour Suprême, tandis qu’il n’a jamais été question dans cette Réforme d’organiser un plébiscite ayant pour objet précisément la suppression de la séparation des pouvoirs et déjà de supprimer la Haute Cour…
En France, si la situation juridico-politique ne se présente pas identiquement à celle-là, il n’empêche que les empiétements de plus en plus fréquents des deux hautes Cours (État et Conseil Constitutionnel) sur le pouvoir législatif (sous pression parfois du pouvoir exécutif et autres officines occultes), et le fait qu’elles font un amalgame, lui aussi croissant, entre droits de l’Homme et droits du Citoyen, cette confusion française pose cependant la “même” question qu’en Israël : dans quelle mesure une lecture théoriquement “constitutionnelle” de telle loi ou décret (comme également aux USA ces temps-ci) n’est-elle pas en pratique également “politique” et donc dépasse, de fait, non seulement formellement mais ontologiquement, dans son “esprit” même, le principe suprême de la loi fondamentale stipulant que seul le Peuple (démos…) EST souverain ?…
Car ce principe suprême, validé à chaque fois par des élections, implique un respect, strict, de la distinction et équilibre des pouvoirs ; ce qui fait par exemple que les droits du Citoyen ne peuvent être ni inférieurs ni restreints aux droits de l’Homme à partir du moment où se trouve bien spécifié que si les droits du citoyen font également partie des droits de l’Homme, seul le citoyen bénéficie cependant de la souveraineté législative (et en France du droit d’élire le Garant suprême de la Constitution) ; les Hautes Cours ayant seulement pour tâche de vérifier les limites constitutionnelles de ces deux types de Droit.
Et comme il peut rester une ambiguïté en la matière, le fait de renforcer constitutionnellement les droits du Citoyen avec la notion de “priorité” se pose néanmoins de plus en plus ; mais ce renforcement du droit de priorité ne peut être taxé de “racisme systémique” ; sauf si l’on est nihiliste et sans-frontiériste ; ce qui mettrait en cause les fondements mêmes de l’État de droit du régime démocratique ; ce qui à l’évidence heurte certains qui optent de plus en plus pour ces interprétations dites “préventives” alors qu’elle sont ontologiquement totalitaires puisqu’elles octroient le pouvoir “en dernière instance” aux seuls juges “jugés” les plus “Éclairés” ou les plus “Affranchis”… |