Comment expliquer que tant d’étudiants, à Sciences Po, à l’École normale supérieure et ailleurs (pour beaucoup issus de milieux bourgeois) aient épousé la cause du Hamas ? Pourquoi se sont-ils déguisés en petits terroristes, arborant des keffiehs et exhibant des mains rouges ? Comment ont-ils pu exprimer, par ce ralliement, bien autre chose que le souci de la paix et des droits des civils palestiniens ? Comment ont-ils pu faire leur le slogan « Free Palestine , from the river to the sea » qui vise à l’annihilation de l’État d’Israël ? Comment, au XXIe siècle, ont-ils pu faire chorus avec ceux pour lesquels « Hitler n’a pas fini le travail » ?
Cet antisémitisme, implicite ou avoué, conscient ou inconscient, vaut bien celui de Drumont et de sa France juive au XIXe siècle. Comment, sous couleurs tiers-mondistes, ce virus mortel peut-il infecter la France des droits de l’homme ? Comment cette jeunesse peut-elle rester insensible à l’explosion des actes antisémites depuis le 7 octobre ? Comment des adolescents de 13 et 14 ans ont-ils pu être assez ivres de haine pour faire subir des sévices sexuels à une fillette de 12 ans, au motif qu’elle est juive et qu’« il faut venger les Palestiniens » ?
La cause principale du retour de la bête immonde est l’islamo-gauchisme. Or celui-ci bénéficie de l’indifférence, parfois de la complaisance, de certains responsables de l’Éducation nationale. Ouvrons les manuels scolaires. Celui d’histoire-géographie et d’Éducation civique, publié par Hachette, consacre le premier chapitre du manuel de cinquième aux « Origines de l’islam ». On y trouve divers extraits de sourates. L’une vaut son pesant de plomb : « Combattez ceux qui ne croient pas en Dieu. Ceux de la religion du Livre, combattez-les jusqu’à ce qu’ils paient l’impôt en signe de soumission. Dieu a attribué un rang plus élevé pour ceux qui combattent pour Dieu qu’à ceux qui restent dans leurs foyers » (sourate IV, verset 29, 97 et 98).
La cause principale du retour de la bête immonde est l’islamo-gauchisme. Or celui-ci bénéficie de l’indifférence, parfois de la complaisance, de certains responsables de l’Éducation nationale
Si l’on n’avait pas compris qu’il s’agit de combattre les chrétiens et les Juifs, les deux questions à poser proposées au professeur mettent les points sur les « i » : « Contre qui les musulmans doivent combattre ? Que doivent faire les Juifs et les chrétiens vaincus ? » Pourquoi donner ainsi quitus académique au fanatisme ? Pourquoi favoriser, en les banalisant, les identifications communautaires et religieuses auxquelles seront portés, à cette lecture, de nombreux élèves ? Et pourquoi consacrer ce premier chapitre à l’islam ?
Autre exemple. Parmi les deux sujets du baccalauréat HGGSP de cette année, l’un est ainsi libellé : « Juger les crimes de masse et les génocides après 1945. » La syntaxe de la phrase, comme la référence à 1945 semblent placer hors champ la Shoah et le massacre des Arméniens. Ils braquent le projecteur sur le jugement des génocides postérieurs à 1945. Et si l’énoncé visait, à en croire le corrigé écrit, à se placer non seulement « dans le contexte de l’histoire contemporaine récente », mais encore dans celui du procès de Nuremberg, il faut observer que les tribunaux de Nuremberg n’ont jamais eu à statuer sur le crime de génocide, lequel n’a été reconnu que deux ans après, par la Convention sur le génocide de 1948 (la première condamnation pour crime de génocide est intervenue au Rwanda dans l’affaire Akayesu en septembre 1998)…
Les auteurs de ce sujet du bac ont été d’une singulière légèreté en donnant à certains élèves, par l’énoncé retenu, l’occasion de déverser leur haine d’Israël
En tout état de cause, dans le contexte actuel, appliquer le mot « génocide » à la période contemporaine, c’est inévitablement faire gloser les élèves sur le prétendu « génocide » perpétré à Gaza. C’est, pour reprendre le corrigé oral d’une enseignante, renvoyer à « l’actualité attendue ». Bonne note promise aux candidats mentionnant le recours, introduit devant la Cour internationale de justice de l’ONU, par une Afrique du Sud affirmant que l’armée israélienne commet un génocide à Gaza. Mais comment sera noté un élève qui critique le bien-fondé de ce recours en soutenant que la seule tentative de génocide avérée est celle commise par le Hamas lors du pogrom du 7 octobre ? Comment réagira à cette opinion un correcteur qui apporte ses suffrages à La France insoumise ? Un tel sujet n’était-il pas aussi un piège pour les élèves captifs du discours viscéralement anti-israélien de leurs entourages ?
Mal posé, le sujet est non moins scabreux. Il pousse nécessairement, fût-ce involontairement, les élèves à se positionner idéologiquement, portant ainsi atteinte, dans les dramatiques circonstances présentes, à deux valeurs cardinales de l’enseignement public : le principe de neutralité politique et religieuse et l’exigence de tact et délicatesse, chère à Jules Ferry. On nous rétorquera que la question posée couvre aussi le génocide des Tutsis au Rwanda. C’est peu convaincant, d’autant que le génocide du Rwanda est encore une occasion d’accabler la France, que la doxa décoloniale tient pour coupable de la tuerie.
Au-delà de ces affaires de manuels et de sujets d’examen, force est de constater que la propagation des idées islamo-gauchistes chez les jeunes bénéficie de la passivité ou de la complaisance de nombre de responsables publics au sein de l’Éducation nationale.
Les auteurs de ce sujet du bac ont été d’une singulière légèreté en donnant à certains élèves, par l’énoncé retenu, l’occasion de déverser leur haine d’Israël… ou tout simplement des Juifs. Sans doute le corrigé de l’épreuve ne trahit-il pas d’intention tendancieuse. Mais qu’en est-il des effets produits ? Comment ignorer la manière dont un tel sujet peut être perçu aujourd’hui par les candidats ?
À vrai dire, le drame de Gaza semble devenu l’obsession des auteurs de sujets d’examen. Ainsi, à l’épreuve de statistiques médicales de l’université Sorbonne Paris Nord, les candidats au concours de première année de médecine étaient invités, le 6 mai, à plancher sur les questions suivantes : « À Gaza, l’âge médian est de 18 ans… Quelles principales incidences découlent de ce fait ? Quant à l’actualité du conflit Israël-Hamas ? Et dans un avenir prévisible ? » Cette épreuve et son corrigé ont été dénoncés dans une pétition signée par plus de 3.000 médecins et professeurs de médecine. Démarche que le Conseil de l’ordre, saisi, n’a pu qu’appuyer.
Au-delà de ces affaires de manuels et de sujets d’examen, force est de constater que la propagation des idées islamo-gauchistes chez les jeunes bénéficie de la passivité ou de la complaisance de nombre de responsables publics au sein de l’Éducation nationale. Ce n’est pas faute d’avoir été prévenus. Il y a près de dix ans, un rapport de Jean-Pierre Obin (« Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école ») fournissait tous les éléments nécessaires pour mesurer le péril. Il dénonçait le « surtout pas de vagues » qui a détruit l’esprit public dans l’Éducation nationale en isolant ceux qui lui résistaient. Les résistants ont payé de leur vie, comme Samuel Paty et Dominique Bernard, ou de leur sécurité comme ce proviseur qui, ayant été menacé de mort sur les réseaux sociaux pour avoir refusé une abaya dans son établissement, a été acculé à la démission.
Face à tous ces faits, le ministère de l’Éducation nationale, qui est aussi celui de la Jeunesse, ne peut esquiver deux questions : comment les manuels et sujets d’examen peuvent-ils ainsi donner prise à l’idéologie islamo-gauchiste ? Quelles mesures prendre pour combattre, avec l’efficacité indispensable, l’état d’esprit que révèlent, au sein des milieux éducatifs, ces défaillances ou ces dérapages ?
*Signataires : Noëlle Lenoir, présidente du Cercle Droit et débat public, ancienne ministre et membre honoraire du Conseil constitutionnel ; Pierre-Henri Conac, professeur de droit ; Dominique de La Garanderie, avocate, ancienne bâtonnière de Paris ; Jean-Claude Magendie, premier président honoraire de la cour d’appel de Paris ; Jean-Yves Naouri, chef d’entreprise ; Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel ; Philippe Valletoux, consultant.
Source: Le Figaro
https://www.lefigaro.fr/vox/societe/politisation-rampante-de-l-enseignement-meme-les-questions