France et Israël échangent leurs bonnes pratiques handicap

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Construire une société inclusive : un défi commun à la France et à Israël. Les 2 pays ont partagé expériences et bonnes pratiques lors d’un symposium organisé à Paris. Des échanges inspirants !

Quels points communs, quelles différences, quelles bonnes pratiques à échanger entre France et Israël dans le domaine du handicap ? Pour répondre à ces questions, APF France handicap et la Fondation France-Israël -qui vise à accroître les relations entre les deux pays notamment dans les domaines scientifique, économique et culturel- ont organisé, le 25 mars 2019, un symposium au Sénat pour confronter leurs expériences. Prosper Teboul, directeur général d’APF France handicap, et Muriel Haim, présidente de la fondation, font le bilan via des regards croisés.

Handicap.fr : Comment est née cette initiative ?
Muriel Haim : Il y a une trentaine d’années, quand mon fils était à l’école, il avait certains cours avec des enfants déficients auditifs. J’avais trouvé ça extrêmement intéressant ! Depuis, étant médecin, j’ai toujours gardé un œil sur la prise en charge des enfants handicapés. Israël a une vraie expertise sur le sujet de l’autisme donc j’ai pensé qu’il fallait la partager.

H.fr : Quel bilan tirez-vous de ce symposium ?
Prosper Teboul : L’intérêt était de naviguer entre des positionnements politiques, historiques, sociologiques, avec des témoignages sur les pratiques éducatives, l’emploi et même le sport avec le discours de conclusion de l’athlète paralympique israélienne Pascale Bercovitch. Le pari était à la fois ambitieux et modeste. En une journée, on ne pouvait pas dresser un inventaire des pratiques dans les deux pays… L’objectif était de faire une sorte de photographie à l’instant T.

H.fr : Echanger les bonnes pratiques avec d’autres pays, c’est récent et finalement peu commun…
PT : Dans mon souvenir, c’est le premier « Regards croisés » d’une telle ampleur sur le handicap. Nous avons noué des partenariats assez importants avec l’Espagne et la Once (Organisation nationale des aveugles espagnols), nous nous sommes rapprochés de plusieurs acteurs britanniques impliqués dans le champ du handicap dans le cadre de notre déplacement à Londres pour les Jeux paralympiques mais il est vrai que nos échanges sont très limités. Cette expérience est à reproduire avec d’autres pays !

H.fr : Quels points communs les deux pays ont-ils sur la prise en charge du handicap ?
PT : Le morcellement de nos modes de financement. Nous avons tous deux un véritable millefeuille de dispositifs autour du handicap. Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre ! Mais l’approche israélienne semble plus pragmatique. Par exemple, Elie Elalouf, député israélien,  a dit lors de ce symposium : « La loi, aussi louable soit-elle, ne suffit pas, il faut la bousculer ». Il y a une dizaine d’années, de nombreuses personnes handicapées sont descendues dans les rues. Ce supplément d’action a fait évoluer positivement leur situation en Israël.

H.fr : De par sa situation géopolitique, Israël compte-t-elle plus de personnes handicapées ?
MH : Il n’y en a pas plus mais le regard est forcément différent parce qu’il y a 400 à 500 blessés tous les ans qui deviennent handicapés. Donc, lorsqu’on croise une personne avec un handicap moteur, le premier réflexe est de se dire qu’elle a souffert pour servir son pays.

H.fr : Pour ces raisons-là, le regard que porte la population est-il plus tolérant qu’en France ?
MH : Ce n’est même pas une question de tolérance, elles ne sont tout simplement pas considérées comme différentes. Il y a une quinzaine d’années, un hélicoptère est tombé et l’un des soldats est devenu tétraplégique. Il a alors écrit alors au président Eizer Weizmann, qui a dirigé l’armée de l’air, pour lui dire qu’il ne pouvait circuler nulle part en fauteuil roulant. Quelques jours plus tard, il a reçu un appel du  président Weizmann qui souhaitait lui confier une mission : rendre le pays accessible. Aujourd’hui, il l’est presque partout : les transports, tous les ministères… Par ailleurs, le gouvernement a annoncé la fermeture de tous les lieux publics qui ne seraient pas accessibles d’ici à 2020. Et il le fera ! C’est peut-être la différence avec la France… Il y a aussi énormément de moyens déployés pour les enfants handicapés. Lorsque l’un d’eux arrive dans une école, cette dernière a six mois pour se mettre aux normes.

H.fr : L’une des particularités d’Israël, c’est le service militaire obligatoire. L’est-il également pour les personnes handicapées ?
M.H : Non mais à partir du moment où l’une d’elles est volontaire l’armée doit s’adapter. Pascale Bercovitch a fait son service militaire en étant amputée des deux jambes. En parallèle, l’armée israélienne a monté un programme pour que certains autistes, avec des capacités particulières, puissent travailler dans le renseignement. Il y a plusieurs mois, Israël a reçu une délégation de l’armée française pour parler de l’intégration des personnes handicapées. A la suite de cette rencontre, un accord a  été signé entre le ministère de la Défense français et des associations afin de recruter des autistes Asperger comme personnel civil au sein du ministère.

H.fr : Quelles évolutions en matière d’inclusion dans les deux pays ?
M.H : Avant, tous deux étaient portés sur les institutions, maintenant ils visent de plus en plus l’intégration des personnes handicapées dans la société. Parce qu’on ne va pas se raconter des histoires, elles en ont été exclues. Or je pense que tout le monde peut contribuer à la construction d’une société. Chaque fois que cette dernière s’ouvre, tout le monde y gagne.

P.T : Il y a une approche commune : partir des besoins de la personne. Mais étant donné l’histoire très différente de la France et d’Israël, je m’attendais à voir un écart plus important… Finalement, c’est Israël qui a une belle longueur d’avance sur nous, notamment en ce qui concerne l’enfance ! Elle privilégie d’abord l’école et ensuite l’institution.

H.fr : A contrario, la France est-elle inspirante dans d’autres domaines ?
M.H : Forcément, sur le plan administratif notamment. La grosse différence, c’est l’intégration du facteur temps. La France travaille davantage sur le moyen et le long terme tandis qu’Israël, de par la pression environnementale, mise sur le court terme. C’est aussi parce que vous êtes beaucoup plus nombreux… Mais ce qui est surprenant, c’est qu’avec tout cet arsenal législatif, il n’y ait pas plus de résultats. Il y a quelques années, Israël s’est inspirée de la loi française sur l’obligation d’emploi des personnes handicapées mais a choisi de ne pas appliquer de sanction aux entreprises qui ne la respecteraient pas. En France, ce dispositif ne fonctionne pas forcément bien pour deux raisons : les employeurs préfèrent souvent payer la pénalité et les employés sont réticents à l’idée de déclarer leur handicap de peur d’être les premiers dans la charrette…

H.fr : Quelle est la prochaine étape de cette collaboration ?
M.H : Un deuxième symposium sur la technologie au service du handicap, en Israël. Sophie Cluzel a choisi cette thématique car elle a conscience de l’expertise de notre pays dans ce domaine. 70 start-ups travaillent, par exemple, sur les troubles visuels. Il y a également un système de prêt de matériel, comme les fauteuils roulants, destiné aux locaux mais aussi aux touristes.

Source informations.handicap.fr

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